SINCLAIR, ALEXANDER MacLEAN, ministre presbytérien, auteur, spécialiste du gaélique et éducateur, né le 1er mars 1840 à Glen Bard, Nouvelle-Écosse, fils de John Sinclair et de Christy MacLean ; le 1er août 1882, il épousa à Sunny Brae, Nouvelle-Écosse, Mary Ann Campbell, et ils eurent quatre fils et une fille ; décédé le 14 février 1924 à Hopewell, Nouvelle-Écosse.
Tous deux immigrants venus d’Écosse, les parents d’Alexander MacLean Sinclair se séparèrent avant sa naissance. Christy Sinclair était la fille du fameux barde gaélique Iain MacGhillEathain* (John MacLean), et l’enfant, semble-t-il, fut nommé en l’honneur d’Alexander MacLean, laird de Coll, qui avait été le protecteur du barde en Écosse. Le jeune Alexander fut élevé par sa mère chez les parents de celle-ci, à Glen Bard, dans un milieu gaélique. Il voyait rarement son père.
Dès son jeune âge, Sinclair fréquenta l’école de rang à Beaver Meadow sous la tutelle de Norman MacDonald, qui avait immigré en Nouvelle-Écosse en 1843. Le regretté Donald Cameron, qui avait grandi à Beaver Meadow, se rappelait que Sinclair lui avait raconté en gaélique que, l’hiver, dans son enfance, il revenait de l’école en marchant derrière son ami William MacDonald, dont la carrure – « ses épaules étaient aussi larges qu’une porte » – le protégeait des rafales de neige. À l’école, on ne parlait que l’anglais ; le gaélique était interdit, même pendant la récréation. Le garçon apprit à lire cette langue au moyen du Notre Père, qu’il savait par cœur en gaélique.
Sinclair n’acquit pas sa formation uniquement à l’école. « Mes autres maîtres, rappelait-il, ont été deux proches voisins : John MacDonald, an Taillear Abrach (le tailleur de Lochaber), et John MacDonald, an Domhnullach Ur (MacDonald le nouveau) […] L’un ne savait pas lire du tout ; l’autre ne fréquentait sûrement pas les ouvrages d’histoire. Mais ils avaient tous deux un certain nombre de récits [où il était question de revenants], de vigoureux Highlanders et de luttes de clans, [et] ils connaissaient par cœur des bribes de vieilles chansons gaéliques. À force de passer des soirées à les écouter, j’ai plutôt bien assimilé le tout. » Parallèlement à ses études, Sinclair passait son temps au grand air à pêcher et à chasser au fusil, au piège ou au collet. « La toute première fois que j’ai reçu de l’argent, notait-il dans son journal, c’était pour des peaux de vison. » À l’époque, sa famille assistait aux offices religieux à Barneys River (Kenzieville), où le ministre était le révérend Duncan Black Blair, spécialiste du gaélique et poète renommé.
Dès l’âge de 15 ans, Sinclair était assez avancé pour se voir confier la charge de 90 élèves à l’école de Lochaber, où il toucherait un salaire annuel de 120 $. En 1856, il entra à la Pictou Academy pour commencer à se préparer au ministère. Trois ans plus tard, il s’inscrivit au Free Church College de Halifax et, en 1861, il passa à l’école normale de Truro, où il obtint un brevet d’enseignement. En 1862, pendant le trimestre d’été, il enseigna à Canning, où il prononça une conférence sur l’éducation qui fut très applaudie. En 1863, il fut admis au Theological Hall de l’Église presbytérienne à Halifax et suivit des cours de chimie et d’économie politique au Dalhousie College. Après avoir subi, le 2 mai 1866, un examen rigoureux devant le consistoire de Pictou, il reçut de Blair l’autorisation de prêcher. Le 25 juillet 1866, il assuma son premier poste, à Springville et à Sunny Brae. Durant 22 ans, il desservirait cette assemblée de fidèles devant laquelle il prêcherait en gaélique et en anglais.
