RAZA, ALPHONSE, architecte, né le 7 octobre 1846 à Montréal, fils de Pierre-Hyppolite Raza, dit Ranjard, charpentier, et d’Elmire Méret, dit Lépine ; le 4 mai 1875, il épousa à Montréal Almira-Lucretia Montrait, et ils eurent trois filles ; décédé le 13 août 1903 dans sa ville natale et inhumé le 17 au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

L’arrière-grand-père d’Alphonse Raza, né en Espagne au début du xviiie siècle, arrive en Nouvelle-France en 1721 et y fait souche. Fils d’un charpentier de Montréal, qui devient, au fil des ans, constructeur et entrepreneur, Alphonse s’initie très tôt aux principales techniques de base de la construction. Il parfait ses connaissances à l’Académie commerciale catholique de Montréal, sous la direction d’Urgel-Eugène Archambeault. Dès l’âge de 15 ans, il commence ses études d’architecture chez Fowler et Roy. En 1864, il entre au service des deux fils de William Thomas*, William Tutin et Cyrus Pole, architectes de formation classique dont les réalisations comportent principalement des églises. En 1872, après 11 années d’expérience auprès des meilleurs architectes de l’époque, dont huit chez les Thomas, Raza se lance à son compte et ouvre un bureau à Montréal.

De 1872 à 1881, Raza concentre son activité professionnelle dans les domaines de l’architecture résidentielle, scolaire et religieuse. Sa principale réalisation est la construction, en 1874, de l’église Saint-Jean-Baptiste de Montréal – qui sera incendiée le 29 janvier 1898 – dont la façade imposante présente un style très éclectique. De plus, la complexité de la composition et de l’articulation du clocher monumental montre que l’architecte maîtrise non seulement l’aspect technique, mais aussi les différents styles. Ces caractéristiques se retrouveront dans l’ensemble de l’œuvre de Raza et surtout dans la conception de ses luxueuses résidences.

Après l’avènement de la Confédération, le gouvernement canadien a décidé de souligner davantage sa présence dans tout le pays et de renforcer son image par l’entremise de l’architecture [V. Thomas Seaton Scott*]. Les édifices publics dans les principales villes du pays doivent être renouvelés afin de répondre à de nouvelles fonctions de même qu’au besoin d’espace du gouvernement fédéral. Son expérience et sa réputation valent à Raza d’être engagé à titre d’architecte surveillant par le département des Travaux publics du Canada en 1881, fonction qu’il exercera jusqu’en 1895. En tant qu’architecte local, pour la région de Montréal, il participe, entre autres, à l’agrandissement de l’ancien bureau de la douane, à la réfection des casernes et de la poudrière situées dans l’île Sainte-Hélène, à la construction de la salle d’exercice et du dépôt d’armes, ainsi qu’à la surveillance des travaux d’agrandissement du bureau de poste de la ville de Montréal.

En outre, pendant cette période, Raza dresse les plans de nombreux bâtiments commerciaux et de plusieurs résidences particulières, plus spécialement en 1889 et 1890. Son projet le plus important est sans contredit celui du 385 de la place d’Youville, réalisé de 1888 à 1890. En construisant ce « centre commercial », dont l’austérité est régie par des considérations fonctionnelles, structurales et esthétiques, l’architecte fait preuve des connaissances techniques et stylistiques qu’il a de l’architecture américaine, en particulier de l’école de Chicago. Dans le domaine résidentiel, la maison de Raza, rue Saint-Marc, et celle du marchand de grain et de farine Robert Somerville Oliver, construites en 1889 et dont le style se rapproche du victorien éclectique, expriment la grande variété du vocabulaire architectural employé par le concepteur dans la composition de ses résidences.

En 1890, Raza accroît ses connaissances en visitant l’Angleterre, la France l’Allemagne et l’Italie. La même année, devant la hausse spectaculaire des mises en chantier par suite d’une forte immigration, de la construction du chemin de fer transcontinental et des progrès rapides de l’industrie, et devant le nombre croissant d’ingénieurs, les architectes sentent le besoin de définir non seulement les conditions d’admission à l’exercice de l’architecture, mais aussi leurs champs de pratique. À cette fin, est créée, les 10 et 11 octobre, l’Association des architectes de la province de Québec, composée d’architectes influents. Raza, qui est du nombre, accède au conseil de l’association en 1894, en est le second vice-président en 1896, le premier vice-président l’année suivante et le président en 1898–1899 ; il s’intéresse plus spécialement à l’établissement et à la révision des règlements de construction et à l’augmentation des tarifs d’honoraires. De plus, il s’occupe de la formation de jeunes architectes, entre autres, Joseph-Albert Karch, le réputé Joseph-Alcide Chaussé*, qui est son adjoint pour la construction, en 1894, de l’école Sainte-Brigide, et Alfred-Hector Lapierre, son plus fidèle disciple et l’héritier officiel du bureau et de la clientèle de son maître.

En mars 1892, après le gouvernement fédéral, la ville de Montréal et la Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal, c’est au tour du gouvernement provincial de faire appel à Raza pour diriger des travaux exécutés au palais de justice de Montréal : l’addition d’un étage, la construction d’une coupole et la rénovation complète de l’intérieur du bâtiment. En outre, Raza entreprend la dernière décennie du xixe siècle avec plusieurs projets : magasins, banques, entrepôts, écoles et luxueuses résidences se succèdent à un rythme effréné. Sa maîtrise des différents styles de l’histoire de l’architecture atteint son apogée avec la construction des maisons de l’entrepreneur Arthur-Édouard Dubuc (1894) et du manufacturier Olivier Faucher (I 895). La première marie les styles victorien éclectique et Second Empire ; la seconde, démolie en 1973, s’inspire du style néo-roman de l’architecte américain Henry Hobson Richardson. Cette combinaison de styles démontre bien la polyvalence de l’architecte et témoigne d’une recherche intensive pour faire œuvre de nouveauté et d’originalité en cette fin de siècle.

En 1901, Raza retourne en Europe en compagnie de l’une de ses filles et de l’architecte Joseph Venne* ; à Rome, il est reçu en audience privée par le pape Léon XIII. Il meurt deux ans plus tard, à l’Hôpital Général de Montréal. Outre sa carrière bien remplie et sa contribution à l’association des architectes, Raza a participé activement à la vie sociale et politique de la région de Montréal. Il fut, entre autres, juge de paix, membre de la Chambre de commerce du district de Montréal et du Club de chasse et de pêche de Saint-Jérôme. En politique, il s’est révélé fidèle soutien du Parti conservateur ; il fut l’un des fondateurs de la Société de publication conservatrice de Montréal en 1894 et le trésorier du parti, à Montréal, aux élections fédérales de 1896 et provinciales de 1897.

Alphonse Raza a légué au patrimoine montréalais quantité de bâtiments de pierre, matériau qu’il préférait et qu’il maîtrisait avec éclat comme peu d’architectes le feront par la suite. D’un style achevé, ses constructions font preuve d’une grande originalité dans l’articulation et la composition des façades, l’ornementation venant accentuer les éléments structuraux. Intègre et loyal, Raza jouissait de l’estime et de la confiance de la population montréalaise, ce qui lui valut une vaste clientèle. Grâce à son talent exceptionnel, à son esprit créateur et à ses connaissances approfondies de la construction et de l’architecture, il s’est taillé, dans la seconde moitié du xixe siècle, une place importante au sein des grands architectes du Québec.

André Chouinard

AC, Montréal, État civil, Catholiques, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges (Montréal), 17 août 1903 ; Minutiers, A.-D. Jobin, 26 sept. 1889, 27 sept. 1895.— ANQ-M, CE1-35, 4 mai 1875 ; CE1-51, 7 oct. 1846.— Le Journal (Montréal), 14 août 1903 : 8.— Montreal Daily Star, 14 août 1903 : 6.— La Patrie, 14 août 1903 : 8.— La Presse, 14 août 1903 : 1.— É.-J.[-A.] Auclair, Saint-Jean-Baptiste de Montréal ; monographie paroissiale, 1874–1924 (Québec, 1924), 16–31.— N. R. Ball, Bâtir un pays : histoire des travaux publics au Canada ([Montréal], 1988).— Pierre Beullac et Édouard Fabre Surveyer, le Centenaire du barreau de Montréal, 1849–1949 (Montréal, 1949).— Canada, Dép. des Travaux publics, Rapport annuel (Ottawa), 1881–1895.— Canadian album (Cochrane et Hopkins).— Canadian Architect, 2 (1889)–16 (1903), particulièrement 11 (1898) : 190–196.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Communauté urbaine de Montréal, Service de la planification, Architecture civile I : les édifices publiques (Montréal, 1981) ; Architecture civile II : les édifices scolaires (Montréal, 1980) ; Architecture commerciale I : les banques (Montréal, 1980) ; Architecture commerciale II : les hôtels ; les immeubles de bureaux (Montréal, 1983) ; Architecture commerciale III : les magasins ; les cinémas (Montréal, 1985) ; Architecture domestique I : les résidences (Montréal, 1987) ; Architecture industrielle (Montréal, 1982) ; Architecture militaire (Montréal, 1982) ; Architecture religieuse I : les églises (Montréal, 1981) ; Architecture religieuse II : les couvents (Montréal, 1984).— Le Diocèse de Montréal à la fin du dix-neuvième siècle [...] (Montréal, 1900).— Phyllis Lambert et Robert Lemire, Inventaire des bâtiments du Vieux-Montréal, du quartier Saint-Antoine et de la ville de Maisonneuve, construits entre 1880 et 1915 (Québec, 1977).— Québec, Parl., Doc. de la session, 1893–1898.

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André Chouinard, « RAZA, ALPHONSE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/raza_alphonse_13F.html.

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Auteur de l'article:    André Chouinard
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    28 novembre 2024