SCOTT, JOSEPH WILLIAM, bûcheron et auteur de chansons, né le 5 février 1867 à Lower Woodstock, Nouveau-Brunswick, septième des neuf enfants de John William Scott et de Sarah A. Teeling ; décédé le 22 juin 1918 à Augusta, Maine.
Joseph William Scott ne dépassa probablement pas l’école élémentaire. Comme la vie de fermiers que menaient ses parents ne convenait pas à son tempérament, il quitta jeune la maison familiale pour descendre non loin de là dans les exploitations forestières du Maine, où l’existence était plus grisante. Le Maine entrait dans une période de prospérité grâce à l’industrie des pâtes et papiers. Scott s’installa dans une fruste localité papetière, Rumford Falls (Rumford), où, quelques années auparavant, il n’y avait encore que des forêts. Il travaillait le long de la rivière Androscoggin et avait la réputation d’être un excellent bûcheron et draveur. Au début des années 1890, il tomba amoureux d’une ravissante jeune femme, Lizzie M. Morse. Bien qu’ils aient présenté leur demande de mariage le 19 octobre 1893, la cérémonie n’eut pas lieu. Lizzie délaissa Scott pour un autre. Scott ne s’en remit jamais. Le 22 juillet 1899, il épousa Emma Lefebvre ; cette union dura environ un an, mais il n’y eut jamais de divorce officiel. Scott retourna un moment dans la vallée de la Saint-Jean pour tenter sa chance dans une ferme et fit aussi un court essai d’exploitation rurale dans le nord du Québec, mais à part cela, il resta dans les bois du Maine jusqu’à son décès. Mort de la syphilis, il fut inhumé à Meductic, au Nouveau-Brunswick, non loin de sa maison natale.
La vie de Scott ne fut donc pas heureuse ni, à première vue, bien remarquable. Cependant, il composa quelques-unes des ballades les plus belles et les plus aimées qui aient jamais circulé dans les bois et les localités du Maine et des Maritimes. Même si près d’un siècle s’est écoulé depuis qu’il a écrit ses pièces les plus connues, une douzaine de ses chansons font encore partie de la tradition orale, et l’on se souvient toujours de son nom et de son talent. Ses pièces se caractérisent par un style riche et posé et par une abondance de descriptions conventionnelles de fleurs et d’oiseaux chanteurs. La postérité a reconnu leur qualité et les a préservées.
Bien que des indices suggèrent que le talent de Scott s’était manifesté plus tôt, toutes ses chansons les plus connues datent des années 1897–1901. Howard Kerrick raconte l’histoire d’un jeune homme qui quitte la maison, et, malgré les avertissements de sa mère, tombe dans une vie de péché et connaît une triste fin :
Depuis longtemps je suis sans le sou,
Des amis j’en ai peu,
Je casserai le fil du destin
Et au monde ferai mes adieux ;
Je vais nouer cette corde à la charnière
Tout en haut de ma porte
Cette hauteur-là suffira bien
Pour que je me pende.
Un ami de Scott, Guy Reed, mourut écrasé par l’effondrement de la pile de bois sur laquelle il travaillait. Scott a raconté ce drame dans une ballade qui est en même temps une complainte à la mémoire de tous les jeunes gens morts au travail :
Le rouge-gorge et l’hirondelle,
Le soleil et la pluie,
Le moineau et le coucou
Au printemps reviendront
La grive et le merle
Reprendront leur envol
Mais ceux que la mort nous a pris
Eux ne reviendront plus.
D’autres chansons, dont Benjamin Deane et The Norway bum, sont aussi connues, mais Scott doit surtout sa notoriété à The plain golden band, qui évoque de toute évidence sa rupture avec Lizzie Morse :
Adieu, mon tendre et cher amour, adieu,
Mon cœur je te garde malgré la fin de nos vœux,
En errant sur la grève, songe parfois à moi
Qui glissai ce simple anneau d’or à ton doigt.
Joseph William Scott est un artiste de plein droit, tout comme des poètes tels Yeats ou Browning. Il est important dans l’histoire littéraire, car son cas rappelle que l’art, loin d’être un domaine réservé à l’élite, existe à tous les niveaux culturels et sociaux. Il est important également dans l’étude du folklore parce qu’il montre que les ballades ne sont pas l’œuvre d’auteurs anonymes et que le processus de « recréation collective » ne les prive pas de leur visage. Au contraire, les ballades sont le produit d’artisans individuels dont la personnalité transparaît souvent – en dépit d’une tradition qui tend à ne pas l’honorer – et contribue même à donner, au métier d’auteur de chansons, de nouveaux critères et des orientations nouvelles.
On trouve une étude plus détaillée sur Joseph William Scott et ses ballades dans notre ouvrage intitulé Joe Scott : the woodsman-songmaker (Urbana, Ill., 1978). [e. d. i.]
Edward D. Ives, « SCOTT, JOSEPH WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/scott_joseph_william_14F.html.
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Auteur de l'article: | Edward D. Ives |
Titre de l'article: | SCOTT, JOSEPH WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |