PRINCE, JOHN, avocat, fermier, soldat, homme politique et juge, né le 12 mars 1796, probablement à Hereford, Angleterre, fils aîné de Richard Prince, meunier de Lugg Bridge, près de Hereford, et de sa femme Mary ; il épousa le 17 juin 1823 Mary Ann Millington, et ils eurent sept fils et une fille ; décédé le 30 novembre 1870 à Sault-Sainte-Marie, Ontario.

John Prince fut d’abord instruit par son oncle, ministre de l’Église d’Angleterre, puis à la Collegiate Grammar School de Hereford. En 1813, il reçut une commission de lieutenant dans le 1er régiment de la milice de Hereford ; il quitta le régiment en 1815 pour commencer l’étude du droit. Il fut admis au barreau en 1821 et se lança dans une carrière qui allait rapidement lui apporter le succès : il exerça à Westerham, dans le Kent, de 1821 à 1823, et à Cheltenham, dans le Gloucestershire, de 1823 à 1833. En 1831, il devint membre du Gray’s Inn, à Londres. Il manifesta de l’intérêt pour la politique en faisant campagne, en 1832, pour le candidat whig à la chambre des Communes dans la circonscription de Cheltenham.

Avocat respecté et qui avait du succès, Prince pouvait probablement escompter les avantages que lui vaudraient son avancement dans sa profession et la satisfaction de ses ambitions politiques. Mais, à l’été de 1833, il abandonna tout à coup l’exercice du droit et, déracinant sa famille, partit pour l’intérieur de l’Amérique du Nord. Des raisons familiales expliquent ce geste inattendu de Prince. Son père, Richard Prince, paraît avoir été un propre à rien : en 1826, il fut condamné à £1 100 d’amende pour fabrication illégale de malt et, en 1832, la réputation de vaurien qu’il s’était acquise semble avoir été terriblement embarrassante pour son fils. John se réinstalla à Sandwich (aujourd’hui Windsor), dans le Haut-Canada, et, dans ce lointain avant-poste du monde britannique, il tenta apparemment de se cacher pour échapper aux humiliations que l’humanité entière, croyait-il, voulait faire retomber sur lui.

À Sandwich, Prince vécut d’abord d’économies accumulées lorsqu’il exerçait sa profession à Cheltenham (de fait, il semble que ce fût là, et pendant toute sa vie, une source importante de son revenu). En peu d’années, il acquit, juste à l’extérieur de la ville, des terrains qui furent à l’origine de sa propriété appelée Park Farm, sur laquelle il construisit en 1835 une villa de style Régence – elle tournait le dos à la route la plus proche, autre signe apparent du désir de Prince de se dérober. Dans son journal, on peut glaner de fréquentes expressions de son désir d’en finir avec la vie, bien qu’il fût trop pieux pour se donner la mort. Ce désir de fuir qui le tiraillait sans cesse colorait aussi la vision qu’il avait de son pays d’adoption. Jusqu’à la fin de sa vie, il nourrit de la haine pour « ce misérable pays où les ressources d’un homme et des efforts à se crever ne comptent pour rien ». Pourtant, il se sentit poussé à prendre part à la vie publique, besoin qu’il rationalisa le plus facilement du monde, puisque c’était un moyen pour éviter d’être absorbé par ses chagrins domestiques. Il avait confiance en lui et se crut prédestiné à être un chef ; en conséquence, ceux qui étaient menés, qui dépendaient des autres et de lui en particulier, ne méritaient que le mépris. Il n’est pas surprenant – et cela cadrait bien avec sa personnalité – que l’indépendance fût, tout au long de sa vie, sa devise politique.

Dans le Haut-Canada, les gens instruits étaient rares et en demande. En juillet 1835, peu après son arrivée, Prince fut nommé magistrat du district de Western. Ce fut peu après la mort d’un fils en bas âge, au début de 1836, que Prince se porta candidat à la chambre d’Assemblée dans Essex, une circonscription à deux représentants. Il fit campagne à titre d’indépendant et sa popularité, déjà, était telle qu’il fut bon premier au scrutin. Comme député à l’Assemblée, il se révéla capable et énergique ; il fut particulièrement actif dans les questions relatives à sa circonscription électorale. L’année 1837, alors qu’il présenta et fit adopter cinq projets de loi, fut peut-être la plus fructueuse de sa carrière parlementaire. Cette année-là, il fit accepter un projet de loi créant la Western District Bank, et, de concert avec William Hamilton Merritt, il prit encore l’initiative d’un projet de loi sur les titres fonciers, qu’il croyait propre à inciter les immigrants britanniques à demeurer au Canada plutôt qu’à partir pour les États-Unis. Il tenta aussi de régulariser les titres fonciers des « étrangers » non naturalisés qui avaient fait l’acquisition de terres dans le Haut-Canada. Un des projets de loi qu’il avait fait adopter lui était particulièrement cher, qui empêchait de tuer le gibier hors saison. En juillet 1836, il avait été nommé président de la Cour des sessions trimestrielles du district de Western et, le même automne, il accepta la présidence de la Niagara and Detroit Rivers Rail Road Company.

Lorsque éclata dans le Haut-Canada, à la fin de 1837, la rébellion menée par William Lyon Mackenzie, Prince se porta volontaire pour servir dans la milice. En 1838, la grande préoccupation, à Sandwich, était la défense de la frontière ouest du Haut-Canada contre les attaques des Patriotes en provenance de Detroit. Il prit part, près d’Amherstburg, le 9 janvier 1838, à la capture de leur schooner Anne, qui portait à son bord Edward Alexander Theller*. Le 25 février, il combattit à la bataille de l’île de Fighting et, le 3 mars, à celle de l’île de Pelee, alors que les Patriotes tentèrent de débarquer dans le Haut-Canada. Peu de jours après, avec quelques compagnons, il captura le général patriote Thomas Jefferson Sutherland*, qu’ils trouvèrent par hasard errant près d’Amherstburg. Prince fut bientôt nommé colonel du 3e régiment de la milice d’Essex.

La carrière militaire de Prince avait été courte mais digne de remarque, à telle enseigne que le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, sir George Arthur*, estima qu’elle méritait l’ « approbation de la couronne ». Prince, cependant, avait d’autres préoccupations cet été-là : un autre fils lui était né, mais cette naissance mit Mary Ann Prince à deux doigts de la mort ; puis, le 15 août, Prince fut admis au Barreau du Haut-Canada. Mais tout danger d’une invasion du Haut-Canada n’était pas écarté, et les autorités militaires britanniques craignaient d’autres tentatives des Patriotes à partir de Detroit. Le 25 novembre, on donna à Prince le commandement du poste de la milice à Sandwich, en lui demandant de mobiliser tous les régiments de miliciens en prévision d’une attaque. Le 4 décembre, plus de 150 Patriotes traversèrent à Windsor et s’emparèrent de la ville. Sous la conduite de Prince, les miliciens dispersèrent les envahisseurs et 27 d’entre eux furent tués. Pendant la bataille, Prince « prit la résolution d’abattre sur-le-champ et sans hésiter un moment tout bandit qu’on capturerait et qu’on amènerait ». Sur ses ordres, cinq hommes furent abattus à coups de fusil.

De prime abord, Arthur fut choqué quand il apprit la nouvelle de ces exécutions sommaires. À son avis, Prince avait fort mal conduit l’action en omettant de poursuivre les Patriotes après leur défaite, et c’était « pour compenser ses manquements sur le terrain que le colonel Prince avait adopté une attitude sévère une fois l’affaire terminée ». « Qu’ils aient bien mérité un tel châtiment, certes, cela est vrai, ajoutait Arthur, mais le procédé était tout à fait mal inspiré, et, vraisemblablement, il sera l’occasion de problèmes non négligeables. » Arthur était consterné, aussi, que Prince eût publié un rapport sur l’affaire avant de l’en avoir avisé, et, par-dessus tout peut-être, que, dans le Haut-Canada, on applaudît largement à cette action malgré ses conséquences possibles. Arthur craignait que le résultat en pût être aussi bien la guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Mais, devant l’ampleur de l’approbation publique à l’endroit de Prince, celui-ci fut maintenu dans son commandement à Sandwich ; en mars 1839, un tribunal militaire chargé de l’enquête, sous la conduite du colonel Richard Airey, l’exonéra. Arthur, même, admit que « si rien n’égala jamais les bévues du colonel Prince », « l’affaire de Sandwich, d’une manière toute providentielle, s’est conclue, dans l’ensemble, comme un exemple propre à décourager toute récidive ».

La ligne de conduite peu orthodoxe de Prince n’alla pas sans soulever de l’opposition dans le district de Western. « Une cabale de personnes déçues [...] s’est formée contre moi », rapporta-t-il, et son journal fait état des coups de fouet qu’il infligea à des gens qu’il estimait l’avoir insulté. Le Western Herald de Sandwich, pour sa part, donna une liste des abonnements qu’il perdit pour avoir donné son appui à Prince. Mais le sentiment prévalant, à savoir que les Patriotes n’avaient eu que le traitement qu’ils méritaient, permit à Prince de maintenir son prestige parmi ses électeurs, à la chambre d’Assemblée et dans la milice. En 1839, il renforça sa position en présentant un projet de loi (adopté en 1840) visant à octroyer £40 000 aux victimes de la rébellion. À l’approche des élections de 1841, les francs-tenanciers, tant d’Essex que de Kent, sollicitèrent sa candidature. Son choix se porta sur Essex, et il l’emporta aisément.