Voué à son ministère, Sinclair se passionna aussi toute sa vie pour le gaélique. Une œuvre de sa composition – un poème de dix strophes dans cette langue, signé « A. McG. Sinclair, Gleann-Bard » – avait paru dès 1862 dans le Casket d’Antigonish. Un autre texte de lui – une biographie de son grand-père MacLean – fut publié en 1863 dans l’édition de Halifax d’un ouvrage de John Mackenzie paru à Glasgow en 1841, Sàr-obair nam bàrd Gaelach : or, the beauties of Gaelic poetry, and lives of the Highland bards […]. L’éditeur de cette nouvelle version était son ancien instituteur, Norman MacDonald. En 1869, Sinclair se rendit en Écosse, en Irlande, en Angleterre et en France. En Écosse, il rencontra des parents de son grand-père et prit sous leur dictée, en gaélique, quantité de renseignements d’ordre généalogique et littéraire. Il conclut, de son séjour, que l’existence était bien plus dure pour ceux qui étaient restés dans ce pays que pour ceux qui avaient émigré au Canada et leurs descendants.
Tout au long des années 1870, Sinclair continua de recueillir de la poésie gaélique. Ainsi, en 1873, en écoutant Mary Forbes, de Beaver Meadow, réciter « an Adharc (la Corne) », il transcrivit ce poème – une œuvre de son grand-père – qui, autrement, se serait perdu. Il s’intéressa aussi à l’histoire locale. En 1874, à partir des récits oraux de Finlay Grant, il prit une profusion de notes sur les débuts de la région d’East River. Dans la même période, il travailla assidûment aux deux manuscrits gaéliques importants que son grand-père avait apportés d’Écosse. Le premier avait été écrit au xviiie siècle par Hector Maclean ; c’est la fille de ce dernier qui l’avait remis au barde. On y trouve quelque 3 600 vers ; selon les connaissances actuelles, une grande partie d’entre eux ne figurent dans aucune autre source. Le second manuscrit se compose de la collection du barde ; d’après Sinclair, il « contient environ 17 700 vers, sans compter les poèmes de celui [qui les avait] rassemblés ».
En 1880, Sinclair réédita un recueil des hymnes gaéliques de John MacLean en y ajoutant des chants religieux composés par Blair, le révérend James Drummond MacGregor* et John MacGillivray. L’année suivante, il publia Clàrsach na coille (la Harpe de la forêt), qui présente la poésie profane de MacLean, tant celle composée en Écosse que celle écrite en Nouvelle-Écosse, plus quelques morceaux d’autres poètes, notamment Charles, fils du barde, et Sinclair lui-même. Il s’agissait du premier recueil important de poésie profane en gaélique composée en grande partie au Canada. Pendant plusieurs années, Sinclair tint une chronique en gaélique dans le Pictou News. La première phrase de la première chronique, parue le 7 décembre 1883, déplorait l’absence de journal dans cette langue au Canada.
Sollicité par un certain nombre d’assemblées de fidèles dans les années 1880, Sinclair accepta en mai 1888 la charge pastorale de Belfast, à l’Île-du-Prince-Édouard. La langue et les traditions gaéliques se perpétuaient dans cette localité grâce aux descendants de bon nombre des colons établis par Selkirk [Douglas*] en 1803. Pendant la décennie suivante et les premières années du xxe siècle, tout en s’occupant de ses ouailles, Sinclair publia des recueils substantiels de poésie gaélique et un certain nombre d’études généalogiques. On peut mentionner : Comhchruinneachadh Ghlinn-a-Bhaird : the Glenbard collection of Gaelic poetry (Charlottetown et Montréal, 1890) ; The Gaelic bards from 1411 to [1715] (Charlottetown, 1890) ; The Gaelic bards from 1715 to 1765 (Charlottetown, 1892) ; Orain le Iain Lom Mac-Dhomhnaill : poems by John Lom MacDonald (Antigonish et Glasgow, 1895) ; The Gaelic bards from 1775 to 1825 (Sydney, Nouvelle-Écosse, 1896) ; Na bàird Leathanach : the Maclean bards (2 volumes, Charlottetown, 1898–1900) ; The Clan Gillean (Charlottetown, 1899) ; The Sinclairs of Roslin, Caithness, and Goshen (Charlottetown, 1901) ; Mactalla nan tùr (Écho des tours) (Sydney, 1901) ; Filidh na coille (Poète de la forêt) […] (Charlottetown, 1901) ; Dain agus orain, le Alasdair Mac-Fhionghain (Poèmes et Chansons, par Alexander MacKinnon) (1902) et The Gaelic bards from 1825 to 1875 (Sydney, 1904). En outre, Sinclair publia des articles importants dans les Transactions de la Gaelic Society of Inverness en Écosse, la Celtic Review d’Édimbourg et le Celtic Monthly de Glasgow. Il fit paraître aussi des essais dans d’autres périodiques et dans des journaux tels l’Oban Times d’Oban en Écosse, l’Eastern Chronicle de New Glasgow en Nouvelle-Écosse, le Presbyterian Witness (Halifax, etc.) et le Casket.
Sinclair prit sa retraite du ministère en 1906 et retourna en Nouvelle-Écosse. Pendant plusieurs années entre 1907 et 1914, il donna des conférences sur la langue et la littérature gaéliques au St Francis Xavier College d’Antigonish au cours des trimestres d’automne et à Dalhousie au cours des trimestres d’hiver. Des notes manuscrites de quelques-unes de ces conférences révèlent sa solide connaissance de la philologie comparative de l’indo-européen. (Sinclair utilisait le terme « indo-celtique » tout comme les philologues allemands utilisaient le terme « indo-germanique ».) Au St Francis Xavier College, il eut comme élèves Angus Lewis Macdonald*, futur premier ministre de la Nouvelle-Écosse, et Patrick Joseph Nicholson, qui devint recteur de l’université et promut la langue gaélique aussi bien dans cet établissement que dans l’article qu’il publiait chaque semaine en gaélique dans le Casket. La Dalhousie University décerna un doctorat honorifique en droit à Sinclair en 1914.
Le 14 février 1924, exactement deux semaines avant d’atteindre l’âge de 84 ans, Alexander MacLean Sinclair mourut chez lui, à Hopewell. Il laissait dans le deuil sa femme, Mary Ann Campbell – qu’il avait épousée plus de 40 ans auparavant au cours d’une cérémonie tout en gaélique – et leurs cinq enfants. Il fut un pionnier des études celtiques en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard. Ses publications ont fait connaître au monde la quasi-totalité du contenu des manuscrits de Hector Maclean et de John MacLean. Certes, les critiques modernes peuvent désapprouver la manière dont, à l’occasion, il a « amélioré » ses sources, mais il ne faut pas oublier que, en matière d’études celtiques, il était un autodidacte. Aujourd’hui, des celtisants du monde entier tiennent en haute estime ce promoteur de la langue et de la littérature gaéliques.
Les notes de lecture d’Alexander MacLean Sinclair sont conservées dans la Charles Brewer Celtic Coll. à la St Francis Xavier Univ. Library, Antigonish, N.É. Son recueil d’hymnes de John MacLean et d’autres a été publié à Édimbourg sous le titre Dain spioradail [...]. Clàrsach na coille : a collection of Gaelic poetry a été révisé et édité par Hector MacDougall, et publié à Glasgow en 1928 sous le titre The MacLean songster : Clàrsach na coille [...] ; cette édition comprend un « Memoir » sur Sinclair rédigé par son fils Donald Maclean. En plus des ouvrages mentionnés dans le texte, Sinclair a publié « A collection of Gaelic poems » dans les Trans. de la Gaelic Soc. of Inverness (Inverness, Écosse), 26 (1904–1907) : 235–262. Il faut noter que son volume intitulé Mactalla nan tùr couvre la période 1765–1775 dans sa série sur les bardes gaéliques.
Casket (Antigonish), 1851–2001.— Morning Herald (Halifax), 3 août 1882.— Pictou News (Pictou, N.É.), 1883–1886.— [Sagart Arisaig (Ronald McGillivray)], History of Antigonish, R. A MacLean, édit. (2 vol., [Antigonish], 1976).— D. M. Sinclair, « Some family history » (texte dactylographié, Halifax, 1979 ; exemplaire à la NSARM Library.)§
Kenneth E. Nilsen, « SINCLAIR, ALEXANDER MacLEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/sinclair_alexander_maclean_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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