PROUDFOOT, WILLIAM, avocat, juge et éducateur, né le 9 novembre 1823 près d’Errol, Écosse, fils de William Proudfoot*, ministre presbytérien, et d’Isobel Aitchison ; le 4 mai 1853, il épousa à Toronto Anne Howatson Thomson (décédée en 1871), et ils eurent cinq filles et un fils, puis en 1875, à Hamilton, Ontario, Emily Ann Cook (décédée en 1878), et de ce second mariage naquit un fils ; décédé dans cette ville le 4 août 1903.
William Proudfoot quitta l’Écosse avec ses parents en 1832 pour le canton de Middlesex, dans le Haut-Canada. Comme une bonne partie des enfants de la famille, il fit ses études auprès de son père, chez lui, dans une ferme près de London. Les Proudfoot croyaient aux réformes politiques ; toute sa vie, William allait être un membre convaincu des partis réformiste et libéral. En 1835, on le mit en apprentissage chez le magasinier Richard Smith, mais en 1844, il s’inscrivit aux cours de la Law Society of Upper Canada. Son stage se déroula dans un prestigieux cabinet de Toronto, celui de William Hume Blake*. La famille Blake et l’intérêt qu’elle portait à la jurisprudence en matière d’equity allaient jouer un rôle déterminant dans sa vie professionnelle. Admis au barreau au cours de la session de la Saint-Michel de 1849, il commença à exercer à Toronto avec Charles Jones.
En 1851, Proudfoot devint maître et greffier adjoint à la Cour de la chancellerie à Hamilton. Il était le premier à remplir ces fonctions auprès de ce tribunal réformé depuis peu et que présidait William Hume Blake. En 1854, il démissionna pour s’associer à Samuel Black Freeman et William Craigie à Hamilton. Il dirigeait, dans ce cabinet, le service d’equity, que des contemporains classaient parmi les plus rentables du Haut-Canada. L’equity traitait principalement des droits de propriété immobilière ; en général, on la tenait pour une branche plus lucrative et plus prestigieuse que les autres types de pratique juridique. Après la dissolution du cabinet en 1862, Proudfoot exerça successivement avec plusieurs associés, pendant de courtes périodes, toujours à Hamilton. Désigné conseiller provincial de la reine en 1872, il refusa que le gouvernement fédéral confirme sa nomination, marquant ainsi son appui à la position défendue par l’Ontario dans l’un des premiers différends sur les droits provinciaux [V. sir Oliver Mowat].
En 1874, Samuel Henry Strong quitta le poste de vice-chancelier pour accéder à la Cour d’appel de l’Ontario. Le 30 mai, Proudfoot lui succéda. L’autre vice-chancelier était Samuel Hume Blake* ; les deux hommes allaient partager le poste durant sept ans. En 1881, par suite de la fusion des tribunaux de common law et d’equity, la Haute Cour de justice de l’Ontario absorba la Cour de la chancellerie. Néanmoins, celle-ci conserva son indépendance et continua d’être influente sur le plan de la doctrine, la province ayant décidé que les principes de l’equity prévaudraient en cas de conflit avec les règles légales et juridiques. En collaboration avec le chancelier John Godfrey Spragge* et son successeur, John Alexander Boyd*, Proudfoot rédigea quelque 400 jugements. On les trouve dans les Upper Canada Chancery Reports et les Ontario Reports. De l’avis d’observateurs compétents, par exemple son gendre Alfred Henry Marsh, auteur de History of the Court of Chancery [...], paru à Toronto en 1890, Proudfoot était fort en raisonnement juridique, mais faible dans l’analyse des faits. Les rédacteurs en chef du Canada Law Journal de Toronto ont dit de ses jugements qu’ils étaient des exposés froids et secs dont la puissance et l’originalité d’expression étaient limitées. On y remarque aussi une tendance à raisonner dans l’abstrait à partir des principes premiers et une préférence pour les affaires ecclésiastiques et immobilières. Il démissionnerait du tribunal le 8 mai 1890 en raison de sa surdité.
En 1884, Proudfoot devint professeur de droit romain, de jurisprudence et d’histoire du droit anglais à la University of Toronto. Il exerça cette fonction par intermittence jusqu’en 1900 avec ses collègues William James Ashley, Edward Blake* et David Mills. À ce titre, il contribua à la mise en place de cours théoriques qui constituaient une solution de rechange à la formation pratique offerte sous les auspices de l’école professionnelle de la Law Society à Osgoode Hall [V. William Albert Reeve*]. Toutefois, ces cours n’obtinrent pas l’accréditation. La faculté de droit connut une période d’enseignement intense à la fin des années 1880 ; elle déclina au cours des années 1890 et fut réunie au département d’économie politique au début du xxe siècle.
