ROBERTSON, JAMES WILSON, fromager, éducateur et fonctionnaire, né le 2 novembre 1857 à Dunlop, Écosse, quatrième des dix enfants de John Robertson et de Mary Wilson ; le 6 mai 1896, il épousa à Ottawa Jemima Jane (Jennie) Mather, fille de John Mather*, et ils eurent une fille ; décédé le 19 mars 1930 dans cette ville.

Fils d’un agriculteur qui prêchait pour l’Église d’Écosse et qui militait pour l’application des lois sur la fréquentation scolaire et contre le travail des enfants en usine, James Wilson Robertson grandit dans un climat imprégné de religion et de souci du bien commun. À l’âge de 14 ans, il quitta l’école paroissiale de Dunlop pour entamer son apprentissage chez un fabricant de cuir à Glasgow. En 1875, sa famille – lui compris – immigra au Canada et s’installa dans une ferme près de London, en Ontario. Embauché par une fromagerie d’Ingersoll, Robertson apprit si vite le métier que, dès 1884, il dirigeait huit fabriques de ce genre. Fort de ce succès et grâce à ses relations avec le député provincial Thomas Ballantyne*, il obtint en avril 1886 le poste de professeur de production laitière à l’Ontario Agricultural College de Guelph. Selon William Weld*, rédacteur en chef d’une grande revue agricole, le Farmer’s Advocate and Home Magazine de London, le fait que Robertson avait été « recruté à côté de la cuve et de la baratte […] et préféré à ceux qui [avaient] fréquenté un collège mais n’[avaient] aucune expérience pratique » était remarquable et digne d’éloges.

Dans son enseignement, Robertson alliait théorie et pratique. Il assistait à des réunions de fermiers et prêtait une oreille attentive à leurs préoccupations. À la suite de tournées au Danemark et dans des régions laitières des États-Unis, il construisit un silo de démonstration et promut l’ensilage du maïs. Par cette méthode, qui permettrait de produire du lait à longueur d’année, les fermiers augmenteraient leurs revenus. De plus en plus connu en raison de ce qu’il accomplissait à l’Ontario Agricultural College, Robertson, bon orateur, se mit à faire des tournées de conférences, à recevoir des offres d’emploi de la part de collèges américains et à attirer l’attention des milieux politiques. En 1889, à l’assemblée de la Dairymen’s Association of Ontario à Smiths Falls, le premier ministre du pays, sir John Alexander Macdonald*, fut impressionné de l’entendre soutenir que la réfrigération préserverait la qualité des exportations de produits laitiers. Le ministre de l’Agriculture, John Carling*, et le directeur du réseau fédéral des fermes expérimentales, William Saunders*, connaissaient aussi Robertson. Comme les mesures d’Ottawa en matière d’agriculture visaient surtout le peuplement de l’Ouest canadien, un programme destiné aux producteurs laitiers de l’Est était politiquement rentable. En outre, les exportations laitières vers les États-Unis avaient diminué à cause des droits de douane, et pénétrer le marché britannique était difficile parce que les produits canadiens n’avaient pas bonne réputation. Le 1er février 1890, Robertson devint commissaire fédéral de l’industrie laitière et agricole, sous la supervision de Saunders, et il s’établit à Ottawa. Il était le premier titulaire de ce poste

Après sa nomination, Robertson s’employa à rehausser la qualité des laitages canadiens et à gagner une plus large part du marché britannique. Il parcourut le pays en parlant d’ensilage et de production laitière d’hiver. Il fonda des stations expérimentales en Ontario, dans la province de Québec et dans les Maritimes. Dans l’Ouest, où l’on produisait peu de lait, il préconisa la polyculture et encouragea la formation de coopératives laitières au moyen d’un programme de prêts et de subventions. Vers 1895, il mit en place des installations frigorifiques pour les cargaisons de beurre et de fromage destinées au Canada et à l’étranger. Ses initiatives portèrent fruit : la qualité des produits augmenta, le nombre de plaintes baissa. En décembre 1895, comme le travail de Robertson excédait dorénavant la compétence de la ferme expérimentale centrale, le département créa une Direction de l’agriculture et de la production laitière et l’en nomma chef. Enorgueilli par sa renommée, Robertson n’hésitait pas à se faire valoir en invoquant les offres d’emploi qui lui parvenaient de temps à autre et menaçait de démissionner si ses exigences n’étaient pas satisfaites. Quand il quitta le ministère de l’Agriculture, il en était l’employé le mieux rémunéré.

Robertson avait donc de l’ambition, mais lui-même et sa femme occupaient une « place discrète » dans la vie sociale d’Ottawa. Ils fréquentaient l’église presbytérienne St Andrew. Jennie n’aimait pas se mettre en évidence mais, lorsque son amie lady Aberdeen [Marjoribanks*] fonda le Victorian Order of Nurses, en 1897, elle-même et son mari s’y engagèrent. De 1902 à 1927, Robertson appartiendrait au conseil d’administration de l’ordre.

En 1897, Robertson fit la connaissance du magnat montréalais du tabac William Christopher Macdonald*, qui avait un penchant pour la philanthropie. De tempéraments tout à fait opposés – Macdonald était réservé, Robertson, sociable et novateur –, ils s’intéressaient tous deux à la réforme de l’éducation, si bien que le premier en vint à financer les projets du second. Favoriser la formation technique et l’instruction élémentaire dans les régions rurales leur tenait particulièrement à cœur. Ils constituèrent le Macdonald Manual Training Fund en 1899, l’année même où Robertson donna 100 $ pour l’attribution d’un prix aux enfants qui cultivaient des graines de semence de haute qualité. En 1900, Macdonald, inspiré par ce geste, remit 10 000 $ à Robertson pour des distributions de prix. Les concours qui en résultèrent déboucheraient en 1904 sur la formation de la Canadian Seed Growers’ Association, dont Robertson deviendrait président. Initiateurs de deux autres programmes féconds – le Macdonald Rural Schools Fund, qui finançait des ateliers de travaux manuels et des jardins scolaires, et le Macdonald Consolidated Schools Project –, les deux hommes contribuèrent aussi, avec Adelaide Sophia Hoodless [Hunter*], à la fondation du Macdonald Institute of Home Economics à l’Ontario Agricultural College.

Même si ses activités avec Macdonald l’occupaient beaucoup, Robertson demeurait commissaire fédéral de l’industrie laitière et agricole. De 1900 à 1902, il avait fait expédier à l’armée britannique, en Afrique du Sud, 90 cargaisons de chevaux, de fourrage et de nourriture. En 1902, certaines d’entre elles furent jugées inacceptables à l’arrivée. Le ministère de la Guerre blâma Robertson, qui rejeta la faute sur des inspecteurs des ports canadiens et les armateurs. Cette affaire n’entacha pas vraiment sa réputation, mais, en venant s’ajouter à ses fonctions régulières et à sa collaboration avec Macdonald, elle provoqua chez lui une dépression nerveuse. Sa convalescence, en Angleterre, fut longue.

Le 31 décembre 1904, Robertson démissionna du ministère de l’Agriculture. Le 30 juin 1905, il reçut le titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges. La même année, il assuma la direction du collège d’agriculture fondé par Macdonald à Sainte-Anne-de-Bellevue, au Québec. Il en supervisa la construction et, pour recruter le personnel, il écuma l’Ontario Agricultural College, les fermes expérimentales et des collèges américains. Les premiers élèves arrivèrent en 1907. Très efficace lorsqu’il s’était agi de mettre le collège sur pied, Robertson ne se révéla pas l’administrateur idéal. Le corps enseignant était un mélange d’agriculteurs autodidactes et de spécialistes formés dans des collèges. Les désaccords entre eux étaient fréquents. Robertson n’arrivait pas à faire régner l’harmonie. Un professeur diplômé d’université, George Herbert Locke*, démissionna en 1908 à cause d’un conflit avec lui. Par ailleurs, Macdonald voulait seulement des élèves de l’Est canadien alors que, selon Robertson, le collège devait desservir tout le pays. (Son élection à la présidence de la Dominion Educational Association en 1909 témoigne de ses préoccupations nationales.) Surtout peut-être, son tempérament fonceur finit par déplaire à sir William, qui ne badinait pas avec les règles. À l’automne de 1909, après que Robertson eut, sans autorisation, dépensé des fonds pour agrandir les locaux réservés au logement des étudiants, le conseil d’administration du Macdonald College limita ses dépenses à 100 $. Outré, Robertson annonça qu’il quitterait la direction le 10 janvier 1910. Jamais plus il n’occuperait un poste permanent avec rémunération.

Peu avant son départ, Robertson avait été nommé membre de la Commission (fédérale) de la conservation et président de l’un de ses comités, celui des terres, qui enquêtait sur les méthodes agricoles employées au pays. En juin 1910, il accéda à la présidence de la commission royale sur l’enseignement technique et professionnel. Celle-ci, dont les travaux se prolongeraient jusqu’en 1913, remettrait un rapport qui aboutirait en 1919 à l’adoption de la Loi d’enseignement technique. Les subventions versées aux provinces en vertu de cette loi marqueraient le début du financement fédéral en matière d’éducation [V. John Seath*].

Pendant la Première Guerre mondiale, Robertson se lança à corps perdu dans le bénévolat. Il contribua à établir une section de la Société canadienne de la Croix-Rouge dans la vallée de l’Outaouais en 1915 et fut président de la direction nationale de cette société. En 1916, il organisa le comité canadien de l’Agricultural Relief of the Allies Fund. De 1916 à 1918, il présida le comité consultatif du contrôleur des aliments du Canada. Pendant la dernière année des hostilités, il dirigea dans l’est du pays la campagne de surproduction agricole, qui s’effondra lorsque le gouvernement de Robert Laird Borden* révoqua l’exemption qu’il avait accordée en 1917 aux fils de fermiers et les obligea à s’enrôler.

Après la guerre, Robertson, alors âgé de plus de 60 ans, travailla quelque temps pour le Conseil économique suprême à la conférence de paix de Paris à titre de conseiller canadien en matière d’aide alimentaire à l’Europe. En 1922, il devint commissaire en chef des Boy Scouts du Canada. L’année suivante, il fut appelé à présider la commission royale mise sur pied par le gouvernement fédéral pour enquêter sur des « désordres » survenus parmi les travailleurs de l’acier à Sydney, en Nouvelle-Écosse. En 1925, il fit partie d’un comité qui tenta de concilier les parties au cours d’une grève dans une mine du Cap-Breton [V. William Davis]. En outre, il prononça de multiples conférences tout au long des années d’après-guerre. Titulaire de plusieurs diplômes honorifiques, il reçut en 1928 l’ordre du Mérite agricole de la province de Québec.

Bien que, selon sa fille Mary Ishbel, James Wilson Robertson ait été « robuste et élancé », sa santé se gâta dans ses dernières années. Sa dépression nerveuse de 1902 et une maladie récurrente de l’estomac, qui nécessita un traitement dans un sanatorium américain en 1920, pourraient indiquer des problèmes liés au stress. Il mourut de la rupture d’un ulcère gastrique en 1930 et fut inhumé au cimetière Beechwood à Ottawa. Un an plus tard, l’Ontario Agricultural College créa en son honneur le prix Robertson Associate. Artisan du progrès rural, très attaché à la campagne mais citadin par la force des choses, Robertson contribua beaucoup à la croissance et à la modernisation de l’industrie laitière du Canada. En tant qu’éducateur, il influa sur les programmes scolaires de tous niveaux.

Ian M. Stewart

Une courte biographie de James Wilson Robertson rédigée par sa fille, Ishbel Robertson Currier (texte dactylographié, 1964) est conservée dans le dossier de James Wilson Robertson au DCB.

Robertson a écrit des centaines de brochures et de rapports gouvernementaux, et un grand nombre de ses articles ont paru dans la presse agricole. Plusieurs de ces publications sont répertoriées dans Science and technology biblio. (Richardson et MacDonald). Il a aussi écrit « Canadian agriculture and rural education », qui a paru dans The empire and the century : a series of essays on imperial problems and possibilities, C. S. Goldman, édit. (Londres, 1905), 385–402. Robertson a publié un seul livre, Conservation of life in rural districts (New York, 1911), dont on trouve des exemplaires à la Univ. of Guelph Library (Guelph, Ontario) et dans ses papiers à la Univ. of B.C. Library, cités ci-dessous.

AN, RG 17, A I, 617, nos 69943–69944, 71588 ; 1959 : 401 ; 2802.— AO, RG 22-354, nº 14544 ; RG 80-5-0-232, nº 2604.— Univ. of B.C. Library, Special Coll. and Univ. Arch. Div. (Vancouver), M556 (J. W. Robertson papers).— Farmer’s Advocate and Home Magazine (London, Ontario), déc. 1886, mars 1890.— Ottawa Citizen, 20 mars 1930.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1891, nº 6D : 8 ; 1896, nº 8 : xii.— Canadian annual rev., 1900–1930.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— G. C. Church, An unfailing faith : a history of the Saskatchewan dairy industry (Regina, 1985).— J. M. Gibbon, The Victorian Order of Nurses for Canada, fiftieth anniversary, 1897–1947 ([Ottawa, 1947]).— George Iles, « Dr. Robertson’s work for the training of Canadian farmers », American Rev. of Reviews (New York), 36 (juill.–déc. 1907) : 576–584.— D. A. Lawr, « The development of Ontario farming, 1870–1914 : patterns of growth and change », OH, 64 (1972) : 239–251.— H. R. Neilson, Macdonald College of McGill University, 1907–1988 : a profile of a campus (Montréal, 1989).— Political appointments and judicial bench (Coté).— A. M. Ross, The college on the hill : a history of the Ontario Agricultural College, 1874–1974 (Vancouver [et Guelph], 1974).— J. F. Snell, Macdonald College of McGill University : a history from 1904–1955 (Montréal, 1963).— Who’s who and why, 1919/1920.

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Ian M. Stewart, « ROBERTSON, JAMES WILSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/robertson_james_wilson_15F.html.

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Auteur de l'article:    Ian M. Stewart
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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