RAMAGE, JOHN, miniaturiste et orfèvre, né vers 1748 à Dublin ; décédé le 24 octobre 1802 à Montréal.

John Ramage entra à l’école de la Dublin Society of Artists en 1763. En 1772, il se trouvait à Halifax, où il était poursuivi pour des dettes mineures, comme il devait l’être de nouveau en 1774. Établi à Boston en 1775, il peignit des miniatures sur ivoire, technique de portrait en vogue à l’époque. En décembre de cette année-là, six mois environ après la bataille de Bunker Hill, il faisait partie des Loyal Irish Volunteers, avec lesquels il patrouillait la nuit dans les rues. Le 17 mars 1776, il se joignit aux Britanniques qui évacuaient la région pour gagner Halifax.

Neuf jours avant de quitter Boston, Ramage avait épousé Victoria Ball. Selon le révérend Mather Byles, de Halifax, il aurait laissé Victoria à Boston et dès mars 1777 était marié à une Mme Taylor dont l’identité est demeurée mystérieuse. Walter George Strickland, dans un ouvrage publié en 1913, écrivit que Ramage avait épousé une femme dont le nom de jeune fille était Elizabeth Liddel. Peut-être s’agissait-il de Mme Taylor, mais la date du mariage de Ramage avec Elizabeth est incertaine. Toujours d’après Strickland, ce mariage avait eu lieu avant que Ramage ne quitte Dublin, et Elizabeth serait morte en 1784. Si les affirmations de Strickland sont exactes, Ramage se serait une deuxième fois rendu coupable de bigamie en épousant Mme Taylor à Halifax. Quoi qu’il en soit, Victoria, qui suivit Ramage à Halifax, obtint le divorce et retourna à Boston.

Selon Byles, Ramage quitta Halifax avant la mi juin 1777 « pour échapper à d’autres poursuites judiciaires », et se rendit à New York. En 1780, il était lieutenant en second dans la milice de la ville. L’historien de l’art William Dunlap, un de ses contemporains, le décrivit à l’époque comme « un bel homme de taille moyenne à la figure intelligente et à l’œil vif ». Soucieux de son élégance, il portait un manteau écarlate, un gilet de soie brodée, une culotte de satin noir et des chaussures à boucle d’argent, et coiffait d’un tricorne sa chevelure poudrée. En 1787 toutefois, Dunlap nota que, « de toute évidence, [il] déclin[ait] à cause de sa vie dissolue ». Le 29 janvier de cette année-là, Ramage se remaria de nouveau, avec Catharine Collins. De son mariage avec Elizabeth Liddel, deux enfants étaient nés, et trois autres allaient naître de son union avec Catharine Collins. À New York, Ramage semble avoir remporté du succès comme miniaturiste : d’après Dunlap, il peignit « tous les héros militaires ou les élégants de la garnison, et toutes les belles de l’endroit ». Les familles dirigeantes posèrent pour lui, comme le fit, en octobre 1789, le président de la nouvelle république, George Washington. À l’occasion, Ramage fit aussi des portraits grandeur nature au crayon ou au pastel.

II se pourrait bien cependant que le départ des Britanniques de New York, en 1783, eût nui aux affaires de Ramage. Six ans plus tard, il engageait des poursuites afin de recouvrer de mauvaises créances ; en 1794, il se trouvait dans une situation désespérée, et, en avril, le shérif annonçait la mise en vente de ses biens. Craignant la prison pour dettes, Ramage s’enfuit à Montréal. En cours de route, il échappa de justesse à la noyade, mais contracta une fièvre. Quand il parvint à Montréal, en mai probablement, il souffrait de « phtisie galopante ».

Le Bas-Canada traversait alors une période de tensions politiques aiguës. Étant donné la présence d’émissaires américains secrets qui étaient favorables à la Révolution française, les autorités britanniques soupçonnaient quiconque arrivait des États-Unis [V. David McLane* ; Robert Prescott]. Après avoir passé cinq semaines au lit pour se remettre de son voyage, Ramage se retrouva en prison : on l’avait dénoncé comme sympathisant des Américains. À sa femme, demeurée à New York, il se plaignit : « J’aurais dû rester où j’étais, car je pense que la prison de New York est beaucoup plus confortable qu’ici, où l’on n’a trouvé rien d’autre à faire de moi. » Dénonçant « l’Inquisition moderne » de Montréal, il avançait qu’on l’accusait parce que des propos qu’il avait tenus lors d’une halte à Albany, dans l’état de New York, avaient été rapportés avec malveillance. Il ajoutait en effet : « ici, il ne se trouve personne qui puisse sans danger parler des affaires du gouvernement ». Après un mois de prison, il fut libéré par un jury d’accusation grâce à l’appui de plusieurs Montréalais influents, qui savaient qu’il avait été loyaliste pendant la Révolution américaine, et à deux lettres de recommandation obtenues du colonel Alured Clarke* en 1783. Aussi furieux qu’il fût, Ramage n’alla pas jusqu’à demander réparation. Il écrivit à son épouse : « Le juge en chef [sir James Monk*] souhaite que je laisse tomber l’affaire, car la situation est bien précaire, et on appréhende beaucoup que les Canadiens ne s’engagent dans une insurrection ouverte. » En 1795, il se plaignait encore de « ce gouvernement despotique », ajoutant que ses sujets étaient vraiment « les plus repliés sur eux-mêmes qu’[il eût] jamais rencontrés ».

