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SMITH, ALEXANDER MORTIMER, soldat, homme d’affaires, officier de milice et homme politique, né le 8 mai 1818 à Monymusk, Écosse ; il épousa Mary Ann Barnes ; décédé le 19 janvier 1895 à Toronto.
Alexander Mortimer Smith naquit dans une paroisse rurale de l’Aberdeenshire. Fils d’un homme pauvre, ses perspectives d’avenir étaient limitées ; après des études sommaires, il s’empressa donc d’entrer dans l’armée. Comme beaucoup de jeunes gens de son coin de pays, il s’enrôla en 1836 dans le 93rd Foot. En novembre 1838, son régiment avait atteint Toronto où, durant six ans, il conserverait, selon les termes d’un officier inspecteur, « une sobriété et une discipline relatives au milieu de la débauche dont il parai[ssait] être entouré ».
Influencé par ses amis et sa famille plutôt que par son commandant, qui lui offrait un brevet d’officier, Smith quitta le régiment en 1840 pour entrer dans le commerce. Il trouva bientôt du travail chez un épicier et, grâce à son zèle et à son sens des affaires, améliora rapidement sa situation. En 1846, il aurait son propre magasin général rue Queen ; au cours de la décennie suivante, il se rapprocherait du centre commercial de la ville, au sud, pour y exploiter deux épiceries, où il vendrait également de la vaisselle. À la fin des années 1850, il s’associa à John Smith*, avec qui il n’avait aucun lien de parenté, et s’aventura dans la vente en gros de produits d’alimentation ; à peu près à la même époque, il fit pendant quelque temps le commerce du bois, un secteur d’activité alors en pleine expansion à Toronto.
Grâce à ses succès en affaires, Smith acquit rapidement sécurité et renom. En 1855, d’influents citoyens l’avaient invité à se présenter au conseil municipal et, après son élection, il y avait siégé un an. Élu échevin du quartier St James en 1858, avec Oliver Mowat*, et réélu l’année suivante, il remit néanmoins sa démission en février. Bien que ses raisons ne soient pas claires, on peut supposer d’après les descriptions ultérieures que c’était un collègue de travail difficile et qu’il n’avait pas l’étoffe d’un homme politique. Quoi qu’il en soit, les autres membres du conseil municipal acceptèrent sa démission à contrecœur, ce qui témoigne de leur respect pour le dur travail qu’il avait accompli dans plusieurs des comités les plus importants.
Son retour à la carrière militaire constitue également un indice de l’ascension sociale de Smith. Comme le note l’un de ses contemporains, c’était un « soldat-né » et, en 1856, on lui avait offert le commandement d’une compagnie de fusiliers des Highlands, formée à la suite de l’Acte pour régler la milice de 1855. Trois ans plus tard, cette unité fusionna avec cinq autres compagnies de volontaires pour former un bataillon qui prit plus tard le nom de Queen’s Own Rifles. Promu major le 26 avril 1860, Smith renonça cependant à ses prétentions au commandement du bataillon en novembre 1865, vraisemblablement à cause du travail qu’exigeaient ses charges publiques. Après avoir commandé pour une courte période un bataillon temporaire, il donna sa démission le 13 juillet 1866. Il ne cesserait jamais cependant de s’intéresser aux questions militaires, non plus qu’aux affaires écossaises. Avec d’autres officiers de sa compagnie, Smith avait participé en septembre 1858 à la formation de la Caledonian Society, vouée à l’encouragement des arts et des jeux traditionnels de l’Écosse. Il adhéra également à la St Andrew’s Society, association de bienfaisance qu’il présida en 1866–1867.
C’est cependant son travail au Board of Trade de Toronto qui exprime le mieux les intérêts de Smith. Membre de ce groupe à compter de 1856, président en 1877, il fut toujours élu à son conseil et les postes qu’il y occupa illustrent bien à quel point ses idées correspondaient à celles de l’effectif, dominé par des grossistes d’origine étrangère. L’organisme appuyait fermement tout ce qui était susceptible d’accroître la domination économique de Toronto sur l’arrière-pays, et Smith était l’un des principaux promoteurs d’un projet en ce sens, celui du Toronto and Nipissing Railway. Quoiqu’il fût un échec financier (il serait absorbé par le Midland Railway en 1882), ce chemin de fer, comme d’autres du même genre, à voie étroite, offrait plus de sécurité aux grossistes en améliorant l’accès aux marchés et en éliminant le recours aux sous-traitants et aux intermédiaires. Très conscients du fait que la dépression de 1857–1858 avait ébranlé l’infrastructure économique de la province, les membres du bureau étaient également impatients de mettre en place des institutions financières mieux à même de faire face à la situation. Or Smith incarnait cette volonté de diversifier les intérêts : pendant les années 1860, il se fit élire aux conseils d’administration de la Provincial Mutual and General Insurance Company, de la Compagnie d’assurance de l’Ouest, de la Canada Permanent Building and Savings Society et de la Banque canadienne de commerce. Il fut également président de la Banque royale du Canada (Royal Canadian Bank), où un scandale l’effleura en 1869 après que le sénateur Donald McDonald* en eut dénoncé la mauvaise administration.
Le Board of Trade faisait souvent valoir ses vues par l’intermédiaire de la politique provinciale, et les élections de 1863 donnèrent à Smith l’occasion d’en exprimer plusieurs. Choisi candidat du parti réformiste dans Toronto East après que George Brown* eut refusé de s’y présenter, Smith proposait un programme qui englobait non seulement les orientations habituelles du parti mais un certain nombre de plans destinés à améliorer la situation économique de Toronto et de ses marchands. Quoique le Leader de James Beaty l’eût accusé d’être « un homme de talents et de connaissances médiocres », incapable de « prononcer une demi-douzaine de phrases de manière respectable », les critiques ne parvinrent pas à faire oublier que le député sortant, John Willoughby Crawford*, avait donné son appui au projet de loi d’initiative gouvernementale sur les écoles séparées. Grâce à l’influence de l’échevin conservateur Francis Henry Medcalf*, Smith gagna le vote orangiste qui avait élu Crawford trois ans plus tôt. Sa majorité considérable et la victoire de John Macdonald* dans Toronto West, où il affrontait John Beverly Robinson, assuraient au parti réformiste un succès sans précédent dans Toronto.
Le passage de Smith à l’Assemblée législative confirma jusqu’à un certain point l’opinion de Beaty, car le député parla rarement, sauf pour faire de brefs commentaires à propos de questions commerciales ou concernant la milice. Néanmoins, il aurait probablement obtenu de nouveau l’investiture aux élections fédérales de 1867 s’il n’avait pas appuyé, à l’Assemblée, le gouvernement de coalition de sir Étienne-Paschal Taché* et de John Alexander Macdonald. Même s’il avait été élu sous la bannière réformiste, il avait promis à l’occasion de l’assemblée de mise en candidature en août 1867 de ne jamais « offrir une opposition constante, factieuse à un gouvernement » si celle-ci devait entraîner le rejet de mesures raisonnables, et il mit quiconque au défi de gagner Toronto East sans l’appui des conservateurs. Cette attitude aussi ouvertement indépendante suscita une bruyante attaque de George Brown, et Smith se retira de la course le 23 août. William Thomas Aikins, qui le remplaça, fut battu à plates coutures par le candidat conservateur, James Beaty.
À l’invitation de plusieurs citoyens éminents, Smith interrompit sa retraite politique en 1874 pour se porter candidat à la mairie de Toronto. La rumeur voulait que des irrégularités se soient glissées dans les relations du maire sortant, Alexander Henderson Manning*, avec des entrepreneurs employés à la construction de l’usine de distribution d’eau de la ville. Dénigré pendant sa campagne à cause de sa conduite de 1867, Smith perdit le vote de plusieurs réformistes influents de la ville, qui appuyèrent plutôt Francis Henry Medcalf, candidat de dernière heure. Ironiquement, dans cette ultime incursion en politique, Smith devrait sa défaite à celui-là même qui lui avait apporté la victoire en 1863.
Smith s’était associé vers 1871 à William Walker Keighley, ancien directeur torontois de la Reford and Dillon, firme montréalaise d’importation et de vente en gros de produits d’alimentation. La Smith and Keighley prit la relève et devint l’une des plus grandes entreprises de vente en gros de Toronto. Avec d’autres investisseurs de cette ville et d’Owen Sound, elle fonda en 1880 la Canada Lake Superior Transit Company en vue d’exploiter un commerce d’expédition sur les lacs Supérieur, Michigan et Huron. Dans les années 1890, toutefois, ses vapeurs faisaient route vers des ports américains, comme celui de Rochester, dans l’état de New York. Vu son intérêt pour les questions de transport maritime, Smith représenta souvent le Board of Trade au Harbour Trust, et il demanda à ses anciens collègues du Parlement des fonds du gouvernement fédéral pour améliorer l’entrée ouest du port de Toronto.
Malgré une forte grippe qui l’obligea à ralentir ses activités en 1891, Alexander Mortimer Smith poursuivit ses activités dans diverses institutions financières et occupa la vice-présidence de la Banque d’Ontario de même que la présidence de la Compagnie d’assurance de l’Ouest. Au début de l’année 1894, sa santé se détériora. Il mourut un an plus tard, en léguant de grosses sommes d’argent aux membres de sa famille et à un certain nombre d’organismes de charité, notamment le Hospital for Sick Children, dont il avait été membre du conseil. Comme le révèle son testament, cet homme d’origine modeste avait réussi, par son zèle et en s’intéressant judicieusement à de multiples domaines financiers, à atteindre la prospérité et à gagner le respect de ses pairs. Sans avoir tous les talents de ses contemporains, il demeure néanmoins un modèle, par la diversité de ses intérêts et sa participation aux affaires militaires, commerciales et publiques.
AN, MG 28, III 56, 3 (mfm à la MTRL).— AO, MU 307.— CTA, RG 1, A, 1855–1859.— Toronto Harbour Commission Arch., RG 1/1/1, vol. 1 ; RG 1/4, box 4, vol. 1 ; RG 2/ 1, box 1, vol. 2 ; SC 26, box 6, vol. 3.— York County Surrogate Court (Toronto), no 10726 (mfm aux AO).— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. des journaux, 1857–1859 ; Journaux, 1863–1867.— Canada Gazette, 14 (1880) : 267.— « Parliamentary debates » (Assoc. canadienne des bibliothèques, mfm des débats de la législature de la prov. du Canada et du parl. du Canada, 1846–1874), 1863–1867.— Evening Telegram (Toronto), 19 janv. 1895.— Globe, 1856–1895.— Leader, 1863–1867.— Mail (Toronto), déc. 1873–janv. 1874.— Monetary Times, 1870–1878.— Toronto Evening Star, 19–21 janv. 1895.— Toronto directory, 1843–1895.— G. M. Adam, Toronto, old and new : a memorial volume [...] (Toronto, 1891).— E. J. Chambers, The Queen’s Own Rifles of Canada [...] (Toronto, 1901).— Robertson’s landmarks of Toronto, 2.— Toronto, Board of Trade, « A souvenir ».
Michael B. Moir, « SMITH, ALEXANDER MORTIMER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smith_alexander_mortimer_12F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |