RANKIN, WILLIAM, imprimeur, éditeur et journaliste ; décédé en octobre 1837 à Demerara (Guyane).

On ignore tout de ce que William Rankin avait fait avant de se manifester à l’Île-du-Prince-Édouard au début des années 1830. Il était probablement apparenté à un citoyen important, adversaire du gouvernement de la colonie, Coun Douly Rankin*, dont le fils George passa d’ailleurs 30 ans à Demerara, où William allait mourir.

On retrouve la première mention de William Rankin dans un procès tenu à Charlottetown le 8 juillet 1835 et qui mettait en cause John Henry White, imprimeur et éditeur. D’après sa déposition, Rankin avait été imprimeur pendant quelque huit années, et avait travaillé pour White de décembre 1833 à juillet 1834, puis pour James Douglas Haszard*, journaliste lui aussi. Le 2 février 1836, il annonça dans la Royal Gazette de Haszard son intention de publier à Charlottetown un hebdomadaire aux « principes libéraux et patriotiques ». Le 26 mars, le premier numéro du Prince Edward Island Times sortait de son imprimerie. L’éditorial déclarait : « on a réclamé à grands cris depuis longtemps [un journal de ce genre], et nous avons confiance qu’il ne sera pas mal accueilli par ceux qui ont appelé sa venue ». Cependant, comme il allait bientôt le constater, la question n’était pas de savoir si ses sympathisants appuieraient son initiative, mais plutôt quel sort lui réserverait l’autre camp.

Rankin connut quelques problèmes au début parce qu’il n’avait pas reçu tous ses caractères d’imprimerie, mais l’excellente présentation de son journal prouvait tout de même qu’il avait une expérience considérable. Il afficha d’emblée sa couleur politique en appuyant fidèlement Coun Douly Rankin et le parti de l’escheat. Le Conseil de l’Île-du-Prince-Édouard et ses partisans à la chambre d’Assemblée, qui s’opposaient à l’escheat, constituaient selon lui une « structure tyrannique dépourvue de base ». Le journal, qui préconisait « réforme et liberté », prônait des mesures telles que la création d’une société littéraire, d’un institut des artisans et d’un cabinet de lecture de journaux à Charlottetown. Dans l’espoir manifeste d’associer le mouvement en faveur de l’escheat à d’autres courants politiques nouveaux de l’Amérique du Nord britannique, il reproduisait des extraits de journaux réformistes de la Nouvelle-Écosse comme du Haut et du Bas-Canada.

À compter du deuxième numéro, le Times publia une chronique de poésie gaélique. La plupart des articles qui provenaient de l’île étaient des lettres ouvertes signées d’un pseudonyme, mais une, parue le 10 mai 1836 et qui reprochait au représentant du 6e comte de Selkirk, William Douse*, d’exploiter les cultivateurs à bail, portait les initiales de Coun Douly Rankin. Le Times était extrêmement critique envers la Royal Gazette, avec laquelle il échangea des invectives éditoriales et politiques tout au long du printemps et de l’été. Les commentaires de Veritas sur le journal progouvernemental reflètent bien le ton de cet échange : « Les habitudes de la chenille et du reptile étaient encore évidentes dans ses pages, et ses principes sentaient le ver de fumier ; il dégageait une odeur nauséabonde. » Rankin se plaignit en juin de ce que le service des postes retenait les exemplaires de son journal qui étaient destinés aux abonnés de l’extérieur. Quant à « toute la tribu des représentants des propriétaires », que le Times attaquait sans gêne, elle s’impatientait manifestement des exposés et des opinions éditoriales du journal.

On ne retrouve plus de numéro du Times après celui du 9 août 1836 ; il s’agit sans aucun doute du dernier. La Royal Gazette expliqua la fin de la parution en rapportant laconiquement, le 13 septembre, qu’on avait rejeté en cour pour défaut de comparution du plaignant une plainte pour voies de fait sur la personne de William Rankin (cause opposant le roi à Douse). Apparemment, Rankin avait déjà quitté l’île, et il mourut de la fièvre jaune un an plus tard dans les Caraïbes. L’Île-du-Prince-Édouard n’était pas prête, en 1836, à soutenir ni même à tolérer un journal d’une telle agressivité politique et d’un tel franc-parler, et Rankin fut de toute évidence victime des manœuvres d’intimidation de ceux qu’il avait critiqués publiquement dans les pages du Times.

J. M. Bumsted

P.E.I. Museum, File information concerning William Rankin.— Report of the trial held at Charlotte-town, Prince Edward Island, July 8th, 1835 [...] (s.l.n.d. ; copie aux PANS), 4–5.— Prince Edward Island Times (Charlottetown), 26 mars–9 août 1836 (copie aux PAPEI).— Royal Gazette (Charlottetown), 2 févr., 19 avril, 13 sept. 1836.— W. L. Cotton, « The press in Prince Edward Island », Past and present of Prince Edward Island [...], D. A. MacKinnon et A. B. Warburton, édit. (Charlottetown, [1906]), 113–120.

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J. M. Bumsted, « RANKIN, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rankin_william_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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