RUT, JOHN, commandant d’une expédition anglaise en Amérique du Nord ; circa 1512–1528.

Attaché à la maison du roi et capitaine du vaisseau royal Mary Guildford, dont la mission normale était d’approvisionner le souverain en vins de Bordeaux, John Rut (originaire de Ratcliffe, Essex), fut choisi par Henri VIII pour diriger une expédition en Amérique, en 1527. Avec la Mary Guildford et le Samson, il devait trouver un passage vers l’Asie en contournant ou en franchissant l’Amérique du Nord, pour ensuite établir des relations commerciales. Il quitta la Tamise le 20 mai et Plymouth le 10 juin, mais, le 1er juillet, ses vaisseaux se séparèrent au cours d’une tempête. La Mary Guildford rencontra des icebergs le 3 juillet et, bientôt après, renonça à la partie. On raconta que certains hommes moururent de froid, et ce n’est pas invraisemblable, étant donné l’époque de l’année. Pour découvrir le point le plus au nord qu’il ait atteint, il semble impossible de se fier au journal de bord, qui donne des degrés de latitude aussi variés que 53° (ou peut-être bien 58°) et 64°. En faisant voile vers le Sud, Rut explora la côte du Labrador, entra dans un bras de mer, probablement l’inlet St. Lewis (52° 20’ nord), et débarqua avec ses hommes. Du 21 au 30 juillet, il fit la pêche au cap de Bas (probablement le cap Charles, par 52° de latitude nord, selon son calcul) puis fit voile vers le Sud, vers Saint-Jean de Terre-Neuve, où il vit 14 vaisseaux de pêche français et portugais, ainsi qu’il l’écrivit le 3 août au roi Henri. Rut alla ensuite pêcher au cap Race, espérant rencontrer le Samson au cap Espar (Spear) plus tard vers la mi-août, afin de faire voile de là « vers les Iles, conformément à nos instructions », selon la formule obscure que Purchas lui attribue.

L’historien E. G. R. Taylor a prétendu qu’au cas où Rut n’aurait pas découvert un passage au Nord-Ouest, il avait ordre de chercher un passage ou un isthme à la hauteur du 40e parallèle, selon la carte de Giovanni da Verrazzano, qui aurait été remise au roi en 1525 ou 1526. Ce fut presque certainement la Mary Guildford (le Samson s’étant probablement perdu) qui, au cours de l’automne, longea la côte est de l’Amérique du Nord depuis le Cap-Breton jusqu’au canal de Floride, devenant ainsi le premier vaisseau anglais à accomplir ce trajet. Il est possible que le pilote ait été tué par des Indiens au cours d’une escale. Voilà tout ce que l’on sait au sujet de ce navire jusqu’au 19 novembre, date à laquelle arriva à l’île de Mona, dans les Indes occidentales, un vaisseau anglais censément à la recherche de « Noruega » (ce qui en espagnol signifie Norvège, à moins qu’on n’ait voulu désigner par là le « Norumbega » de Verrazzano). La Mary, nous apprend-on de sources espagnoles, était bien armée, portait à son bord une pinasse et une longue embarcation et comptait environ 70 hommes d’équipage (c’est-à-dire 40 de plus que son équipage normal de 30). Le 25 novembre, une pinasse fit débarquer des hommes à la ville de Saint-Domingue, où ils offrirent d’échanger des tissus de laine et de toile et des objets d’étain contre des teintures végétales et des provisions. Ils furent bien reçus, mais, dès le lendemain, comme leur vaisseau entrait au port, un canon tira un boulet de pierre en guise d’avertissement. Le capitaine, effrayé, quitta le port aussitôt. Plus tard, à Ocoa, quand les Espagnols refusèrent de trafiquer, les Anglais prirent des vivres par la force et menacèrent de revenir en ennemis. Toutefois, plus tard, à San German (Porto Rico), ils purent se ravitailler sans incident. Leur vaisseau semble avoir regagné l’Angleterre au printemps ou à l’été de 1528 puisque, de septembre à décembre, la Mary Guildford, sous le commandement de John Rut, servait de nouveau à approvisionner la maison royale en vins de Bordeaux. Ce voyage a fourni aux Anglais des connaissances de toute première valeur sur toute la côte est de l’Amérique du Nord, leur permettant ainsi de rattraper l’avance prise par la France et l’Espagne. Toutefois, comme on n’avait pas réussi à trouver un passage au Nord-Ouest vers l’Asie, ce voyage n’eut pas de suites, car Henri VIII ne s’intéressait guère à l’Amérique du Nord pour elle-même.

Un des membres de l’expédition de Rut, Albertus de Prato, avait acquis une certaine notoriété grâce à une lettre qu’il écrivit au roi Henri, le 10 août 1527 (Purchas, Pilgrimes (1905–1907), XIV : 303–305 ; Williamson, Voyages of the Cabots (1929), 105, 258). Biggar (Mélanges, 467) était d’avis qu’il s’agissait « d’Alberto de Porto » qui, le 19 avril 1527, avait emprunté la somme de £19 15s à un certain Raphael Maruffo (PRO, CLP, Hen. VIII, IV, Part II, 1526–1528). Cela, toutefois, n’aide guère à établir l’identité de Prato. On a cru par ailleurs que Prato pouvait être « le chanoine de St. Paul à Londres » qui, selon Hakluyt, avait pris part à l’expédition (Principal navigations, VIII (1904) : 1s.), mais la liste des dignitaires de la cathédrale de St. Paul n’en fait aucune mention. Hakluyt nous rapporte qu’il avait entendu dire de lui qu’il était « un mathématicien, un homme d’une grande fortune [qui], après avoir beaucoup contribué à la cause, s’y était personnellement consacré. »

David B. Quinn

HakInyt, Principal navigations, VIII (1904) : 1s.— PRO, CLP, Hen. VIII, IV, Part II, 1526–28.— Purchas, Pilgrimes (1905–07), XIV : 303–305.— Spanish documents concerning English voyages to the Caribbean, 1527–68, ed. I. A. Wright (Hakluyt Soc., 2nd ser., LXII, 1929), 29–56. (à la p.48, lire « Noruega » au lieu de « Norumbega »).— Williamson, Voyages of the Cabots (1929).— H. P. Biggar, An English expedition to America in 1527, dans Mélanges offerts à MCharles Bémont (Paris, 1913), 459–472.— F. A. Kirkpatrick, The first recorded English voyage to the West Indies, English Historical Review, XX (1905) : 115–124.— Précurseurs (Biggar).— E. G. R. Taylor, Tudor geography, 1485–1583 (London, 1930), 11s.

C’est sur le récit de Biggar (Mélanges, 459–472) que l’on se base, plus haut, pour présumer que le bateau de Rut était le vaisseau royal Mary Guildford (et non la Mary of Gilford) et que c’est ce navire (et non le Sampson) qui atteignit les Antilles. Autres versions dans : Williamson, Voyages of the Cabots (1929), 258–261 et Hoffman, Cabot to Cartier, 121.

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David B. Quinn, « RUT, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rut_john_1F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
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