SHEA, sir EDWARD DALTON, journaliste, homme politique et fonctionnaire, baptisé le 29 juin 1820 à St John’s, fils de Henry Shea* et d’Eleanor Ryan ; le 23 août 1849, il épousa à Cork (république d’Irlande) Gertrude Corbett (décédée en 1903), et ils eurent deux fils et cinq filles ; décédé le 8 janvier 1913 à St John’s.

Les Shea formaient l’une des plus illustres familles irlando-catholiques de Terre-Neuve au xixe siècle et au début du xxe. Edward Dalton Shea était le plus jeune fils du marchand Henry Shea, qui avait quitté le comté de Tipperary (république d’Irlande) pour venir à St John’s. Il fit ses études dans la colonie et commença à travailler dans le commerce paternel en 1836. La famille possédait aussi un journal, le Newfoundlander, dont le rédacteur en chef était l’un des frères d’Edward Dalton, William Richard*. Leur frère Ambrose* exerça cette fonction un moment. Edward Dalton prit la relève en février 1846 ; il resterait rédacteur en chef et éditeur durant une quarantaine d’années.

Le Newfoundlander était un périodique indépendant de tendance libérale et catholique ; à l’occasion, il défendait les opinions d’Ambrose Shea, qui était déjà un personnage puissant dans les affaires terre-neuviennes et nourrissait des ambitions politiques. Dans les années 1850, le journal soutint l’instauration du gouvernement responsable dans la colonie et le libre-échange avec les États-Unis. Il prôna vigoureusement la Confédération dans les années 1860 et appuya la construction ferroviaire et d’autres mesures progressistes dans les années 1870 et 1880. Jamais il ne fut à la solde du Parti libéral.

Edward Dalton Shea entama sa carrière politique en 1855 : aux premières élections qui suivirent l’instauration du gouvernement responsable, il remporta la victoire dans la circonscription de Ferryland sous la bannière libérale. Trois ans plus tard, il devint membre (sans portefeuille) du gouvernement de John Kent*, sans doute parce qu’Ambrose, alors président de la Chambre, ne pouvait pas siéger au cabinet. Edward Dalton fut réélu en 1859 et en 1861, l’année de la défaite libérale. Après quatre ans dans l’opposition, les frères Shea et Kent se rallièrent aux conservateurs, alors dirigés par Frederick Bowker Terrington Carter*. Kent et Ambrose Shea devinrent membres du gouvernement. Edward Dalton se vit confier le poste de secrétaire des Finances – prédécesseur du vérificateur général – mais non un siège à l’exécutif. Tous trois étaient partisans de la Confédération. Edward Dalton ne tarda pas à découvrir que ses électeurs ne l’étaient pas. Ils allèrent jusqu’à le brûler en effigie pendant la campagne électorale de 1865 ; prudent, il se retira de la course. Carter le nomma au Conseil législatif en janvier 1866 tout en lui laissant le secrétariat des Finances.

Le gouvernement Carter perdit les élections de 1869, qui portaient sur la Confédération, mais Shea demeura secrétaire des Finances (à l’extérieur du cabinet) sous le gouvernement anticonfédérateur de Charles James Fox Bennett*. Toutefois, Shea se présenta contre les candidats de Bennett dans Ferryland au scrutin de 1873. Sa vie, affirma-t-il, fut menacée plusieurs fois au cours de cette rude campagne. Il se classa dernier avec moins de 200 voix. Dès lors, il ne briguerait plus les suffrages. Après la reprise du pouvoir par Carter et les conservateurs, en 1874, il accéda au cabinet à titre de secrétaire de la colonie et prit la direction des affaires gouvernementales au Conseil législatif.

Vers 1885, les frères Shea craignirent de perdre leur influence, car un affrontement survenu entre orangistes et catholiques à Harbour Grace avait fait réapparaître les passions religieuses sur la scène politique. La fermeture du Newfoundlander à la fin de 1884 indique probablement qu’Edward Dalton ne voulait pas prendre parti et se trouvait dans une position de plus en plus difficile. Pendant la session législative de 1885, Ambrose Shea et d’autres catholiques jugèrent opportun de quitter les conservateurs, alors dirigés par sir William Vallance Whiteway*, et de passer dans l’opposition. Cependant, Edward Dalton demeura secrétaire de la colonie. En fait, il resta au poste toute l’année, même dans le gouvernement ouvertement protestant de Robert Thorburn*, élu à l’automne. De toute évidence, la famille Shea avait intérêt à avoir un représentant dans chaque camp.

Au début de 1886, Edward Dalton Shea fit savoir qu’il en avait assez et sollicita les fonctions détenues par le vieil Edward Morris*, qui était à la fois président du Conseil législatif et caissier (directeur général) de la Newfoundland Savings Bank, contrôlée par le gouvernement. Comme les Shea avaient discrètement soutenu le parti de Thorburn, Edward Dalton obtint ce qu’il voulait, à l’instar de son fils George*, député de Ferryland, qui devint secrétaire des Finances.

Dès lors, Edward Dalton Shea mena une vie sans histoire. Créé chevalier en 1902, il dirigea la Newfoundland Savings Bank jusqu’en 1905 et présida le Conseil législatif jusqu’en 1912. Bien qu’il ait été éclipsé par son frère, la célébrité de celui-ci lui permettait de vivre dans le confort et dans une tranquille notoriété. Selon beaucoup de gens, leurs coreligionnaires surtout, les frères Shea étaient des ambitieux qui avaient surtout à cœur leurs propres intérêts. Ce jugement contient une part de vérité, mais il n’en reste pas moins que, pendant ses longues années d’activité publique, Edward Dalton Shea participa de près à la plupart des grands débats qui retinrent l’attention des Terre-Neuviens dans la seconde moitié du xixe siècle. Ce faisant, il influa sur les décisions gouvernementales et aida à favoriser l’émergence d’une vie politique fondée sur des thèmes plutôt que sur l’attachement à une confession religieuse.

James K. Hiller

PANL, GN 2/2, Shea à Thorburn, 8 janv. 1886.— Daily News (St John’s), 9 janv. 1913.— Evening Telegram (St John’s), 31 mai 1886, 8 janv. 1913.— Newfoundlander (St John’s), 18 nov. 1873.— Patriot (St John’s), 26 nov. 1873.— Royal Gazette and Newfoundland Advertiser (St John’s), 25 sept. 1849.— Terra Nova Advocate (St John’s), 15, 19 août 1885.— J. P. Greene, « The influence of religion in the politics of Newfoundland, 18501861 » (mémoire de m.a., Memorial Univ. of Nfld, St John’s, 1970).— J. [K.] Hiller, « Confederation defeated : the Newfoundland election of 1869 », dans Newfoundland in the nineteenth and twentieth centuries : essays in interpretation, J. [K.] Hiller et P. [F.] Neary, édit. (Toronto, 1980), 67–94.— Historical directory of Newfoundland and Labrador newspapers, 1807–1987, Suzanne Ellison, compil. (St John’s, 1988).

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James K. Hiller, « SHEA, sir EDWARD DALTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/shea_edward_dalton_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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