QUINLAN, ANNE, institutrice, née le 7 juin 1839 dans le comté de Tipperary (république d’Irlande), fille de William Quinlan et de Susan Medill ; décédée célibataire le 18 février 1923 à Chatham, Nouveau-Brunswick.
Fille d’un cordonnier catholique et de sa femme, Anne Quinlan était encore enfant lorsque sa famille quitta l’Irlande et s’établit à Chatham. Cette ville était alors la plus populeuse du nord du Nouveau-Brunswick et comptait beaucoup de résidents d’origine irlandaise. Anne y étudia dans les écoles publiques, qui étaient mixtes et non confessionnelles. L’une de celles qu’elle fréquenta au début des années 1850 avait comme directeur Davis P. Howe, homme aux antécédents méthodistes et à l’esprit indépendant qui venait de Tipperary. Contrairement à la plupart des instituteurs, il ne recourait ni au martinet ni à d’autres formes de châtiment corporel. Il prônait plutôt la discipline personnelle et l’émulation. Il encourageait ses élèves à respecter le milieu d’apprentissage et faisait partie des rares enseignants de Chatham à organiser des activités afin de recueillir des fonds pour leur école.
L’exemple de Howe pourrait avoir influé sur l’orientation d’Anne Quinlan. En 1856, soit à l’âge de 16 ou 17 ans, elle s’inscrivit à l’école de formation de Saint-Jean. Le programme, d’une durée de trois mois, donnait droit à un brevet d’enseignement de deuxième classe. Dès février 1857, elle enseignait à Chatham. Grâce à l’enthousiasme, à l’intelligence, aux talents artistiques et au professionnalisme dont elle faisait preuve, elle figura bientôt parmi les éducateurs les plus respectés de la ville. Sa réputation explique peut-être que, à certains moments, le nombre d’élèves de sa classe ait atteint 60. En général, les autorités n’acceptaient pas de diviser une classe ni d’adjoindre un assistant à un instituteur. Durant des années, pour rendre la charge de travail supportable, la jeune sœur d’Anne Quinlan, Susan, l’aida donc à titre bénévole.
La formation du diocèse catholique de Chatham en 1860 et l’élévation de James Rogers* à la dignité d’évêque eurent des conséquences directes sur l’éducation dans la localité. Peu après son installation, Mgr Rogers fonda une école pour garçons, la St Michael’s Academy, ce qui mit en évidence la nécessité de créer un établissement semblable pour les filles. Comme les ressources étaient limitées, Mgr Rogers ne put agir tout de suite, mais en 1862, Anne Quinlan eut la permission de tenir une école au Catholic Temperance Hall. Parfois appelée St Michael’s Female Academy, cette école était en fait catholique mais, officiellement, c’était une école publique. Lorsque eurent lieu les habituels examens provinciaux, les commissaires d’écoles de Chatham y participèrent, notamment avec l’évêque et les parents. Le compromis que représentait l’école était avantageux pour les deux parties : les commissaires n’avaient pas à fournir de locaux et, comme Anne Quinlan, à titre d’institutrice brevetée, était rémunérée par la province, le diocèse n’avait pas à la payer. Tous étaient satisfaits de son rendement. Le Gleaner de Chatham rapporta en 1862 qu’elle tenait une école « très supérieure » ; en 1865, après un examen public, il dit que l’« on ne [pouvait] trop vanter » le travail accompli par elle avec l’assistance de sa sœur. En outre, toutes deux recevaient des remerciements pour les concerts qu’elles organisaient.
L’adoption du Common Schools Act par la Chambre d’assemblée du Nouveau-Brunswick en 1871 [V. George Edwin King*] changea la donne. Cette loi stipulait que l’enseignement laïque serait gratuit et retirait aux écoles confessionnelles tout droit à des subventions de l’État. Les catholiques s’y opposèrent farouchement mais, une fois qu’elle fut proclamée, Rogers conclut qu’il fallait recourir à des ressources privées pour assurer un enseignement catholique. Il invita une congrégation montréalaise qui avait établi un hôpital à Chatham en 1869, les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph, à y ouvrir une école de filles. Elles acceptèrent après quelques hésitations et engagèrent Anne Quinlan pour les aider à organiser une école au couvent. Le 2 octobre 1871, la St Michael’s Academy ouvrit ses portes ; 30 élèves y étaient inscrites. Bien que sœur Cesarine Raymond ait été désignée pour la diriger, ce fut « Mademoiselle Quinlan » – qu’on l’ait dite institutrice, maîtresse en chef ou directrice – qui joua ce rôle durant les années 1870 et 1880. L’école était d’abord et avant tout un externat, mais des pensionnaires y furent admises dès le début, et le nombre d’élèves de chaque catégorie augmenta rapidement au point de dépasser un total de 200 à la fin des années 1880. Outre les matières habituelles, le programme d’études comprenait des représentations musicales et théâtrales. Lorsque des demandes venaient de l’extérieur, la directrice les accueillait favorablement s’il s’agissait de services qu’elle-même et ses élèves pouvaient rendre. Elles prenaient souvent part à des manifestations religieuses, et elles donnèrent le « spectacle musical et littéraire » à l’occasion de la visite du gouverneur général lord Dufferin [Blackwood*] à Chatham en juillet 1873. Selon le Gleaner de Chatham, cette représentation prouvait qu’il n’était plus nécessaire d’envoyer les jeunes dames à l’étranger pour qu’elles reçoivent une « éducation complète et raffinée ». En 1877, le méthodiste David George Smith, rédacteur en chef du Miramichi Advance, fit écho à l’opinion des citoyens en disant que Mlle Quinlan était une institutrice d’une grande intelligence et « une dame d’une culture extraordinaire ». Même les prêtres du diocèse lui demandaient parfois de les aider à rédiger des allocutions.
