SCHURMAN (Schureman), WILLIAM, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né vers 1743 à New Rochelle, New York, troisième enfant de Jacob Schureman et de Jane Parcot ; décédé le 15 septembre 1819 à Wilmot Valley, Île-du-Prince-Édouard.

Du côté paternel, William Schurman descendait de colons hollandais de New Amsterdam (New York) qui furent témoins de la prise de la Nouvelle-Hollande par les Anglais en 1664, et qui, quelque 30 ans plus tard, allèrent s’établir à New Rochelle. Sa mère provenait d’une famille de protestants français qui, ayant fui la France après la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, séjournèrent quelque temps en Angleterre avant de se rendre dans la colonie de New York avec d’autres réfugiés huguenots et d’y fonder l’établissement de New Rochelle. Schurman grandit dans le confort, au sein d’une famille de la classe moyenne, apparentée ou alliée par des mariages à la plupart des familles en vue de la petite ville. Les événements qui amenèrent la Révolution américaine, et la révolution elle-même, divisèrent en deux clans les familles de New Rochelle, comme ils le firent ailleurs ; tandis que les deux beaux-frères de Schurman adhéraient à la cause des patriotes, son propre frère était emprisonné pour deux ans, après avoir signé une protestation contre l’envoi de représentants locaux au Congrès continental de 1775. William se rangea lui aussi du côté des Loyalistes. Prenant avec lui les biens qu’il pouvait sauver, il fit voile, sur son propre bateau, avec sa femme, ses cinq fils et deux esclaves, vers Port Roseway (Shelburne, Nouvelle-Écosse) d’abord, puis vers Tryon, dans l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard).

Schurman arriva à Tryon en 1783. L’année suivante, il se fixa non loin de là, dans l’établissement loyaliste de Bedeque (Central Bedeque). Il devint vite le citoyen le plus en vue de cette communauté. À l’instar des autres réfugiés, il construisit une maison en bois rond et prépara sa terre pour la culture, allant vendre à Charlottetown le bois qu’il abattait. Comme si ces occupations n’avaient pas suffi, il trouva d’autres moyens d’employer ses énergies : il mit sur pied un moulin à bardeaux (et peut-être aussi un moulin à farine) ; il devint le représentant d’un groupe de colons qu’il amena de Shelburne à Bedeque, à bord de son navire, en 1784 ; pratiquant le cabotage, il apportait des marchandises à Bedeque et les revendait dans une partie de sa maison qu’il avait transformée en magasin ; enfin, il fut élu comme premier député de Bedeque à la chambre d’Assemblée de l’île Saint-Jean, en 1785, et fut nommé plus tard juge de paix et inspecteur des chemins du district de Bedeque.

En 1792, la maison et le magasin de Schurman furent rasés par un incendie. Il les reconstruisit, reconstitua ses stocks et, en 1793, acheta un nouveau bateau. Six ans plus tard, ce bâtiment périt en mer, corps et biens, entraînant dans la mort le fils de Schurman, âgé de 19 ans. Avec la capacité de réagir qui le caractérisait, Schurman se tourna vers une autre sphère d’activité, la construction navale : de 1801 à 1803, il lança au moins trois vaisseaux qu’il avait construits sur le rivage de sa propriété, avec l’aide de ses fils et de travailleurs à gages, en se servant du bois pris sur sa terre et de fournitures provenant de son magasin. Les profits réalisés sur la vente de ces bâtiments à St John’s et à Halifax l’amenèrent à un projet plus ambitieux encore : en 1808, il acheta, au prix de £800, une immense étendue de terre, de dix milles de longueur, dans la vallée richement boisée de la rivière Wilmot. Peu après, il construisit un barrage sur la rivière, puis érigea et exploita une scierie ; des bateaux chargés de bois quittaient son quai pour les ports de l’Ile-du-Prince-Édouard et les colonies situées non loin de là. Vers 1809, il construisit une nouvelle maison près de sa scierie, donna son domaine de Bedeque à son fils aîné et alla habiter tout près, à Wilmot Valley, où il passa les dix dernières années de sa vie. Il y exerça occasionnellement les fonctions de juge de paix, tout en veillant à la bonne marche de sa scierie, de sa ferme et de son magasin. Il était entouré de ses fils et de ses filles qu’il avait établis sur de bonnes propriétés.

Homme habile et intelligent, Schurman possédait le courage et la souplesse nécessaires à la réussite dans son temps. Il avait aussi, de toute évidence, le sens pratique, pouvant apparemment toucher à peu près à n’importe quoi, de la construction des navires à la fabrication des tonneaux et au forgeage. Il fut capable en outre de surmonter son départ forcé de New Rochelle, et de survivre aux pertes qu’il éprouva par la suite, pour arriver à une vieillesse confortable. Cet homme de valeur était chargé de dispenser la justice à ceux de son entourage qui se présentaient devant lui au tribunal. Une notice nécrologique, parue dans la Prince Edward Island Gazette, disait de lui : « Ses responsabilités publiques, comme député à l’Assemblée et comme magistrat, allèrent toujours de pair avec sa conduite privée, marquée au coin d’un solide discernement et d’une intelligence vigoureusement active dont témoignèrent la pureté de ses intentions et la rectitude de son jugement. »

William Schurman se maria deux fois : en 1768, à Jane Bonnet, et, en 1778, à Elizabeth Hyatt ; quatre enfants naquirent du premier mariage, et sept du second. Sa famille, à New Rochelle, prononçait son nom Skureman et l’orthographiait en général Schureman ; William conserva la prononciation hollandaise, mais signa Schurman après son installation à Bedeque. Si la plupart de ses descendants ont imité sa façon de signer, la majorité de ceux qui ont quitté les Maritimes ont adopté la prononciation Sherman ou Shureman. Cette dernière prononciation devint fort répandue, à cause de l’utilisation qu’en a faite le mieux connu de ses descendants, son arrière-petit-fils Jacob Gould Schurman, auteur, éducateur, conseiller pendant nombre d’années des présidents américains, puis ministre des États-Unis en Grèce, au Monténégro et en Chine, et ambassadeur en Allemagne.

Ross Graves

Cette notice est basée sur une biographie plus complète parue dans Ross Graves, William Schurman, loyalist of Bedeque, Prince Edward Island, and his descendants (2 vol., Summerside, Î.-P.-É., 1973).

Arch. privées, A. Reeves (Bedeque, Î.-P.-É.), William Schurman, account book, 17841819.— North Bedeque Cemetery (North Bedeque), pierre tombale de William Schurman.— PAPEI, RG 9, Customs, shipping reg., 1 (17871824) ; RG 16, Land registry records, 17921833.— Supreme Court of P.E.I. (Charlottetown), Estates Division, liber 1 : f.130 (testament de William Schurman) ; Inventories and accounts, William Schurman, inventaire de biens.— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal.— Records of the town of New Rochelle, 1699–1828, J. A. Forbes, trad. et édit. (New Rochelle, N. Y., 1916).— Prince Edward Island Gazette (Charlottetown), 23 sept. 1819.— Schuremans of New York, Richard Wynkoop, compil. (New York, 1903).— L. U. Fowler, « Bedeque and its people [...] », Prince Edward Island Magazine (Charlottetown), 2 (19001901) : 117124, 165168, 259262.— D. S. McHugh, « William Schurman, loyalist », Westchester County Hist. Soc., Quarterly Bull. (White Plains, N.Y.), 8 (1932) : 121130.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Ross Graves, « SCHURMAN (Schureman), WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/schurman_william_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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