Titre original :  Photograph of Joseph E. Seagram

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SEAGRAM, JOSEPH EMM, distillateur, éleveur de chevaux de course et homme politique, né le 15 avril 1841 à Fisher’s Mills, près de New Hope (Hespeler, puis Cambridge, Ontario), fils d’Octavius Augustus Seagram et d’Amelia Stiles (Styles) ; en décembre 1869, il épousa à Upper Fort Garry (Winnipeg) Stephanie Urbs, et ils eurent quatre fils et deux filles ; décédé au même endroit le 18 août 1919.

Venus du Wiltshire, en Angleterre, Octavius Augustus Seagram et sa femme Amelia Stiles immigrèrent dans le Haut-Canada en 1837 avec de quoi acheter deux fermes et une taverne à Fisher’s Mills. Seagram mourut en 1848 et, après la mort de sa femme, quatre ans plus tard, leurs fils, Joseph Emm et Edward Frowd, furent placés sous la tutelle de Michael Boomer*, le ministre anglican de Galt (Cambridge), qui les mit au pensionnat de William Tassie*, dans la même localité. Joseph Emm passa six ans dans cette école, après quoi il étudia un an au Bryant and Stratton Business College de Buffalo, dans l’État de New York.

Rentré à Galt en 1860, Seagram y trouva une place subalterne de teneur de livres dans une manufacture de manches de hache. Il la quitta après une rixe avec un teneur de livres de rang supérieur. Par la suite, il fut employé comme teneur de livres dans une usine de Galt, puis dirigea une usine à Stratford. En 1864, comme il cherchait un emploi plus près de Galt, Wilhelm Hespeler* lui confia la surveillance de ses intérêts dans une minoterie à Waterloo. Cette minoterie desservait le marché local des céréales ; un magasin général y était rattaché. En outre, Hespeler et ses associés, George Randall et William Roos, se faisaient un bon revenu en distillant le surplus de grain pour en faire du whisky. En vertu de son entente avec Hespeler, Seagram avait le privilège de vivre dans la maison de celui-ci. C’est là qu’il fit la connaissance de la nièce de Hespeler, Stephanie Urbs, qui deviendrait sa femme.

Seagram se révéla un bon administrateur et, peut-être plus que les associés, il voyait que la distillerie avait de l’avenir. Il acheta la part de Hespeler en 1868, puis celle de Randall en 1873. L’entreprise prit le nom de Seagram and Roos en 1881. Deux ans plus tard, Seagram acheta aussi les intérêts de Roos et devint l’unique propriétaire de la société, qu’il rebaptisa Joseph Seagram Flour Mill and Distillery Company.

À ce moment-là, Seagram se mit à consacrer beaucoup d’énergie à la distillerie de l’entreprise. En 1883, pour célébrer l’achat qu’il venait de faire, il produisit un mélange spécial de whisky, le Seagram’s 83. Ce serait avec ce whisky, mis sur le marché en 1887, qu’il réaliserait ses plus grosses ventes. Il en distillait aussi deux autres, le Seagram’s Old Rye pour l’Ontario et le Seagram’s White Feather pour la province de Québec. Le fait qu’il ait vendu le commerce de marchandises sèches en 1886 montre qu’il entendait bien se spécialiser dans la distillerie.

Bien qu’il n’ait pas été le premier gros distillateur de whisky canadien, Seagram se rangeait parmi les producteurs et exportateurs canadiens les plus dynamiques. Sa distillerie avait commencé à expédier du whisky aux États-Unis et en Grande-Bretagne dès 1875, mais il accéléra ces exportations après être devenu unique propriétaire. Dès le début des années 1890, il envoyait de grandes quantités de whisky et d’autres alcools directement à New York, à Chicago et à Detroit, d’où ils étaient distribués sur le marché américain. Au Canada, ses produits connaissaient un succès croissant.

En 1911, Seagram fit constituer juridiquement son entreprise sous la raison sociale de Joseph E. Seagram and Sons Limited. À compter de ce moment, ses fils Edward Frowde et Thomas William y jouèrent un rôle plus actif. En 1913, la famille se réunit pour célébrer le mariage de Thomas William ; Joseph Emm Seagram fit préparer un whisky spécial pour l’occasion. Ce whisky lui plut tellement qu’il décida d’en produire pour le marché ; ce serait le Seagram’s V. O. (« very own », c’est-à-dire le mélange personnel de Seagram), qui sortirait des entrepôts en 1917. Après la mort de Seagram, son fils Edward Frowde assumerait la présidence, mais la famille Bronfman de Montréal prendrait le contrôle de la compagnie en 1928.

Grâce à sa réussite commerciale, Seagram pouvait s’adonner sans réserve à sa passion pour les courses hippiques. En 1860, à l’âge de 19 ans, il avait acheté une demi-part dans un cheval de course à Galt. C’est ainsi qu’avait commencé la prestigieuse lignée de chevaux de course qu’il élevait dans ses écuries près de Waterloo. Seagram visitait régulièrement de belles fermes d’élevage en Grande-Bretagne et importait beaucoup de bêtes de race. Le plus grand reporter de courses hippiques au Canada pendant cette période, Edmund King Dodds, notait en 1909 : « depuis plus de vingt ans, [Seagram] a dépensé sans compter pour importer des bêtes de choix, tant de l’Angleterre que des États-Unis ». En investissant de la sorte, Seagram remporta des succès sans précédent. Ses chevaux commencèrent à participer à la course du Queen’s Plate en 1889 et la remportèrent pour la première fois en 1891. Avant sa mort en 1919, ils la gagneraient dix fois et remporteraient cinq fois le King’s Plate. De 1891 à 1898, ils remportèrent le Queen’s Plate huit fois de suite et se classèrent au deuxième rang dans six de ces courses. Ce record, disait en 1900 le Canadian Magazine, faisait de Seagram « probablement le plus grand éleveur de chevaux au Canada ». Dodds signalait que les écuries de Seagram étaient importantes aussi parce qu’elles contribuaient à l’amélioration des races de chevaux au pays. Une fois l’an, Seagram vendait, à des prix raisonnables, ses surplus de chevaux de race.

