SEGHERS, CHARLES JOHN (Charles-Jean, Karl Jan), prêtre catholique et évêque, né le 26 décembre 1839 à Gand, Belgique, le plus jeune fils de Charles-François Seghers et de Paulina Seghers, décédé le 28 novembre 1886 près de Nulato, Alaska.

Charles John Seghers perdit tôt son père et sa mère, et fut élevé par des parents à Gand où il fit ses études, d’abord dans un collège de jésuites, puis, en 1856, au séminaire diocésain. Il fut ordonné diacre le 9 août 1862 et, cette année-là, on l’envoya à l’American College de Louvain, lequel avait été fondé en 1857 par des évêques américains en vue de fournir à l’Amérique du Nord un clergé missionnaire de langue anglaise. Bien qu’affligé d’une mauvaise santé, Seghers avait l’espoir d’œuvrer dans les missions du Territoire de Washington. Cependant, il répondit à un appel lancé par Mgr Modeste Demers*, évêque de la colonie britannique de l’Île-de-Vancouver. Ordonné prêtre le 30 mai 1863, il partit pour Victoria le 14 septembre.

Seghers œuvra en qualité de curé, principalement à Victoria, durant les dix années qui suivirent. Il continua d’éprouver des ennuis de santé et faillit mourir de consomption en 1868 et en 1869. Après le décès de Mgr Demers, le 28 juillet 1871, Seghers devint administrateur diocésain, et, le 21 mars 1873, le pape Pie IX le nomma évêque de l’Île-de-Vancouver.

À ce poste, Seghers consacra une grande partie de son temps au travail missionnaire parmi les divers groupes indiens de la côte ouest de l’île et de l’Alaska, secteur alors rattaché au diocèse insulaire. Il se révéla aussi un franc et ardent défenseur des intérêts des catholiques dans l’île et il s’opposa au premier ministre, Andrew Charles Elliott, lorsque celui-ci tenta d’étendre aux catholiques, en avril 1876, l’impôt scolaire général. En 1877, il entreprit un voyage missionnaire le long du fleuve Yukon. Au cours de ce périple qui dura 14 mois, il eut des contacts avec des groupes d’indigènes vivant sur les bords du Yukon et près de la mer de Béring. Après avoir regagné Victoria via San Francisco, il apprit avec consternation que, le 6 mai 1878, le pape Léon XIII l’avait nommé coadjuteur de l’archevêque du diocèse d’Oregon, François-Norbert Blanchet, qui était malade. En décembre 1880, il se vit également confier la charge d’administrateur du vicariat de l’Idaho.

De 1878 jusqu’au début de 1885, Seghers séjourna la plupart du temps à Oregon City ; il se consacra à des tâches administratives et à des tournées d’évangélisation chez les Blancs et les Indiens, dans le nord de l’Idaho et l’ouest du Montana. En 1885, Jean-Baptiste Brondel, successeur de Seghers à l’Île-de-Vancouver, devint administrateur apostolique du nouveau vicariat : Montana, qui avait été créé le 5 mars 1883, et Jean-J. Jonckau déclina l’offre qui lui était faite de le remplacer à l’Île-de-Vancouver. Seghers obtint alors de Léon XIII l’autorisation de retourner à l’Île-de-Vancouver. Le 10 février 1885, on le nomma à la tête du diocèse avec le titre personnel d’archevêque-évêque.

Seghers avait hâte de retrouver son diocèse et il souhaitait particulièrement reprendre son travail missionnaire dans les régions intérieures du Nord. De retour à Victoria, il chercha sans tarder de nouveaux missionnaires pour œuvrer dans les îles Aléoutiennes et dans la partie intérieure de l’Alaska. Il incita le père Joseph Mary Cataldo, supérieur des jésuites dans les montagnes Rocheuses, à se rendre en Europe afin de recruter les missionnaires dont on avait grand besoin. En outre, il persuada Cataldo de laisser deux jésuites l’accompagner au cours d’un voyage qu’il avait l’intention de faire dans la région centrale de l’Alaska, et le supérieur désigna à cette fin les pères Louis-Aloysius Robaut et Pascal Tosi. Seghers s’adjoignit également un laïque, Frank Fuller, qui avait pris part à diverses missions des jésuites dans le Nord-Ouest. Plusieurs collègues de Seghers, et notamment Tosi, protestèrent contre le choix de l’évêque, car Fuller avait donné des signes de déséquilibre mental, mais l’évêque resta ferme dans sa décision.

Les membres de l’expédition quittèrent Esquimalt, se rendirent par bateau à Juneau, en Alaska, et s’enfoncèrent dans l’intérieur vers le fleuve Yukon en empruntant le col de Chilkoot. Après un éprouvant et dangereux voyage qui dura presque deux mois (du 13 juillet au 7 septembre 1886), ils atteignirent le point de confluence du fleuve Yukon et de la rivière Stewart. Ils poursuivirent ensuite leur route vers le nord, en descendant le Yukon, et pénétrèrent dans la partie centrale de l’Alaska.

Seghers apprit bientôt qu’on lui faisait concurrence dans la région et qu’un missionnaire épiscopalien, Octavius Parker, se trouvait en fait à proximité de Nulato, endroit dont l’évêque avait décidé de faire la première mission catholique sur les bords du Yukon. Abandonnant les autres membres de l’expédition, Seghers prit Fuller avec lui et se dirigea vers Nulato pour tenter de devancer Parker. Au cours du voyage, il nota dans son journal des faits montrant que la folie gagnait progressivement Fuller ; celui-ci, au petit matin du 28 novembre 1886, à quelques milles seulement de Nulato, tua l’archevêque d’un coup de feu. Cette mort donna lieu à d’étranges rumeurs et l’on tenta même de faire de Seghers un martyr. À la vérité, il avait été victime d’un schizophrène paranoïde qui, incapable d’échapper à un milieu hostile, avait vu en lui un ennemi.

L’œuvre de Seghers se poursuivit même après sa disparition. À sa demande, Cataldo s’était rendu en Europe afin de chercher de nouveaux missionnaires, et les jésuites se sentirent tenus de continuer ce recrutement. C’est grâce à Seghers que des missionnaires vinrent s’établir sur la côte ouest de l’Île-de-Vancouver. Il contribua aussi, dans une large mesure, à persuader les Sœurs de Sainte-Anne, à Montréal, d’envoyer des religieuses dans la région centrale de l’Alaska. Homme énergique, impétueux, mais bienveillant, Seghers fut le chef dont l’Église catholique avait besoin pour propager et affermir son œuvre missionnaire dans le nord-ouest de la côte du Pacifique.

Gerard G. Steckler

American College Arch., Katholieke Universiteit te Leuven (Louvain, Belgique), Charles-Jean Seghers file.— Arch. de la Propagation de la foi (Paris), Vancouver, f.202, Seghers à Certes, pièce 12 618 (30 déc. 1878), pièce 12 655 (13 juill. 1886).— Arch. of the Archdiocese of Portland in Oregon (Portland, Oreg.), Blanchet f.III, 270, Johannes Card. Simeoni FoN, Blanchet, 19 sept. 1876.— Oregon Prov. Arch. of the Soc. of Jesus (Spokane, Wash.), Barnum à [Robaut], 10 mai 1886 ; Tosi à Cataldo, 24 nov. 1886 ; Robaut à Cataldo, 28 nov. 1886 ; Robaut à Jonckau, 31 juill. 1887 ; Cataldo à Jetté, 13 janv. 1925.— Reminiscences of the west coast of Vancouver Island, Charles Moser, compil. (Victoria, 1926).— Maurice De Baets, Mgr Seghers, l’apôtre de l’Alaska (Paris et Poitiers, France, 1896) ; traduit par sœur Mary Mildred sous le titre de The apostle of Alaska : life of the Most Reverend Charles John Seghers (Paterson, N.J., 1943).— G. G. Steckler, « Charles John Seghers, missionary bishop in the American northwest, 1839–1886 » (thèse de ph.d., Univ. of Washington, Seattle, 1963).— J. M. Hill, « Archbishop Seghers, Pacific coast missionary », CCHA Report, 18 (1951) : 15–23.— Pascal Tosi, « Alaska, le pays- un voyage de pénétration », Études religieuses, philosophiques, hist. et littéraires (Paris), 60 (sept.-déc. 1893) : 95–116.

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Gerard G. Steckler, « SEGHERS, CHARLES JOHN (Charles-Jean, Karl Jan) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/seghers_charles_john_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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