SAUL, THOMAS, agent de ravitaillement, commissaire à Halifax, Nouvelle-Écosse ; circa 1750–1760.

Thomas Saul arriva en Nouvelle-Écosse en 1749 ou 1750 en qualité de représentant de William Baker, important marchand de Londres, entrepreneur pour le compte du gouvernement et ami politique du duc de Newcastle. William Baker et son cousin, Samuel Baker, détenaient le contrat pour l’approvisionnement de la forteresse de Louisbourg, île du Cap-Breton, passée depuis peu aux mains des Anglais. Lorsque l’île du Cap-Breton retourna à la France en juillet 1749 [V. Peregrine Thomas Hopson], toutes les provisions des entrepreneurs furent envoyées à Halifax, le nouvel établissement anglais de la baie de Chibouctou. Baker accepta de ravitailler toutes les troupes de la Nouvelle-Écosse et de leur verser la solde, à l’exclusion toutefois du régiment du gouverneur Edward Cornwallis*. Il appartint à Thomas Saul de voir sur les lieux à l’exécution du contrat.

À titre de représentant de Baker, Saul disposait de réseaux d’approvisionnement bien établis et aussi d’importantes liquidités ; il devint donc rapidement la source la plus sûre pour se procurer des vivres et de l’argent à Halifax. En septembre 1751, Cornwallis, le gouverneur, s’adressa à lui pour obtenir le numéraire nécessaire à la paie des ouvriers employés aux travaux publics. À la même époque, un autre entrepreneur qui devait approvisionner les colons fit faillite et c’est Saul qui se chargea de fournir 224 000 livres de pain. Malheureusement, en bon et fidèle serviteur de son maître, il profita des besoins urgents de la colonie pour réaliser une bonne affaire et demanda le double du prix courant pour le pain. Le Board of Trade, toutefois, obligea Baker à rétablir les prix à un juste niveau avant que la note ne fût réglée. Ces procédés indélicats, quoique occasionnels, ne semblent pas avoir nui au prestige dont jouissait alors Saul à Halifax. En juillet 1752, il avait dix domestiques à son service et il ne tarda pas à jouir de la confiance du nouveau gouverneur, Peregrine Thomas Hopson. Saul eut de nouveau l’occasion de fournir des vivres et de l’argent à la colonie, les autres sources d’approvisionnement ayant fait défaut ; par la suite il fut nommé « commissaire des magasins et approvisionnements » pour la province.

Le Board of Trade avait ordonné à Hopson de vérifier la bonne exécution des contrats de Baker mais il ne trouva rien, apparemment, qui justifiât la présentation d’un rapport défavorable. La réputation de Saul sortit intacte d’une autre enquête menée par Charles Lawrence en 1755. Ces conclusions n’avaient rien de surprenant, étant donné qu’il existait d’étroites relations entre Saul et Lawrence. Ce dernier avait été major dans le 45e régiment d’artillerie (Warburton), un des régiments ravitaillés et payés par Baker et Saul, et il y a tout lieu de croire qu’au moment où il fut nommé gouverneur, en 1753, des intérêts d’ordre financier liaient déjà Lawrence aux agents des régiments, comme la pratique en était courante parmi les officiers au xviiie siècle. En mars 1757, un correspondant anonyme écrivit à lord Loudoun [John Campbell], alors commandant en chef des armées anglaises en Amérique du Nord, que Lawrence avait détourné des milliers de livres provenant des fonds publics pour son usage personnel. On l’accusait d’être « l’obligé de l’échevin Baker, ou plutôt de son agent, Thomas Saul, un scélérat passé maître en félonie ». On reprochait à Saul de tricher sur les quantités de vivres fournies par contrat aux soldats. Quoi qu’il en soit de ces allégations, il était loisible à Saul de tirer avantage de sa situation, car la nature de ses affaires de même que ses relations en haut lieu le mettaient virtuellement à l’abri d’un véritable contrôle hormis par ceux qui avaient les mêmes intérêts que lui.

Avec l’été de 1757, des troupes anglaises en grand nombre arrivèrent à Halifax. Saul, maintenant adjoint de l’officier payeur, reçut £22 000 en numéraire pour verser les avances de solde aux troupes. À la fin de l’année, il restait encore la moitié de cette somme dans ses coffres. Sans doute suivit-il la pratique commune et utilisa-t-il cet argent pour commercer pour son compte car on le disait « le marchand le plus riche et le plus entreprenant » de Halifax. Bénéficiaire des faveurs des gens influents, Saul, de son côté, en accorda également. Il aida Lawrence et peut-être aussi George Saul, commissaire chargé de la déportation des Acadiens et probablement un parent, lequel se rendit par la suite à New York où il agit comme représentant des entrepreneurs anglais Baker et Christopher Kilby. Les profits, en apparence illimités, que semblaient pouvoir réaliser Saul et son employeur n’en étaient pas moins à la merci d’une cessation des hostilités en Amérique ou d’un bouleversement politique à Londres. Ces deux éventualités devinrent réalité en 1760 par suite de la conquête de la Nouvelle-France et de la mort de George II Baker prévoyait sûrement ce revirement de la situation lorsqu’il mit fin à ses contrats en 1760. Lawrence mourut la même année. Saul avait été nommé membre du conseil du gouverneur en 1759 mais, apparemment, il ne tenait pas à demeurer à Halifax pour remplir cette fonction, ou encore pour se livrer au commerce à titre privé, car il rentra en Angleterre à la fin de 1760.

Thomas Saul fut l’un de ces hommes d’un genre de plus en plus courant dans l’empire colonial anglais du xviiie siècle. Son nom n’apparaît que rarement dans les documents du temps ; il y figure parfois comme signataire au bas d’un compte ou il est mentionné occasionnellement dans les rapports. Néanmoins, en vertu de sa position quasi officielle et des ressources monétaires qu’il eut continuellement sous son contrôle, il a joui d’un grand pouvoir sur la vie des soldats, des colons et des commerçants, au cours des premières années de l’établissement de Halifax.

James C. Hippen

BM, Add. mss, 33 029.— Henry E. Huntington Library (San Marino, Calif.), AB 876, LO 3 250.— Library of Congress (Washington), Great Britain coll., Army accounts, 1745–1775, pp.25, 283–295, 299.— PANS, RG 1, 165, pp. 83, 139.— PRO, AO 17/41, pp. 202–207, 214–217 ; 17/42 ; T 29/32, p. 13 ; 29/33, pp. 224, 310 ; T 38/373, 38/374, p. 194.— Documents relating to currency in Nova Scotia, 1675–1758 (Shortt).— Letter book of John Watts [...], Coll. of the NYHist. Soc., LXI (1928) : 239.— N.SArchives, I.— PRO, JTP, 1749/50–1753.— Bell, Foreign Protestants.— Murdoch, History of Nova-Scotia, II : 373, 391, 394, 398.— T. B. Akins, History of Halifax City, Coll. of the N.SHist. Soc., VIII (1895).

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James C. Hippen, « SAUL, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/saul_thomas_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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