ROLLAND (Roland), JEAN-BAPTISTE, imprimeur, libraire, homme d’affaires, conseiller municipal et sénateur, né à Verchères, Bas-Canada, le 2 janvier 1815, fils de Pierre Roland, agriculteur, et d’Euphrasine Donay ; le 7 octobre 1839, il épousa à Saint-Laurent, près de Montréal, Esther Boin, et ils eurent quatre filles et quatre fils ; décédé à Montréal le 22 mars 1888.
Jean-Baptiste Rolland connut des débuts modestes. Sa famille ayant déménagé à Saint-Hyacinthe vers 1828, c’est là qu’il reçut les rudiments de son éducation. En 1832, il quitta cet endroit et fit à pied, selon la tradition, le trajet jusqu’à Montréal où il arriva à peu près sans le sou. Il réussit à se placer comme apprenti typographe à la Minerve. En 1836, il passa au Morning Courier (Montréal), où il travailla pendant quatre ans comme compagnon. Il décida ensuite de devenir lui-même imprimeur et fonda avec John Thompson la société Rolland et Thompson, mais, dès 1843, il se sépara de son associé pour se consacrer au commerce des livres.
C’est vraiment comme libraire que Rolland fit sa marque. Il avait ouvert en 1842 un premier magasin, rue Saint-Vincent, à Montréal, et s’était créé un marché en faisant du colportage dans les campagnes. Voulant agrandir son champ d’action, il édita de nombreux ouvrages, notamment des manuels scolaires et des livres religieux. Il fut ainsi amené à annexer un atelier d’impression et de reliure à la librairie. Il imprima, entre autres, l’Écho du Cabinet de lecture paroissial (Montréal), de 1861 à 1864, et le Journal de l’éducation (Montréal), de 1880 à 1884, dans le but de prendre la relève du Journal de l’Instruction publique (Québec et Montréal) [V. Pierre-Joseph-Olivier Chauveau], organe officiel disparu en 1879. Même si Rolland bénéficiait d’une subvention gouvernementale annuelle de $500, il dut se départir de ce journal car les revenus de la publication s’avéraient insuffisants.
Par ailleurs, au milieu du xixe siècle, un libraire ne faisait pas que vendre des livres. Rolland développa en effet un important commerce de papier et d’articles de papeterie dont certains provenaient de France. Il fabriquait également des livres de comptabilité de toutes dimensions, en plus de vendre divers objets d’importation, comme des horloges, des bijoux et des parfums. Au début des années 1860, il se décrivait dans les annuaires comme « libraire, imprimeur, relieur et importateur de produits de France et d’Allemagne ».
Au cours des années 1850, Rolland devint donc un homme d’affaires prospère, jouissant d’une bonne réputation. Cette période marqua aussi une étape importante dans l’expansion de son entreprise. Trop à l’étroit, il déménagea sa librairie, vers 1855, dans un édifice plus vaste, situé également rue Saint-Vincent. Quatre ans plus tard, il entra en société avec son fils aîné, Jean-Damien, et l’entreprise porta dès lors le nom de J.-B. Rolland et Fils. Il maintint cette politique pour ses autres fils, les associant successivement à l’entreprise lorsqu’ils étaient en âge de le faire. À la fin des années 1850, il emménagea rue Saint-Denis, face au carré Viger, dans une résidence qu’il avait fait construire. Son actif – en incluant son entreprise et ses propriétés foncières – était alors évalué à $100 000.
L’entreprise continua de se développer au cours des deux décennies suivantes. Afin de s’assurer un meilleur approvisionnement en papier, les membres de la famille Rolland décidèrent, en 1881, d’en fabriquer eux-mêmes et choisirent Saint-Jérôme comme site de la future usine. Voilà un exemple pertinent de commerçants qui se transforment en industriels. La ville de Saint-Jérôme leur accorda une exemption de taxes municipales pour une durée de 25 ans. Mise en chantier en 1881, l’usine commença de produire dès l’année suivante sous le nom de Compagnie de papier Rolland. On y fabriquait des papiers fins que la maison devait jusque-là importer d’Europe. En peu de temps, les papiers Rolland acquirent une solide réputation et, en 1885, la compagnie obtenait une médaille d’argent à l’Exposition internationale d’Anvers, Belgique. Déjà âgé au moment de la création de cette firme, Rolland en confia la direction effective à deux de ses fils, Jean-Damien et surtout Stanislas-Jean-Baptiste qui, installé à Saint-Jérôme, dirigeait l’usine.