Un certain nombre d’articles publiés par Proudfoot pendant sa période d’enseignement portaient sur le droit romain. Voyant le même souci pédagogique et le même intérêt pour le droit romain et européen chez d’autres membres du barreau torontois, tels John James Maclaren et Augustus Henry Frazer Lefroy*, le rédacteur en chef du Canadian Law Times de Toronto, Edward Douglas Armour, réclama la reprise des cours de droit romain après que Proudfoot eut pris sa retraite. Cependant, la fascination que ces Ontariens de la fin du xixe siècle éprouvaient pour ces matières semblait s’enraciner davantage dans la passion des choses anciennes et le snobisme intellectuel que dans une volonté de favoriser l’enrichissement réciproque du droit civil et de la common law. Seules quelques arrêts de Proudfoot portent l’empreinte de la jurisprudence romaine. Or, étant donné sa juridiction, un tribunal d’equity aurait assez facilement pu s’inspirer de cette jurisprudence.
En 1884–1885, Proudfoot présida l’enquête judiciaire sur les accusations de corruption et de conspiration portées notamment contre Christopher William Bunting*. De 1890 à 1903, il fut, d’office, membre du conseil de la Law Society ; à ce titre, il présida le comité de la bibliothèque, qui avait la responsabilité de la bibliothèque des étudiants à l’école d’Osgoode Hall. Il fut aussi président de la Hamilton Association for the Advancement of Literature, Science, and Art, ainsi que du Canadian Institute et de l’Industrial School Association de Toronto. En outre, à la fin des années 1870 et dans les années 1880, il participa à la fondation et à la promotion d’un groupe sélect qui se réunissait l’été à Beaumaris, au lac Muskoka. Ce groupe rassemblait des personnes de divers pays ; parmi les Canadiens, les érudits et les ecclésiastiques étaient nombreux. Proudfoot mourut en 1903, des suites d’une chute, à sa maison d’été, sur la « montagne » de Hamilton.
Il faut surtout retenir, de William Proudfoot, la besogne qu’il a accomplie à la dernière Cour de la chancellerie de l’Ontario, de même que ses connaissances et son enseignement en droit comparé. Quant à la toquade qu’inspira le droit antique en Ontario, et dont témoignent ses textes, elle doit se comprendre comme un aspect de la professionnalisation du milieu juridique. Enseigner la jurisprudence romaine et civile à l’université fut l’une des initiatives que le barreau ontarien prit à la fin de l’époque victorienne pour soutenir l’aspect scientifique et érudit de son image.
William Proudfoot a publié trois articles sur le droit romain dans le Canadian Law Times (Toronto) : « Specific performance of contracts in the civil law », 2 (1882) : 1–14 ; « Specific performance of contracts in the Roman law », 14 (1894) : 257–275 ; et « Restraints on the alienation of property in the Roman law », 16 (1896) : 101–116. Le premier article est signé « Anonymous », mais l’auteur est mentionné dans un renvoi figurant dans l’article paru en 1894. Proudfoot rédigea aussi l’article intitulé « Some effects of Christianity on legislation », pour le Canadian Institute, Trans. (Toronto), 2 (1890–1891) : 159–175.
AO, RG 8, I-6-A, 12 : 236 ; RG 22, Ser. 305, n° 16308.— Arch. du barreau du Haut-Canada (Toronto), 1–5, barristers’ roll ; common roll ; 24-1 (Libraries and Reporting Committee, minutes).— Daily Mail and Empire, 6 août 1903.— Globe, 5 mai 1853, 5 août 1903.— Hamilton Spectator, 4 août 1903.— Toronto Daily Star, 4–5 août 1903.— G. B. Baker, « The reconstitution of Upper Canadian legal thought in the late-Victorian empire », Law and Hist. Rev. (Ithaca, N.Y.), 3 (1985) : 219–292, particulièrement 262–285.— J. D. Blackwell, « William Hume Blake and the judicature acts of 1849 : the process of legal reform at mid-century in Upper Canada », Essays in Canadian law (Flaherty et al.), 1 : 132–174.— Elizabeth Brown, « Equitable jurisdiction and the Court of Chancery in Upper Canada », Osgoode Hall Law Journal (Toronto), 21 (1983) : 275–314.— Canada Law Journal, 26 (1890) : 290.— Canadian Law Times, 19 (1899) : 309 ; 23 (1903) : 356.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— I. M. Drummond, Political economy at the University of Toronto : a history of the department, 1888–1982 (Toronto, 1983), particulièrement 17–42.— The Ontario law list and solicitors’ agency book [...], J. L. Rordans, compil. ([6e]–7e éd., Toronto, [1870]–1873).— The University of Toronto and its colleges, 1827–1906, [W. J. Alexander, édit.] (Toronto, 1906), particulièrement 161–167.— Univ. of Toronto Monthly, 4 (1903–1904) : 1–4 (notice nécrologique rédigée par A. H. Marsh).— The Upper Canada law list [...], J. L. Rordans, compil. ([1re–5e éd.], Toronto, 1856–1866).— Patricia Walbridge Ahlbrandt, Beaumaris (Erin, Ontario, 1989), particulièrement 53s.
G. Blaine Baker, « PROUDFOOT, WILLIAM (1823-1903) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/proudfoot_william_1823_1903_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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Date de consultation: | 1 décembre 2024 |