RENAUD, JEAN (John), marchand, grand voyer, né vers 1734 et décédé à Québec le 16 mars 1794.
On ne connaît rien des origines et des premières années de la vie de Jean Renaud. Les plus anciennes traces de sa présence à Québec datent de 1768 alors qu’il épousa Martha Sheldon, le 1er octobre, devant le ministre de l’Église d’Angleterre David-François De Montmollin* ; c’est cette année-là qu’il acquit une propriété à la basse ville, rue Saint-Pierre, où il fit construire un quai, un hangar et une écurie ; en 1789, il vendra le tout £900. Entre-temps, en février 1775, il avait acheté une terre et des bâtiments à la rivière Saint-Charles, dans la paroisse de l’Ancienne Lorette, et s’y était installé. Puis, en 1790, les jésuites lui concédèrent 60 arpents de terre dans la seigneurie de Saint-Gabriel, près de Québec.
C’est d’abord pendant le siège de Québec par les Américains, à l’hiver de 1775–1776, que Renaud se signala alors qu’il faisait partie de la milice. Sa maison servit de lieu de rassemblement pour les miliciens de la basse ville jusqu’en mars. Promu enseigne le 2 décembre, il assurait son tour de garde, rue du Sault-au-Matelot, lorsque tôt le matin du 31 décembre suivant les Américains attaquèrent les barricades de la basse ville [V. Richard Montgomery]. En témoignage de sa bonne conduite à cette occasion, le gouverneur Haldimand le nomma, le 10 décembre 1782, grand voyer du district de Québec en remplacement de Jean-Baptiste Magnan.
La charge de grand voyer était définie par l’ordonnance de voirie de 1777. Assisté des capitaines de milice et de leurs officiers, il devait voir à ce que les habitants entretiennent les routes traversant leur terre. Dès l’hiver de 1782–1783, Renaud se mit à l’œuvre et entreprit une tournée de son district qui commençait à Grondines, sur la rive nord du fleuve, et Deschaillons, en face sur la rive sud, et descendait le fleuve. Il s’intéressa aussi à l’autre volet de ses fonctions : le tracé de nouvelles routes. En 1784, il recommanda la construction, par les paroisses qui en bénéficieraient, d’une route entre Baie-Saint-Paul et Québec. En juillet 1792, il traça le chemin royal reliant Pointe-au-Père et Trois-Pistoles.
Haldimand donna à Renaud une nouvelle preuve de son estime lorsqu’il lui confia, le 30 mai 1783, la tâche d’ouvrir le chemin du portage de Témiscouata « reliant le Saint-Laurent au lac Témiscouata », route qui devait servir à acheminer en toute sécurité le courrier royal vers le fort Howe (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick). Le terrain était difficile, marécageux et entrecoupé de nombreuses fondrières. Renaud voulut terminer le travail rapidement et il prit les grands moyens. Il obtint une rémunération pour les miliciens de corvée et fit tirer des magasins royaux plus de nourriture que prévu, entre autres un supplément de lard pour les hommes. Un groupe de 185 miliciens commença la construction le 12 juin. Il fut remplacé le 30 par un autre groupe de 183 hommes, auxquels Renaud adjoignit 125 autres le 4 juillet. La route de « douze lieues et seize arpents [environ 30 milles] », que seuls les chevaux pouvaient emprunter, fut terminée le 20 juillet. Cette rapidité d’exécution n’empêcha pas les critiques, en particulier celle d’Adam Mabane à propos des dépenses encourues.
Renaud chercha aussi les moyens d’améliorer l’état général des routes. En février 1785 et en décembre 1786, il présenta aux autorités coloniales des rapports dans lesquels il identifiait les problèmes et esquissait des solutions. Il aurait voulu que soient modifiés les véhicules, facteur important de détérioration des routes, et que soient clarifiés l’ordonnance de 1777 et les pouvoirs du grand voyer. Il s’en prenait au fait que les premiers intéressés, les habitants, s’opposaient souvent à la relocalisation de mauvaises routes. En décembre 1793, il fit remarquer au président du comité de la chambre d’Assemblée chargé d’étudier les questions de voirie que les routes du Canada se comparaient à celles d’Angleterre, « chemins à barrière » exceptés. Le grand voyer n’avait d’ailleurs pas prisé la convocation du comité qui, au lieu de mettre à contribution ses connaissances, voulait savoir pourquoi les routes n’étaient pas mieux entretenues. Cette « prétendue négligence » ne saurait caractériser le travail de Jean Renaud comme grand voyer. Depuis Jean-Eustache Lanoullier* de Boisclerc, personne ne s’était autant préoccupé de voirie. Ses rapports témoignent d’un début de réflexion sur l’ensemble de la question routière.
À sa mort, Jean Renaud laissait plus de £930, dont £500 en créances nettes et près de £280 en immeubles. Son unique héritière était sa femme puisque son fils, John Lewis, n’avait vécu que quatre mois. Martha Sheldon survécut longtemps à son époux : elle mourut en 1810.
ANQ-Q, État civil, Anglicans, Cathedral of the Holy Trinity (Québec), 1er oct. 1768 ; Greffe de P.-L. Descheneaux, 21, 23 févr. 1789 ; Greffe d’Alexandre Dumas, 28 mars, 8, 26 avril, 18 mai 1794 ; NF 10, 7 ; 8.— APC Rapport, 1913, app. E, 77–80 ; 1914, app.C, 78–83.— Journal of the principal occurences during the siege of Quebec by the American revolutionists under generals Montgomery and Arnold in 1775–76, W. T. P. Short, édit. (Londres, 1824) ; ce journal a été repris dans « Blockade of Quebec in 1775–1776 by the American revolutionists (les Bastonnais) », F. C. Würtele, édit., Literary and Hist. Soc. of Quebec, Hist. Docs., 8e sér. (1906 ; réimpr., Londres, 1970) : 55–101.— Orderly book begun by Captain Anthony Vialar of the British militia [...], F. C. Würtele, édit., Literary and Hist. Soc. of Quebec, Hist. Docs., 7e sér. (1905) : 155–265.— La Gazette de Québec, 12 déc. 1776, 19 déc. 1782, 6 mars, 19 juin 1783, 8, 29 mai 1794.— P.-G. Roy, Inv. concessions, I : 230 ; V :162 ; Inv. procès-verbaux des grands voyers, I : 196–261 ; IV : 76–79 ; V :160.— Ivanhoë Caron, La colonisation de la province de Québec (2 vol., Québec, 1923–1927), I : 310, 315.— G. P. de T. Glazebrook, A history of transportation in Canada (2 vol., Toronto, 1964), I : 107–109.— Ivanhoë Caron, Historique de la voirie dans la province de Québec ; Régime anglais : les ordonnances de 1766 et de 1777, BRH, XXXIX (1933) : 278–300.— Léon Gérin, La seigneurie de Sillery, SRC Mémoires, 2e sér., VI (1900), sect. i : 73–115.— Frère Marie Victorin [Conrad Kirouac], Le portage du Témiscouata ; notes critiques et documents pour servir à l’histoire d’une vieille route coloniale, SRC Mémoires, 3e sér., XII (1918), sect. i : 55–93.— P.-G. Roy, Le grand voyer Jean Renaud, BRH, XLV (1939) : 319.
Gratien Allaire, « RENAUD, JEAN (John) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/renaud_jean_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
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