Avant son incarcération, Ramage avait projeté de se rendre à Québec, ville qui suscitait en lui « le plus grand espoir ». Il comptait y bénéficier du soutien du lieutenant-colonel George Beckwith et de celui d’une vieille connaissance de Boston, Thomas Aston Coffin, secrétaire civil et contrôleur des comptes publics du Bas-Canada. Qu’il s’y fût rendu ou non, sa situation financière l’empêcha encore apparemment d’envoyer de l’argent à sa femme. En 1795, il déclara que, même s’il avait peint plusieurs portraits depuis son arrivée (parmi les meilleurs qu’il eût jamais exécutés, ajoutait-il), on ne lui en avait payé que deux. En février 1796, il écrivit qu’il avait fait « récemment quelques portraits absolument extraordinaires comme on n’en [avait] jamais vus à Montréal auparavant ». Toutefois, comme leur séparation se prolongeait et qu’elle recevait toujours peu d’argent, son épouse Catharine commença à douter de la sincérité de Ramage. En novembre 1797, celui-ci protesta en ces termes : « Certaines choses dans vos lettres me blessent jusqu’au fond de l’âme [...] Seul le manque d’argent m’a empêché de voler vers vous, car depuis mon arrivée ici, je n’ai jamais été en bonne santé pendant trois semaines consécutives, me faisant du mauvais sang et me torturant l’esprit pour vous et pour mes pauvres chers enfants. » En janvier 1802, il légua tous ses biens à son épouse et à ses enfants. Il semble qu’ils ne soient jamais venus le rejoindre.

Vers la fin de sa vie, Ramage compta peut-être quelques protecteurs dans le cercle familial de James McGill. On lui a d’ailleurs attribué une miniature de ce marchand montréalais. En outre, l’artiste mourut en octobre 1802 chez un Desrivières qui était peut-être un fils ou un parent par alliance de l’épouse de McGill, Charlotte Trottier Desrivières, née Guillimin. Il reste que jusqu’à la fin de l’exil qui l’avait mené parmi une population qu’il méprisait, Ramage ne semble pas s’être fait d’amis : l’acte de son inhumation porte seulement les signatures du rector, d’un clerc et du sacristain de la Christ Church. Le sort de la demande de terre qu’il avait adressée en février 1802 caractérise bien son destin : on lui octroya 700 acres dans le canton de Kilkenny, mais la concession fut accordée quelques jours après sa mort. En outre, le canton fut constitué seulement 30 ans plus tard et, à cette date, la concession était tombée dans l’oubli.

Si la miniature de McGill est bien de John Ramage, elle est l’unique vestige de sa production artistique, tant à Halifax qu’à Montréal. Tout comme ses miniatures de modèles américains, souvent enchâssées dans des cadres d’or ciselé fabriqués par Ramage lui-même et d’une beauté supérieure à tous ceux dont se servaient les autres miniaturistes de l’époque, ce portrait est d’une qualité certaine. Le trait est précis et le sens de la couleur, évident. Cependant, fidèles à la mode la plus caractéristique de la fin du xviiie siècle, établie par des peintres de premier plan comme George Romney, Thomas Lawrence et Gilbert Stuart, ces œuvres mettent généralement en valeur la grâce du visage, du costume et de la coiffure. Néanmoins, leur excellence corrobore l’avis de Dunlap, pour qui Ramage était « le meilleur artiste de son genre en Amérique ».

R. H. Hubbard

La miniature de James McGill attribuée à John Ramage se trouve au musée McCord. L’original de même que plusieurs versions du portrait de George Washington existent encore et l’une des versions se trouve au Metropolitan Museum (New York). Isabel Stevenson Monro et Kate M. Monro, dans Index to reproductions of American paintings ; a guide to pictures occurring in more than eight hundred books (New York, 1948), 520s., recensent environ 40 œuvres dispersées dans des collections publiques ou privées aux États-Unis. La biographie la plus complète de Ramage est celle de John Hill Morgan, A sketch of the life of John Ramage, miniature painter (New York, 1930). Elle s’appuie sur un récit contemporain, William Dunlap, A history of the rise and progress of the arts of design in the United States, Rita Weiss, édit., introd. de J. T. Flexner (2 vol. en 3, New York, 1969), 1 : 226s., et sur des documents provenant de Halifax, de Boston, de New York et de Montréal, aussi bien que sur des lettres fournies par la famille Ramage.  [r. h. h.]

APC, RG 1, L3L : 1668, 1772, 5232–5263, 58084–58091, 79408–79415.— W. G. Strickland, A dictionary of Irish artists [...] (2 vol., Dublin et Londres, 1913), 2 : 272s.— R. M. Rosenfeld, « Miniatures and silhouettes in Montreal, 1760–1860 » (thèse de m.a., Concordia Univ., Montréal, 1981).— H. B. Wehle et Theodore Bolton, American miniatures, 1730–1850 [...] & a biographical dictionary of the artists (Garden City, N.Y., 1927 ; réimpr., New York, 1970).

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R. H. Hubbard, « RAMAGE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ramage_john_5F.html.

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Année de la publication:    1983
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