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SHORTT, EMILY ANN McCAUSLAND (Cummings), journaliste, publiciste, réformatrice sociale et fonctionnaire, née le 11 mai 1851 à Port Hope, Haut-Canada, fille d’Isabel Julia Harper et du révérend Jonathan Shortt* ; le 27 septembre 1871, elle épousa dans cette ville Willoughby Cummings, et ils eurent une fille ; décédée le 1er novembre 1930 à Toronto.
Fille du rector de l’église St John the Evangelist de Port Hope, Emily Ann McCausland Shortt était destinée à servir l’Église et la collectivité. Après des études primaires dans sa ville natale, elle alla au pensionnat de jeunes filles de Mme Lucy Simpson à Montréal. En 1871, elle épousa un barrister de Toronto, Willoughby Cummings. En tant que jeune mère de famille de la bonne société, elle deviendrait l’un des chefs de file du mouvement des cercles féminins qui prenait alors naissance à Toronto.
De tous les premiers cercles féminins du Canada, les sociétés missionnaires comptaient parmi les plus puissants. Emily Ann Cummings fut à l’avant-garde de l’effort missionnaire des anglicans puisqu’elle contribua en 1886 à fonder, dans le diocèse de Toronto, une section de la Woman’s Auxiliary auprès de la Société des missions de l’Église d’Angleterre en Canada [V. Roberta Elizabeth Odell]. Jusqu’à son décès, elle exercerait chez ces dames auxiliaires la fonction de secrétaire aux archives, de secrétaire d’administration ou de vice-présidente. En 1890, pour soutenir les activités missionnaires, elle visita des réserves amérindiennes de la Colombie-Britannique, du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest. Elle rédigea sur cette tournée une série d’articles d’information qui parurent sous le titre « Our Indian wards » dans l’Empire de Toronto en juillet et août de la même année et sous le titre « A trip through our mission fields » dans le Canadian Church Magazine and Mission News de Hamilton, en Ontario, de novembre 1890 à juin 1891.
En qualité de représentante des cercles féminins du Canada, Mme Cummings avait assisté à Washington, en 1888, à l’assemblée de fondation du Conseil international des femmes. On la pressait de former un conseil canadien des femmes, mais le moment n’était pas propice. Toutefois, en octobre 1893, elle aida la dynamique lady Aberdeen [Marjoribanks*], épouse du gouverneur général, lord Aberdeen [Hamilton-Gordon*], à fonder le National Council of Women of Canada. Lady Aberdeen venait d’être élue à la présidence du Conseil international lorsque, dans le courant de l’été, cet organisme s’était réuni à Chicago à l’occasion de l’Exposition universelle. Mme Cummings était présente en tant que correspondante spéciale du Globe de Toronto et du Manitoba Morning Free Press de Winnipeg. À cette exposition se trouvaient réunis les trois éléments – le journalisme, le National Council et lady Aberdeen – qui définiraient les prochains chapitres de sa vie.
La mort de son mari, le 14 septembre 1892, avait obligé Emily Ann Cummings à abandonner l’existence conventionnelle d’épouse, de mère et de militante bénévole. Désormais, elle devrait gagner sa subsistance. En 1893, comme elle fréquentait le meilleur monde et avait de l’expérience journalistique, le Globe, dont le rédacteur en chef était alors John Stephen Willison, estima qu’elle était la personne toute désignée pour tenir la chronique mondaine qu’il s’apprêtait à lancer. Melvin Ormond Hammond, lui-même rédacteur durant de nombreuses années, raconterait par la suite que, au début, certaines gens avaient fait « la grimace devant de telles « horreurs et [de telles] vulgarités » », mais Mme Cummings joua son rôle avec tant de professionnalisme qu’elle accéda au service de la rédaction du Globe. Jamais encore un quotidien canadien n’avait accordé une telle reconnaissance à une femme. Dans son travail de chroniqueuse, la discrétion était de mise. Pour séparer son identité privée de son identité publique, elle prit le pseudonyme de Sama (équivalent japonais de « dame »). Il lui arrivait même de noter, dans les comptes rendus de Sama sur les réceptions mondaines, que Mme Willoughby Cummings faisait partie des invités. De temps à autre, elle profitait de l’occasion pour s’en prendre aux prescriptions de la mode. Ainsi, en 1893, elle écrivait qu’il était pire pour les femmes de porter un corset que d’avoir les pieds bandés. « On peut vivre sans marcher, notait-elle, mais il est encore nécessaire et à la mode de respirer. » Elle resterait au Globe jusqu’en 1903.
Emily Ann Cummings devait souvent se rendre à Ottawa pour des reportages sur les événements mondains de la capitale. Comme elle était reçue à la résidence du gouverneur général et travaillait pour un journal libéral, lady Aberdeen trouva en elle une messagère idéale lorsque, en 1896, elle intrigua pour encourager l’ambition qu’avait Wilfrid Laurier* de devenir premier ministre. Ravie, lady Aberdeen notait : « Étant donné que [Mme Cummings] est en relation constante avec moi au sujet du [National] Council, ses allées et venues n’auront rien d’étrange, et il est bien en ce moment d’avoir un moyen de communiquer avec le chef de l’opposition. »
Tout comme d’autres femmes journalistes de la grande époque des cercles féminins, Emily Ann Cummings était à la fois observatrice et militante. Elle continuait de jouer un rôle central au National Council of Women, où elle occupa presque sans interruption le poste de secrétaire d’administration ou de secrétaire aux archives de 1894 à 1917 et dont elle fut vice-présidente de 1910 à 1930. Elle était active également au Toronto Local Council. En 1896, elle représenta lady Aberdeen au Congrès international féministe à Boston. Quand cette rencontre eut lieu à Toronto, en 1909, elle participa à l’organisation et se servit de ses relations dans les milieux de la presse pour en faire la promotion.
Emily Ann Cummings franchit une nouvelle étape dans sa carrière de journaliste en devenant en 1900 rédactrice en chef de la section « Woman’s Sphere » au Canadian Magazine de Toronto. La formule magazine lui permit d’élargir son propos social ; elle s’intéressa surtout à l’éducation des femmes. Bien qu’elle ait appartenu à la Society of Women Journalists de Grande-Bretagne, elle ne figura pas parmi les pionnières – telles Katherine Angelina Hughes et Catherine Coleman [Ferguson*] – qui fondèrent le Canadian Women’s Press Club en 1904 et n’y adhéra qu’après la Première Guerre mondiale. Elle continuait de consacrer ses énergies à des cercles philanthropiques plutôt que professionnels. Membre du comité féminin de la Toronto Industrial Exhibition (l’Exposition nationale canadienne) dès sa mise sur pied en 1901, elle s’enorgueillissait particulièrement de la garderie (le Babies’ Rest) qu’elle ouvrit en 1919 pour permettre aux mères de visiter les stands pendant que des infirmières diplômées surveillaient leurs bambins. Mme Cummings fit également partie du conseil directeur de trois organismes : la Women’s Canadian Historical Society of Toronto [V. Sara Mickle], le comité féminin de la Toronto Technical School et le Victorian Order of Nurses.
Le gouvernement fédéral reconnut le travail accompli par Emily Ann Cummings en faveur des femmes et de la réforme sociale en la nommant, le 1er avril 1910, secrétaire locale à la section féminine de la direction des pensions de vieillesse du ministère de l’Industrie et du Commerce. Son salaire était de 1 200 $. La même année, elle devint la première Canadienne à recevoir un diplôme honorifique : le King’s College de Windsor, en Nouvelle-Écosse, lui décerna un doctorat en droit civil.
Au début de la Grande Guerre, Mme Cummings, alors âgée de plus de 60 ans, assuma la présidence de la Toronto Women’s Patriotic League. Pendant quelque temps, elle représenta le National Council of Women au National Service Committee, qui était un bureau central de répartition du travail patriotique. Elle fut également présidente de la section torontoise du Woman’s Emergency Corps du district militaire no 2, dont la mission était d’aider au recrutement en tenant un registre des femmes capables de faire le travail des hommes admissibles au service actif. En 1918, le gouvernement fédéral la nomma parmi les porte-parole des Canadiennes à la conférence d’Ottawa sur la guerre.
Jamais Mme Cummings n’avait abandonné les œuvres missionnaires. Elle fut fréquemment déléguée à des conférences pan-anglicanes internationales. Rédactrice en chef du bulletin officiel de la Woman’s Auxiliary de 1903 à sa mort, elle donna de l’expansion à ce périodique et le modernisa. Pendant quelque temps, elle fut corédactrice du Mission World de Toronto. Vers 1919, elle devint secrétaire à l’organisation de la section féminine du « Forward Movement » de l’Église d’Angleterre. Dans les dernières années de sa vie, elle écrivit l’histoire de la Woman’s Auxiliary : Our story.
Fille exemplaire de ministre du culte jusqu’à la fin, Emily Ann McCausland Shortt Cummings hissa les fonctions traditionnelles de femmes vers de nouveaux rôles sur la place publique dans les secteurs du journalisme, de la réforme sociale et de la fonction publique. Elle mourut à Toronto le 1er novembre 1930.
En plus de ses articles pour des journaux et des revues, Emily Ann McCausland Shortt Cummings a écrit Our story : some pages from the history of the Woman’s Auxiliary to the Missionary Society of the Church of England in Canada, 1885 to 1929 (Toronto, [1929 ?]).
AO, F 1075-3, [M. O. Hammond], « Ninety years of the Globe » (texte dactylographié, [circa 1934]), 196 ; F 1104, Mrs Willoughby Cummings to Mary Bouchier Sanford, 17 nov. 1897 ; RG 80-5-0-14 : 222.— Globe, 22 avril 1893.— Barbara Freeman, « Laced in and let down : women’s fashion features in the Canadian dailies of the 1890s » (exposé présenté à la réunion annuelle de la SHC, Victoria, 1990).— Sandra Gwyn, The private capital : ambition and love in the age of Macdonald and Laurier (Toronto, 1984).— Marjory Lang, Women who made the news : female journalists in Canada, 1880–1945 (Montréal et Kingston, Ontario, 1999).— [I. M. Marjoribanks Hamilton-Gordon, marquise d’] Aberdeen [et Temair], The Canadian journal of Lady Aberdeen, 1893–1898, J. T. Saywell, édit. (Toronto, 1960).— National Council of Women of Canada, Year book (Ottawa ; Toronto), 1894–1930.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).— V. J. Strong-Boag, The parliament of women : the National Council of Women of Canada, 1893–1929 (Ottawa, 1976).— These fifty years, 1886–1936 : Woman’s Auxiliary to the Missionary Society of the Church of England in Canada, and to diocesan missions ([Toronto, 1936 ?]).
Marjory Lang, « SHORTT, EMILY ANN McCAUSLAND (Cummings) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/shortt_emily_ann_mccausland_15F.html.
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Auteur de l'article: | Marjory Lang |
Titre de l'article: | SHORTT, EMILY ANN McCAUSLAND (Cummings) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |