RICHER, ARTHUR-JOSEPH (baptisé Joseph-Arthur-Adélard), médecin et professeur, né le 16 novembre 1868 à Saint-Éphrem-d’Upton, Québec, fils de Damase Richer, forgeron, et de Célina Lavoie ; décédé célibataire le 26 février 1922 à Sainte-Agathe-des-Monts, Québec.
Arthur-Joseph Richer fréquente l’école de la mission de Sabrevois, puis commence ses études en médecine en 1888 à la faculté de médecine du Bishop’s College, à Montréal. Diplômé en 1892, il fait un stage à la New York Postgraduate Medical School. Au cours de l’année 1893, il traverse l’Atlantique pour entreprendre des études en France, notamment à la faculté de médecine de l’université de Paris et à l’Institut Pasteur, où il s’intéresse activement à la tuberculose. Il exerce aussi quelques mois à l’École supérieure de pharmacie de Paris et au Laboratoire de physiologie de la faculté de médecine de l’université de Paris. Durant son séjour en Europe, Richer effectue un long voyage d’étude, visitant de nombreuses cliniques en Autriche, en Allemagne et en Pologne. Au moment de son passage à Cracovie (Pologne), il contracte une tuberculose pulmonaire qui le cloue au lit durant six mois à Paris, où il est revenu se mettre sous les soins de ses maîtres. Après avoir recouvré la santé, il rentre au Canada en 1896 et s’installe à Montréal pour y exercer sa spécialité de phtisiothérapeute et enseigner à la faculté de médecine du Bishop’s College. Il y sera professeur de physiologie, d’hygiène et de médecine jusqu’à 1905, au moment où la faculté de médecine sera intégrée à celle de la McGill University.
Durant son séjour en Europe, Richer a approfondi ses connaissances touchant la tuberculose et les moyens d’enrayer cette maladie. Pour lui, le sanatorium constitue l’élément clé. Il le voit comme un lieu où le malade apprend à modifier ses conceptions et ses habitudes de vie. C’est encore plus un milieu d’entraînement que de cure. À Paris, Richer avait déjà fait part à son collègue et ami Sigard Adolphus Knopf de son intention de créer un sanatorium dans la province de Québec, le plus rapidement possible après son retour au pays. Imbu des conceptions des Allemands Hermann Brehmer et Peter Dettweiler et de l’Américain Edward Livingston Trudeau sur les vertus de l’altitude et de la cure à la campagne, Richer choisit le village de Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides, pour y faire bâtir en 1898, grâce à des fonds privés, le premier sanatorium de la province de Québec, moins d’un an après la fondation de celui de Muskoka, en Ontario [V. sir William James Gage]. Ce modeste établissement est complètement détruit par un incendie en 1902. L’initiative du docteur Richer est toutefois reprise par d’autres groupes. Sainte-Agathe-des-Monts devient un important centre de cure avec la fondation en 1908 du Laurentian Sanatorium, suivi du Mount Sinai Sanatorium par la communauté juive de Montréal en 1912 et, quelques années plus tard, du sanatorium des Sœurs de la charité de l’Hôpital Général de Montréal.
Non découragé par le malheur qui a affecté sa première initiative, Richer pousse plus loin l’idée de prévention en fondant en 1905, toujours à Sainte-Agathe-des-Monts, le Brehmer Rest Preventorium. Premier établissement du genre en Amérique, le préventorium est destiné non pas aux tuberculeux mais aux personnes à risque ou prédisposées à la tuberculose, ainsi que l’explique Richer dans son premier rapport annuel : « Lorsque nous recevons pour traitement, au Brehmer Rest, des convalescents de pneumonie, de pleurésie, de fièvre typhoïde, aussi bien que ceux atteints d’anémie, de chlorose et de débilité générale, nous agissons dans un but bien déterminé. Les neuf dixièmes des malades, ci-dessus, deviennent souvent des victimes de la tuberculose. S’ils peuvent être soumis à un traitement et à un régime de vie appropriés avant de devenir des victimes de cette maladie terrible, bien des vies sont sauvées. » Il s’agit donc d’aider les personnes à renforcer leur résistance naturelle. De 1905 jusqu’aux dernières années de sa vie, Richer consacre la plus grande partie de son activité professionnelle à la prise en charge médicale des pensionnaires du Brehmer Rest Preventorium.
Le mouvement social de lutte contre la tuberculose, la croisade antituberculeuse comme on le désignait souvent, s’était amorcé au Canada dans le dernier quart du xixe siècle, à la suite de la démonstration de la contagiosité de la maladie par Jean-Antoine Villemin en 1865 et de l’identification du germe responsable par Robert Koch en 1882. Il fallait d’abord prendre conscience de l’étendue de la maladie et lutter contre le préjugé profondément enraciné dans la population durant tout le xixe siècle que la tuberculose était une maladie héréditaire et incurable. Selon le Conseil d’hygiène de la province de Québec, avec un taux annuel moyen de 192 décès pour 100 000 habitants de 1896 à 1906, elle causait plus de décès que toutes les autres maladies contagieuses réunies. Elle était vraiment considérée comme le fléau à combattre. Cependant, l’État, autant à l’échelon national que provincial, intervenait peu directement au début, se contentant de soutenir les efforts privés par des subventions. C’est dans ce contexte qu’a été fondée en Ontario en 1896 l’Association sanitaire nationale, suivie en 1901 de l’Association canadienne pour la prévention de la consomption et d’autres formes de la tuberculose et, en 1902, de la Ligue antituberculeuse de Montréal. Le docteur Richer fait partie, pendant les premières années, de ces deux dernières associations. En 1902, il est élu au conseil de direction de l’Association canadienne pour y représenter la province de Québec à côté des docteurs Emmanuel-Persillier Lachapelle* et sir William Hales Hingston*. Sa conception de la lutte antituberculeuse est bien reçue, puisque le président de l’association annonce à l’assemblée générale en avril 1902 que « 5 000 copies d’une brochure du docteur Richer ont été achetées et seront mises en circulation dans les différents bureaux de santé du dominion ». Membre fondateur de la Ligue antituberculeuse de Montréal, Richer en est secrétaire honoraire pendant quelques années. Après 1905, il n’occupe plus de charge dans ces associations.
Arthur-Joseph Richer était avant tout un spécialiste, qui a consacré sa vie professionnelle au traitement de la tuberculose. Les témoignages de ceux qui l’ont connu le décrivent comme un homme profondément humain, libéral dans ses idées politiques et doté d’une grande intelligence. Il était aimé de ses malades et estimé de ses collègues, autant au Québec qu’outre-frontière. Mort prématurément en 1922, à l’âge de 53 ans, d’une crise de néphrite, il laissait derrière lui l’œuvre d’un homme distingué, instruit et pionnier de la phtisiothérapie moderne au Canada. Sa carrière s’inscrit dans le déploiement progressif et rationnel des mesures de santé publique au Canada.
Le docteur Arthur-Joseph Richer a publié quelques articles dans des revues et journaux médicaux : « On sanatoria : locality and cure », Canada Medical Record (Montréal), 27 (1899) : 293–297 ; « l’Aspect économique de la question de la tuberculose au Canada », l’Union médicale du Canada (Montréal), 32 (1903) : 260–263 ; « Tuberculose pulmonaire (apyrétique), traitée au moyen des injections de sérum anti-tuberculeux Marmorek », l’Union médicale du Canada, 33 (1904) : 280–286 (article écrit en collaboration avec Louis-Joseph Lemieux) ; « The sanatorium and its mission », Assoc. canadienne pour la prévention de la consomption et d’autres formes de la tuberculose, Compte rendu de l’assemblée annuelle (Ottawa), 1906, app. 13 : 86–88.
ANQ-M, CE602-S14, 19 nov. 1868.— Gazette municipale de Montréal, 31 oct. 1904.— W. H. Atherton, Montreal, 1534–1914 (3 vol., Montréal, 1914), 3.—Assoc. canadienne pour la prévention de la tuberculose, Rapport annuel (Ottawa), 1902–1919.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Conseil d’hygiène de la prov. de Québec, Rapport (Québec), 1909 : 38s.— C.-A. Daigle, « l’Alliance d’hygiène sociale », l’Union médicale du Canada, 34 (1905) : 113–119.— J.-E. Dubé, « In memoriam : docteur Arthur Joseph Richer », l’Union médicale du Canada, 51 (1922) : 238–241 ; « Montréal la plus importante ville du dominion se doit d’être au premier rang dans la lutte antituberculeuse », l’Union médicale du Canada, 48 (1919) : 572–574.— Denis Goulet et André Paradis, Trois siècles d’histoire médicale au Québec ; chronologie des institutions et des pratiques (1639–1939) (Montréal, 1992), 128s.— J. J. Heagerty, Four centuries of medical history in Canada and a sketch of the medical history of Newfoundland (2 vol., Toronto, 1928), 2 : 231.— S. A. Knopf, « In memoriam : Arthur J. Richer », l’Union médicale du Canada, 51 : 235–237 ; la Tuberculose, maladie du peuple; comment la combattre, Eugène Grenier, trad. (Montréal, 1912), 78, 88.— « The Laurentian Sanatorium », Canada Medical Record, 27 : 339s.— « Medical faculty, University of Bishops College, Montreal », Canada Medical Record, 29 (1901) : 281.— E. H. Milner, Bishop’s medical faculty, Montreal, 1871–1905, including the affiliated dental college, 1896–1905 (Sherbrooke, Québec, 1985), 368s.— « Personals », Canada Medical Record, 24 (1895–1896) : 349.— Québec, Commission royale de la tuberculose, Rapport (Québec, 1909–1910).— « University of Bishop’s College ; faculty of medicine, Montreal », Canada Medical Record, 31 (1903) : nos 8 et 11.— G. J. Wherrett, The miracle of the empty beds : a history of tuberculosis in Canada (Toronto, 1977), 210.
Georges Desrosiers, Benoît Gaumer et Othmar Keel, « RICHER, ARTHUR-JOSEPH (baptisé Joseph-Arthur-Adélard) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/richer_arthur_joseph_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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