Seagram contribua à la fondation de l’Ontario Jockey Club en 1881 ; cette association avait pour but de réglementer les courses hippiques et de faire mieux accepter ce sport par la population. Élu au conseil du club en 1898, il en fut président de 1906 à sa mort. En 1903, il donna un prix de 2 000 $ et un trophée pour une course réservée à des chevaux de propriété canadienne ; cette course existe toujours.

La réussite mena également Seagram dans le domaine politique. En 1881, il fut élu échevin du quartier Sud au conseil municipal de Waterloo. Partisan déclaré du tarif instauré par la Politique nationale, il fut choisi candidat conservateur dans la circonscription fédérale de Waterloo North en 1896. Il axa sa campagne sur le tarif et laissa de côté la question scolaire du Manitoba, qui domina le scrutin dans d’autres régions. Il remporta facilement la victoire sur les libéraux, qui formèrent cependant le gouvernement sous la direction de Wilfrid Laurier.

Être dans l’opposition ne convenait pas à Seagram ; à la veille des élections de 1900, il songeait à se retirer. Toutefois, il se laissa convaincre de n’en rien faire en partie parce que l’organisation conservatrice et l’organisation libérale s’entendirent pour qu’il puisse être élu sans opposition tandis que le libéral Louis Jacob Breithaupt se présenterait seul, dans la même circonscription, à l’élection partielle provinciale. Seagram remporta encore la victoire en 1904. Bien qu’il ait choisi de ne pas se présenter en 1908 (il avait alors 67 ans), il contribua fortement à la campagne contre le jeune William Lyon Mackenzie King*, qui l’emporta tout de même, et joua un rôle important dans la défaite de celui-ci en 1911. King attribua en grande partie sa déconfiture aux fabricants d’alcool : « On a acheté des douzaines d’électeurs dans des bureaux de scrutin douteux [...] Joseph Seagram et ses alliés les ont corrompus. » Après le retour des conservateurs au pouvoir en 1911, le premier ministre Robert Laird Borden* offrit à Seagram un siège au Sénat, mais ce dernier refusa en suggérant un candidat plus jeune.

À Waterloo, on se souvient aussi de Seagram à cause de sa philanthropie. Il soutint notamment le Berlin and Waterloo Hospital. En 1893, il avait donné à l’Hospital Trust une parcelle de 14 acres située aux confins de Berlin (Kitchener) et de Waterloo en exigeant que l’hôpital ne refuse jamais d’admettre un patient ou une patiente « en raison de sa nationalité, de sa race, de sa couleur, de sa foi religieuse ou de son absence de foi religieuse ». En outre, Seagram fut l’un des membres fondateurs de la section de Waterloo de la Canadian Association for the Prevention of Tuberculosis et un commanditaire de la sängerfeste, festival musical et culturel des habitants allemands de la région.

Joseph Emm Seagram s’occupa de sa distillerie et de ses écuries jusqu’à sa mort en 1919. De confession anglicane, il fut inhumé au cimetière Mount Hope à Waterloo. Le fait que la ville de Waterloo puis la University of Waterloo adoptèrent les couleurs de ses chevaux de course, noir et or, témoigne de son influence dans son milieu. Seagram s’était toujours enorgueilli de sa ressemblance étonnante avec Édouard VII ; bien que cette fierté suggère un ego démesuré, il avait bien, pour les gens de Waterloo, quelque chose d’un monarque.

Andrew Thomson

AO, RG 22-155, O. A. Seagram, 1848–1852.— Seagram Museum Arch. (Waterloo, Ontario), J. E. Seagram papers ; Joseph Seagram and Sons Limited papers.— Berliner Journal (Berlin [Kitchener], Ontario), 4 août 1886.— Daily Telegraph (Berlin ; Kitchener), sept.–nov. 1900, août 1919.— News-Record (Berlin ; Kitchener), 18771900, août 1919.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— E. K. Dodds, Canadian turf recollections and other sketches (Toronto, 1909).— Trent Frayne, The Queens Plate (Toronto, 1959).— Horseman, « The Queen’s Plate », Canadian Magazine, 15 (mai–oct. 1900) : 270–272.— « Joseph Emm Seagram (1841–1919) », Waterloo Hist. Soc., [Annual report] (Kitchener), 64 (1976) : 18–22.— W. F. Rannie, Canadian whisky : the product and the industry (Lincoln, Ontario, 1976).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.— George Tompkins, « A history of the Kitchener-Waterloo Hospital », Waterloo Hist. Soc., Annual vol., 52 (1964) : 44–60.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Andrew Thomson, « SEAGRAM, JOSEPH EMM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/seagram_joseph_emm_14F.html.

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Auteur de l'article:    Andrew Thomson
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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