En plus du commerce d’articles de librairie et de son prolongement, la fabrication du papier, Rolland s’intéressa activement à la promotion foncière et à la construction domiciliaire. Il commença d’acquérir des propriétés dans les années 1850 et à d’y bâtir des logements. Il manifesta, par la suite, un intérêt croissant pour ce secteur d’activité. Il construisit des rangées de maisons dans les rues Saint-Denis et Berri, et il contribua à faire du carré Viger un lieu de résidence privilégié de la bourgeoisie francophone vers le milieu du siècle. Il possédait d’autres maisons et des magasins dans l’est de Montréal. Il s’imposa en outre comme promoteur immobilier et constructeur actif à Hochelaga, municipalité de la banlieue montréalaise, où son fils Jean-Damien et son gendre Raymond Préfontaine* occupèrent tour à tour le poste de maire à partir de 1876, puis celui de conseiller municipal, après l’annexion d’Hochelaga à Montréal en 1883. Rolland ne négligea pas non plus le secteur financier. On le retrouve au conseil d’administration de la Compagnie d’assurance et de placement des citoyens, et, durant les années 1870, parmi les actionnaires de la Banque Jacques-Cartier.
La carrière politique de Rolland s’est surtout déroulée à l’échelon local. Il siégea pendant une dizaine d’années au conseil municipal de la ville de Montréal, comme représentant du Quartier-Est. Élu d’abord en 1861, il conserva son poste jusqu’en 1867. Il retourna au conseil, quatre ans plus tard, pour remplacer Jacques-Alexis Plinguet, démissionnaire ; il y demeura jusqu’en 1875. En tant que membre du parti conservateur, on lui confia, en 1879, la responsabilité de réorganiser les finances de la Minerve, organe du parti à Montréal. La même année, le gouvernement fédéral le nomma membre de la Commission du havre de Montréal, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort. Sa carrière politique fut couronnée par sa nomination au sénat du Canada, le 22 octobre 1887. Il y représentait la division des Mille-Îles, succédant ainsi à Louis-Adélard Senécal, décédé 11 jours plus tôt. Officier de milice pendant un certain temps, Rolland se consacra à diverses fonctions comme celle de marguillier de la paroisse Notre-Dame, à Montréal, celle de président de l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal en 1879, et celle de membre du Conseil des arts et manufactures de la province de Québec, de 1880 à 1883.
Fils de ses œuvres, Rolland représente bien un type d’ascension sociale que l’on rencontre au xixe siècle. Il s’est signalé en investissant dans le domaine de la production, lui qui exerçait d’abord la profession de marchand, et en associant étroitement ses fils à son entreprise de façon à en assurer la survivance.
Au moment de la préparation de cette biographie, on ne pouvait consulter les archives de la Compagnie de papier Rolland déposées au siège social à Montréal, celles-ci étant en cours de classement. Cependant, ce fonds privé sera accessible aux chercheurs à compter de 1982, année durant laquelle la compagnie célébrera son centenaire. [p.-a. l.]
ANQ-M, État civil, Catholiques, Saint-François-Xavier (Verchères), 3 janv. 1815 ; Saint-Laurent, 7 oct. 1839.— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 5 : 3 ; 6 : 244.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1872–1882 (rapports des banques à charte du Canada).— La Minerve, 23 mars 1888.— La Presse, 22 oct. 1887, 22 mars 1888.— Beaulieu et J. Hamelin, La presse québécoise, I : 57, 221.— Borthwick, Hist. and biog. gazetteer, 441s.— Canadian biog. dict., I : 100–102.— Dominion annual register, 1879 : 356 ; 1880–1881 : 373 ; 1885 : 166.— C. E. Goad, Atlas of the city of Montreal from special survey and official plans showing all buildings & names of owners (2e éd., 2 vol., Montréal, 1890).— Montreal directory, 1853–1864 ; 1881–1888.— Germain Cornez, Saint-Jérôme (2 vol., Saint-Jérôme, Québec, 1973–1977), II : 15s., 38, 213.— Histoire de la corporation de la cité de Montréal depuis son origine jusqu’à nos jours [...], J.-C. Lamothe et al., édit. (Montréal, 1903), 215–224, 757–759.— André Labarrère-Paulé, Les laïques et la presse pédagogique au Canada français au XIXe siècle (Québec, 1963), 130–138, 144–147, 152–155.— P.-A. Linteau, « Histoire de la ville de Maisonneuve, 1883–1918 » (thèse de ph.d., univ. de Montréal, 1975).
Paul-André Linteau, « ROLLAND (Roland), JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rolland_jean_baptiste_11F.html.
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Auteur de l'article: | Paul-André Linteau |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |