RÉVOL, PIERRE, faux saunier, négociant et marchand, né en France vers 1714, fils de Jacques Révol, avocat au parlement de Grenoble, et d’Hélène Bastard, décédé à Gaspé en février 1759.

C’est en 1739 que Pierre Révol, qui avait été banni du royaume de France, arriva au Canada sur le vaisseau du roi. Il avait mérité ce châtiment pour avoir violé la loi de la gabelle. La gabelle, qui à l’origine pouvait désigner toute espèce d’impôt, fut rapidement réservée à l’impôt sur le sel. C’est Philippe VI qui généralisa cet impôt par ses ordonnances de 1331 et de 1343. Par la suite, la législation de la gabelle, longtemps instable à travers le royaume, fut fixée dans ses traits essentiels par la grande ordonnance de Louis XIV, en mai 1680. Le royaume fut divisé en six régions pour lesquelles le taux de l’impôt sur le sel n’était pas uniforme. Cette situation, qui existait déjà avant l’ordonnance de Louis XIV, rendait variable le prix du sel d’une région à l’autre et offrait ainsi aux fraudeurs une tentation irrésistible. Le faux saunage était vraiment, dans toutes les régions attenantes aux pays exempts et aux pays de grande gabelle, la « grande industrie nationale », même si les faux sauniers risquaient une amende de 200# pour une première offense et le bannissement ou la mort en cas de récidive.

Il faut donc croire que Révol n’en était pas à sa première offense lorsqu’il arriva à Québec. Par ailleurs il ne fut ni le premier ni le dernier faux saunier à débarquer en Nouvelle-France, puisque de 1730 à 1743 la colonie reçut près de 600 sujets du royaume, condamnés au bannissement pour une telle faute. Les premières années de Révol au Canada demeurent obscures ; sa carrière de négociant et de marchand ne se dessine vraiment qu’à partir du moment où il contracta mariage à Beaumont, près de Québec, le 17 février 1744. Il épousa alors Marie-Charlotte, fille de Joseph Roy, qui, semble-t-il, réussissait fort bien dans le commerce sur la côte du Labrador. Révol participa aux activités de son beau-père et il se révéla rapidement un négociant habile, quoique parfois imprudent. L’association entre les deux hommes ne dura qu’une année, durant laquelle les deux négociants s’affrontèrent devant la Prévôté de Québec. La mort de Mme Roy, survenue le 14 avril 1745, fut l’occasion de la rupture définitive. La succession de la défunte fut contestée par les gendres de Joseph Roy ; ce dernier ne voulait céder les biens de la communauté qu’après son propre décès. Révol et ses beau-frères entreprirent alors devant la Prévôté des poursuites contre leur beau-père qui eut gain de cause en 1747. Mais Révol fut tenace et porta la cause en appel devant le Conseil supérieur. À la mort de Joseph Roy en 1756, rien n’était réglé. Révol ne connut jamais la fin de ce procès qu’il entreprit, car il mourut un mois avant le règlement final de cette affaire qui dura 14 ans.

Cette affaire judiciaire ne fut pas la seule aventure de Révol. Sa situation financière lui avait permis d’acquérir dans les années 40 un navire, le Comte de Saxe, pour son commerce qu’il voulait étendre aux Antilles, mais son statut de déporté ne lui permettait pas de quitter la colonie. Au début de 1748, le gouverneur Barrin de La Galissonière adressa au roi une demande de révocation de la condamnation de Révol, et ce dernier, sans attendre la réponse royale, s’embarqua à l’automne sur son navire à destination de la Martinique. Son évasion fut rapidement connue et le gouverneur lança à sa poursuite un détachement de soldats. Le Comte de Saxe fut rejoint à l’île aux Coudres mais les soldats ne purent s’approcher du navire, car Révol menaçait de couler leur barque à coups de canon. Il semble que Révol passa l’hiver à la Martinique où, par ailleurs, il fut arrêté et ramené au Canada en juin 1749. Le 24 décembre de la même année, il était condamné à six mois de prison et le capitaine du navire subissait la même peine, en plus de se voir imposer une amende de 500#.

Ses activités de négociant et de commerçant avaient conduit Révol plus d’une fois devant les tribunaux de la colonie. Il se présenta à plusieurs reprises devant le Conseil supérieur, ayant déjà plaidé devant la Prévôté, bien plus souvent comme défendeur que comme requérant et, lorsqu’il s’y présentait à ce dernier titre, sa cause était le plus souvent perdue d’avance. De 1744 à 1756, le Conseil supérieur le condamna plus de six fois pour fol appel et quelque huit fois pour n’avoir point comparu. En 1752, Révol fut même accusé de vendre du pain dont le poids était inférieur à celui annoncé.

Sa plus grande aventure financière, qui n’aura d’égale que ses déboires matrimoniaux, fut le fermage du poste de Gros Mécatina, sur la côte du Labrador, suivi d’une faillite totale dans laquelle il engloutit non seulement sa fortune personnelle mais aussi l’argent de ses amis. Le 1er avril 1756, devant le notaire Jean-Claude Panet*, Révol acceptait les termes du bail à ferme du poste du Gros Mécatina, dont l’ancien intendant Gilles Hocquart* était propriétaire depuis l’année précédente. Révol s’engageait pour dix ans à payer annuellement aux héritiers Jolliet et Lalande [V. Louis Jolliet*] 3 p. cent du produit de la pêche et à Hocquart 5 000ª par année. Mais à ce moment, Révol connaissait de sérieuses difficultés financières. Il ne fallut que six mois pour qu’il se retrouvât dans une faillite complète. Déjà, le 10 avril 1756, il avait dû payer 13 168# à des créanciers et, le 30 octobre de la même année, il avait à faire face à des obligations financières dépassant 50 000ª. Révol réussit partiellement à sortir de cette impasse, grâce à l’aide des frères Jean et Alexandre Dumas qui proposèrent aux créanciers de leur payer la moitié des créances, plus les intérêts et les frais de justice, en deux versements, l’un en avril 1757 et l’autre en mai 1758. Les créanciers acceptèrent, et Révol n’avait plus d’autre choix que de chercher fortune ailleurs.

L’occasion se présenta mais elle ne pouvait apporter la richesse. En 1757, le gouverneur Pierre de Rigaud* de Vaudreuil nomma Révol vigie à Gaspé, poste que justifiait pleinement la menace d’une invasion anglaise par le fleuve. Mais au lieu des Anglais, il aurait peut-être mieux valu pour Révol de surveiller son épouse. En effet, lorsqu’il revint à Québec à la fin de l’automne, après la saison de navigation, Révol apprit que sa femme l’avait trompé avec Alexandre Dumas ; c’était payer chèrement sa faillite de 1756 !

Révol décida de poursuivre devant les tribunaux les amants coupables, comme le lui permettait la loi française. C’est ce qui permit à Montcalm d’écrire à Lévis* : « Nous allons avoir un procès de c... qui au parlement de Paris, plaidé par d’habiles avocats, augmenterait les causes célèbres ». Mais Révol se ravisa et l’affaire fut réglée entre les parties intéressées devant le notaire Panet, le 11 janvier 1758. Mme Révol devait se retirer dans un couvent et renoncer à tous les droits que son contrat de mariage lui accordait. Alexandre Dumas devait quitter Québec, jusqu’au départ de Révol pour Gaspé, et, par la suite, s’embarquer pour la France, au plus tard à l’automne de 1758. De plus, Dumas devait verser une rente de 400# en faveur de Mme Révol.

À l’ouverture de la saison de navigation, Pierre Révol regagna Gaspé où il mourut en février 1759. Le 10 mars suivant, eut lieu l’assemblée des parents pour l’élection d’un tuteur aux trois enfants mineurs du défunt. Le nom de Mme Révol ne fut pas mentionné dans le procès-verbal de cette assemblée.

Michel Paquin

AN, Col., B, 89, ff.71, 84 ; 90, ff.96, 121 ; Col., C11A, 91, ff.264–267 ; 93, f.49 ; Marine, C7, 273.— RAC, 1899, suppl., 153s.— Létourneau et Labrèque, Inventaire de pièces détachées de la Prévôté de Québec, RANQ, 1971, 323, 325, 346, 386.— Marion, Dictionnaire des institutions.— P.-G. Roy, Inv. coll. pièces jud. et not., I : 150, 156, 166, 168, 172, 224 ; Inv. contrats mariage ; Inv. Jug. et délib., 1717–1760, IV, V, VI, passim ; Inv. ord. int., III : 75.— Tanguay, Dictionnaire.— Gérard Malchelosse, Faux sauniers, prisonniers et fils de famille en Nouvelle-France au XVIIIe siècle, Cahiers des Dix, IX (1944) : 161ss.— P.-G. Roy, Le faux-saunier Pierre Revol, BRH, L (1944) : 193–201, 225–235.

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Michel Paquin, « RÉVOL, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/revol_pierre_3F.html.

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Auteur de l'article:    Michel Paquin
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    1 décembre 2024