SCOTT, THOMAS CHARLES HESLOP, soi-disant ministre de l’Église d’Angleterre, né vers 1753, probablement en Angleterre ; décédé le 21 mars 1813 à Québec.
Il n’y a pas grand-chose de certain dans la vie de Thomas Charles Heslop Scott. Il soutenait que son parrain était le révérend Frederick Keppel, évêque d’Exeter de 1762 à 1777, qui l’avait ordonné en l’église St James à Londres le 30 janvier 1774. Toujours d’après sa version, il avait alors obtenu le poste d’aumônier adjoint du 34e d’infanterie. Sous le commandement du lieutenant-colonel Barrimore Matthew St Leger*, le régiment quitta l’Irlande et fit voile à destination de Québec où il arriva en mai 1776, mais Scott ne le rejoignit que plus tard parce que, selon son témoignage, un corsaire américain avait capturé son navire ; il disait qu’il avait tout perdu, y compris son certificat d’ordination. Il fit son apparition à Halifax, aida le révérend John Breynton* à l’église St Paul et finit par rallier son régiment à Sorel (Québec).
Scott exerçait les fonctions du ministère à la fois auprès des soldats et auprès des civils lorsque, au début de 1779, il s’attira la vive réprobation de St Leger, peut-être pour cause d’inconduite et d’insubordination. Finalement, à la fin de 1781, St Leger congédia Scott de l’aumônerie, et le gouverneur Haldimand lui interdit de remplir les fonctions de ministre. Scott protesta vigoureusement et, sur un ton ironique, soutint en 1782 qu’il avait autant de qualités que Haldimand croyait, étant mal renseigné, qu’il avait de défauts. Pour sa propre défense, il menaça de faire paraître sa correspondance avec St Leger ; il fit, semble-t-il, circuler, pendant l’été de 1782, un certain nombre d’exemplaires d’une feuille imprimée présentant vraisemblablement cette correspondance. Deux ans plus tard, il offrit à St Leger de lui en vendre les droits d’auteur £210 (cours d’Angleterre). Il n’existe plus d’exemplaire de cette feuille, et on ignore la suite de cet épisode.
Un ministre de l’Église d’Angleterre originaire de Suisse, le révérend Lewis Guerry, avait été nommé à Sorel en 1774 pour exercer le ministère en français, mais il n’avait eu guère l’occasion de parler cette langue, là ou ailleurs ; il partit en 1776 et demeura en congé en Angleterre. Pendant les huit années qui suivirent le départ de Guerry, Scott fut le seul à servir comme ecclésiastique de l’Église d’Angleterre auprès des 100 ou 150 protestants, qu’il décrivit comme «des artisans compétents, d’utiles mécaniciens ou des boutiquiers, pour la plupart ». Il trouva quelques partisans à Sorel et dans les environs qui, en 1781, signèrent une liste de souscription destinée à payer son salaire. Agissant sous les ordres du major général Friedrich Adolph von Riedesel, qui commandait les mercenaires allemands cantonnés à Sorel, le capitaine John Barnes du Royal Regiment of Artillery tenta de dissuader tous ceux, parmi les souscripteurs, qu’une dépendance financière vis-à-vis du gouvernement rendait vulnérables à une telle pression. Scott dut cesser d’exercer son ministère pour quelque temps et il connut la grande misère. En 1783, il engagea des poursuites contre Barnes pour intimidation des souscripteurs, mais, l’année suivante, il proposa de retirer sa plainte moyennant une compensation. On ignore comment fut réglée l’affaire. Dans l’intervalle, des recherches menées dans le registre des ordinations de Londres, pour le compte de l’évêque du lieu, Robert Lowth, à la demande des autorités militaires, n’avaient révélé aucune preuve de l’ordination de Scott soit par le prédécesseur de Lowth, Richard Terrick, qui aurait eu le pouvoir d’ordonner Scott pour exercer le ministère dans les colonies, soit sur ses directives. En juin 1784, Lowth donna ordre à Scott d’obéir à Haldimand.
Malgré les instructions de l’évêque et l’abandon des souscripteurs, « l’irrévérend M. Scott », comme l’appelait le capitaine Barnes, continua de présider les services religieux à Sorel pour quelques laïcs restés fidèles, ces « disciples abrutis », selon la description qu’en fit John Doty, arrivé à Sorel pendant l’été de 1784 comme missionnaire de la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts et qui se trouvait gêné dans sa tâche par la présence de Scott. Celui-ci soutint qu’il avait l’autorisation de l’évêque Terrick de célébrer des mariages sans permis du gouverneur, permission que Terrick n’avait pas le droit de donner. Un conseil d’enquête, mis sur pied à Sorel en 1787, arriva, semble-t-il, à la conclusion que Scott était effectivement un imposteur.
Thomas Charles Heslop Scott quitta finalement Sorel en 1788. Il aurait alors rempli les fonctions d’instituteur à Québec où, en novembre 1789, une accusation de parjure portée contre lui l’année précédente fut abandonnée par ordre du procureur général, Alexander Gray, puis, en 1795, il fut acquitté d’une accusation de diffamation. En 1797, il signa un bail de quatre ans, au loyer de £15 par an, pour une ferme située à Sainte-Foy. Il mourut le 21 mars 1813, apparemment dans la misère, protestant jusqu’à la fin contre le traitement qu’il avait subi dans les années 1780 et en demandant compensation. Malgré son conflit avec l’Église d’Angleterre, ce fut Salter Jehosaphat Mountain, ministre du culte à Québec, qui l’inhuma deux jours plus tard. Bien qu’il se fût lamenté, en 1781, d’avoir été victime « des iniquités et des préjudices les plus graves dont eût jamais à souffrir un innocent ou que puissent offrir les annales de l’histoire » et même si l’on tient compte de l’époque tourmentée qu’il connut à Sorel, c’est à raison que l’on peut parler d’imposture à son sujet, puisqu’il n’existe absolument aucune preuve qui corrobore ses dires. Sa correspondance, imbue de l’importance qu’il se donnait et remplie de menaces de représailles et d’atteintes à la réputation, ne révèle ni la tolérance ni l’humilité auxquelles on s’attendrait d’un membre du clergé.
ANQ-Q, CE1-61, 23 mars 1813 ; CN1-284, 10 avril 1797.—APC, MG 11, [C042] Q, 28 :161–164.— BL, Add. mss 21721 : 80 ; 21732 : 7, 75 ; 21734 : 184, 248, 373 ; 21735/1 : 128 ; 21735/2 : 194 ; 21797 : 1 ; 21799 : 97 (copies aux APC).— USPG, C/CAN/Mont., 1, 31, 34 (mfm aux APC).— La Gazette de Québec, 15 juill. 1779, 25 mars 1813.— Azarie Couillard-Després, Histoire de Sorel de ses origines à nos jours (Montréal, 1926), 158–161.— Historical record of the Thirty-Fourth, or the Cumberland Regiment of Foot [...] (Londres, 1844).— H. C. Stuart, The Church of England in Canada, 1759–1793 ; from the conquest to the establishment of the see of Quebec (Montréal, 1893), 39s.
Thomas R. Millman, « SCOTT, THOMAS CHARLES HESLOP », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/scott_thomas_charles_heslop_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
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