Anne Quinlan s’était perfectionnée tôt dans sa carrière. Durant de nombreuses années, elle fut le seul membre du personnel de la St Michael’s Academy à détenir un brevet de première classe. Lorsque l’école se dota d’une « section avancée », vers 1880, elle en devint la directrice, assistée de sœur Margaret Carter. Elle s’intéressait à l’avancement professionnel des collègues de son école ainsi que des écoles publiques de la ville et du comté. Pendant un temps, dans les années 1880, elle fit partie des cinq membres du comité de gestion du Northumberland County Teachers’ Institute, qui organisait de la formation en cours d’emploi.
En 1888, Anne Quinlan était toujours à la St Michael’s Academy, où le personnel enseignant comptait six autres membres (trois laïques et trois religieuses). Cependant, elle dut prendre sa retraite peu après, vers l’âge de 50 ans, en raison d’une « invalidité » dont on ignore la cause. Bien que son état de santé l’ait empêchée d’occuper de nouveau un poste à temps plein, elle ne demeura pas complètement inactive. Nommée en 1896 au premier Conseil des commissaires d’écoles de la municipalité de Chatham, nouvellement érigée, elle y resta jusqu’en 1900. De plus, elle continua de donner des leçons particulières, chez elle et à l’Hôtel-Dieu, où elle résida durant de nombreuses années avant sa mort en 1923. Le World de Chatham, dans sa nécrologie, déclara qu’elle était une femme d’une « singulière noblesse de caractère ». Avec un « esprit authentiquement chrétien », elle s’était résignée de bon cœur aux contraintes que sa maladie lui avait imposées durant plus de 30 ans.
AN, RG 31, C1, 1851, 1861, 1871, 1881, 1891, 1901, Chatham, N.-B.— APNB, RS8, F6777, education, warrants to teachers and inspectors, 1856–1859 ; RS141C5, F18927, nº 024755 ; RS655, petition of Susan Quinlan, 1er mars 1866.— Arch. du diocèse de Bathurst, N.-B., Groupe II/1-1–119 (fonds James Rogers) (mfm aux APNB, MC290, F7652–58).— St Michael’s Church (Miramichi, N.-B.), Church records.— Gleaner (Chatham), 24 mars 1851, 19 mai 1860, 22 févr., 29 nov. 1862, 1er oct. 1864, 8 avril, 30 sept. 1865, 19 juill. 1873.— Miramichi Advance (Chatham), 15 nov. 1877, 1er mai 1879, 10 sept. 1896.— Miramichi Press (Chatham), 9 juill. 1969.— North Shore Leader (Newcastle, N.-B.), 23 févr. 1923.— Union Advocate (Newcastle), 8 oct. 1884, 20 déc. 1899, 31 janv. 1900.— World (Chatham), 22 avril, 1er nov. 1882, 22 oct. 1887, 21 févr. 1923.— Annuaire, Nouveau-Brunswick, 1865/1866.— J. A. Fraser, By favourable winds : a history of Chatham, New Brunswick ([Chatham], 1975).— W. D. Hamilton, Dictionary of Miramichi biography ; biographical sketches of men and women born before 1900 who played a part in public life on the Miramichi : Northumberland County, New Brunswick, Canada (Saint-Jean, 1997).— K. F. C. MacNaughton, The development of the theory and practice of education in New Brunswick, 1784–1900 : a study in historical background, A. G. Bailey, édit. (Fredericton, 1947).— N.-B., Dept. of Education, Annual report (Fredericton).— 125 years on the Miramichi : the Religious Hospitallers of St. Joseph, 1869–1994 ([Chatham, 1994] ; exemplaire au St Michael’s Museum and Geneal. Centre).
W. D. Hamilton, « QUINLAN, ANNE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/quinlan_anne_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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