SKINNER, THOMAS, ingénieur militaire, né en 1759 en Angleterre, fils de William Skinner et de Hester Lawder, de Berwick-upon-Tweed, Angleterre ; il épousa une dénommée Power, et ils eurent cinq fils et trois filles ; décédé le 6 février 1818 au Havre, France.
Petit-fils de William Skinner, ingénieur en chef de la Grande-Bretagne au milieu du xviiie siècle, Thomas Skinner entra dans le corps de génie, à titre d’enseigne, le 27 mai 1774. Il fut pendant nombre d’années cantonné à Gibraltar où les plus vieux de ses enfants naquirent. À la fin de l’été de 1790, Skinner, devenu alors capitaine, arrivait à Terre-Neuve comme ingénieur en chef. Pendant les 13 années qui suivirent, sous six gouverneurs différents, il eut la responsabilité de l’entretien des fortifications et autres ouvrages militaires de Terre-Neuve, dans la mesure où les fonds arrachés à la Trésorerie le permettaient.
Après que la guerre eut éclaté avec la France en 1793, le départ d’une expédition chargée d’occuper les îles Saint-Pierre et Miquelon réduisit sérieusement la garnison de St John’s [V. James Ogilvie]. Skinner leva alors, à ses propres frais, quatre compagnies regroupant quelque 150 officiers et soldats, qu’on nomma les Royal Newfoundland Volunteers. À l’été de 1796, l’apparition d’une escadre française au large des côtes mit St John’s sur un pied d’alerte, et les Royal Newfoundland Volunteers s’acquittèrent honorablement de leurs responsabilités quand ils furent appelés à renforcer la garnison régulière. Un an plus tard, ils profitèrent de l’occasion d’une mutinerie à bord du Latona, dans le port de St John’s, afin de proclamer qu’ils étaient prêts « à sacrifier leur vie et leurs biens pour la défense du roi, du pays et de leur glorieuse constitution ».
Mais rien de la sorte ne fut exigé d’eux, et, peu après 1796, les Royal Newfoundland Volunteers furent tranquillement licenciés. Entre-temps, en avril 1795, Skinner avait été promu lieutenant-colonel et autorisé à lever sur-le-champ un régiment d’infanterie composé de fencibles et appelé à servir en Amérique du Nord seulement, semblable à ceux qui avaient déjà été levés en Nouvelle-Écosse par sir John Wentworth et au Nouveau-Brunswick par le lieutenant-gouverneur Thomas Carleton. Il mit tant de vigueur à faire du recrutement que le Royal Newfoundland Fencible Régiment eut vite atteint le nombre prévu de 650 soldats. En 1796, les préparatifs militaires que Skinner et le gouverneur sir James Wallace avaient mis en œuvre, amenèrent l’amiral français à abandonner toute idée d’attaquer.
Peu après, toutefois, les choses commencèrent à se gâter pour le régiment de Skinner. Il comptait dans ses rangs de nombreux soldats qui avaient prêté le serment de la Society of United Irishmen, s’engageant ainsi à réaliser l’indépendance de l’Irlande. Il est également prouvé que les mutins du Latona suscitèrent beaucoup de sympathie parmi les troupes qui se trouvaient dans l’île. Les mesures de discipline strictes prises par le général de brigade John Skerrett, qui fut nommé commandant de la garnison en 1799 sans qu’on consultât Skinner, provoquèrent une désaffection croissante chez les soldats, beaucoup de désertions et un complot en vue de se mutiner et d’assassiner Skinner et ses officiers. La révolte, fixée au 20 avril 1800, échoua ; les meneurs furent passés en conseil de guerre et huit d’entre eux furent pendus. On transféra tout le régiment à Halifax, à l’exception de deux compagnies d’élite, et on envoya un régiment britannique de l’armée régulière à St John’s pour le reste de la guerre. Au retour de la paix, en 1802, le Royal Newfoundland Fencible Regiment fut licencié. Skinner abandonna ses fonctions d’ingénieur en chef, qu’il avait continué d’exercer tout en commandant les Royal Newfoundland Volunteers, lorsqu’il fut rappelé en Angleterre en 1803. Il se retira avec la pleine solde le 1er juillet 1807.
Comme ingénieur en chef de Terre-Neuve, Skinner porta le système de défense de St John’s à un haut niveau d’efficacité. Mais, à titre de commandant d’un régiment, sa tâche ne fut pas facile et sa tendance à agir indépendamment du gouverneur William Waldegrave au cours des années 1790 lui valut plus d’une fois de vertes réprimandes. Le gouverneur de Terre-Neuve était aussi, de par sa commission, commandant en chef des troupes de l’île, et les gouverneurs successifs avaient maintenu cette position malgré les réclamations des officiers supérieurs de l’armée en Amérique du Nord. En 1799, le refus de Waldegrave de reconnaître l’autorité du prince Edward Augustus, commandant en chef de l’armée en Amérique du Nord, sur les troupes de Terre-Neuve, plaça Skinner dans la situation inconfortable d’avoir à servir deux maîtres. Alors que Waldegrave le blâmait pour avoir refusé de communiquer des renseignements reçus du prince, Skinner était menacé du conseil de guerre par le commandant en chef pour n’avoir pas obéi à ses ordres. « Tous les officiers de mon propre régiment, voire ceux de la marine eux-mêmes, écrivait-il tristement au prince, ont été témoins de mon chagrin de n’avoir pas été autorisé à suivre les ordres de Votre Altesse. »
Le départ de Thomas Skinner de Terre-Neuve ne mit pas fin à la contribution militaire de sa famille dans l’île. Son fils aîné y servit comme officier le plus élevé en grade du Royal Régiment of Artillery, de 1821 à 1827, et son troisième fils, Robert Pringle, fut capitaine dans le Royal Newfoundland Régiment qui combattit pendant la guerre de 1812. Une de ses filles, Harriet, avait épousé un officier du 7e d’infanterie ; en apprenant la mort de son mari à la bataille de Salamanque, en Espagne, elle revêtit des vêtements masculins et chercha son corps sur le champ de bataille. Cet incident servit de sujet à une tragédie représentée sur la scène londonienne, The heroine of Salamanca.
PANL, GN 2/1, 12–15, 17.— PRO, CO 194/43 (mfm aux APC) ; WO 40, bundle 6.— Gentleman’s Magazine, juill.–déc. 1812 : 297.— DNB (biog. de William Skinner).— G.-B., WO, Army list, 1775.— Roll of officers of the Corps of Royal Engineers from 1660 to 1898 [...], R. F. Edwards, édit. (Chatham, Angl., 1898).— G. W. L. Nicholson, The fighting Newfoundlander ; a history of the Royal Newfoundland Regiment (St John’s, [1964]).— Thomas Skinner, Fifty years in Ceylon : an autobiography, Annie Skinner, édit. (Londres et Calcutta, 1891). Cette autobiographie d’un petit-fils de Thomas Skinner contient quelques détails relatifs à la famille de ce dernier [g. w. l. n.].— D. A. Webber, Skinner’s Fencibles : the Royal Newfoundland Régiment, 1795–1802 (St John’s, 1964). Cet ouvrage reproduit la plus grande partie de la correspondance se rapportant aux affaires du régiment de Skinner [g. w. l. n.].
G. W. L. Nicholson, « SKINNER, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/skinner_thomas_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
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