Bien qu’il n’eût pas voté sur le projet d’union du Haut et du Bas-Canada quand il fut soumis à l’Assemblée du Haut-Canada, il s’y rallia, non sans quelques inquiétudes. En 1839, il avait appuyé une motion d’Ogle Robert Gowan* pour que la question fût soumise aux électeurs, et, en 1841, il partagea l’avis des députés du Bas-Canada que des parties du projet de loi posaient des difficultés et exigeaient des changements. Quand il se porta candidat, en 1841, il le fit à titre de « constitutionnaliste » et de partisan du gouverneur Charles Poulett Thomson*. Ayant à l’esprit ses électeurs, « dont la majorité étaient Canadiens français », il donna son appui à Augustin Cuvillier*, en qui il voyait un réformiste modéré comme lui-même, pour le poste d’orateur (président) de l’Assemblée.

Un fils, qui allait être son dernier, lui était né juste après les élections de 1841. En juillet, on donna l’ordre d’émettre une commission qui accorderait à Prince le titre de conseiller de la reine – commission, toutefois, dont la publication fut, en fait, retardée pendant trois autres années. À l’Assemblée, il participa avec énergie aux débats, mais en évitant de s’identifier à quelque groupe ou personne que ce fût et en votant « à titre de député entièrement indépendant de l’exécutif ». En 1843, à la démission du ministère de Robert Baldwin* et de Louis-Hippolyte La Fontaine, il déclara que, tout en étant indépendant, il avait toujours appuyé le ministère et que, partisan du gouvernement responsable, il soutenait l’action des ministres. Il n’était pas pour autant – il ne le sera jamais – réconcilié avec le Canada. Dans un questionnaire auquel il répondit en janvier 1841 à la demande de Frederick Widder, il déclara qu’il donnerait aux émigrants britanniques les conseils suivants : « Subsistez chez vous, de pain, de fromage et de petite bière, plutôt que de vivre, si vous le pouvez, en Amérique du Nord. » Le climat y est « tout à fait insalubre » et, « à la campagne, la société est au-dessous de toute description ». « Il ne peut convenir qu’aux travailleurs qui par eux-mêmes et avec leurs familles sont capables de cultiver la terre [...] Ils peuvent s’en tirer à peu près aussi bien que les bons ouvriers le font en Angleterre. » A l’Assemblée, il faisait valoir que le pays devait être peuplé par des « étrangers de toutes nations », qui devraient jouir pleinement du droit d’acquérir et de céder des terres, pourvu qu’ils fussent des colons bona fide ; mais il insistait pour que les pauvres, particulièrement d’origine britannique, ne fussent pas encouragés à émigrer. C’était de fermiers à l’aise dont avait besoin le Canada.

Prince fut nommé commissaire aux banqueroutes du district de Western en 1844, et, enfin, il reçut son titre de conseiller de la reine. Il fut désigné à l’automne pour être de nouveau candidat dans Essex, se retira, puis revint sur sa décision, pour finalement remporter l’élection avec facilité. Il avait résigné son poste de commissaire aux banqueroutes avant que le vote ne commence. Son premier geste à l’Assemblée fut de proposer Augustin-Norbert Morin comme orateur, en s’opposant à Allan Napier MacNab, parce que celui-ci ne parlait pas le français. Prince, en général, appuya Baldwin, pour lors dans l’opposition, tout en maintenant son indépendance. Son premier souci fut de présenter des requêtes en faveur de ses électeurs, relatives à des affaires locales, et un projet de loi visant à la protection des oiseaux aquatiques. Au début de 1845, Prince s’arrangea pour que les fonctions de juge de la Cour de district de Western fussent données à un ami, Alexander Chewett, de Sandwich. Les relations étroites avec les Chewett augmentèrent les difficultés du ménage, car Mary Ann Prince ne fut pas longue à se convaincre qu’il y avait quelque chose de louche dans la sollicitude de son mari pour Mme Chewett pendant les périodes où le juge était aux prises avec ce qu’on décrivait comme la maladie. À l’automne de 1846, l’éventualité d’une séparation semblait s’annoncer pour les Prince, mais, pour le colonel, il importait de sauver les apparences.

Prince se réfugia même davantage dans les affaires politiques et commença à prendre fréquemment la parole à la tribune. En 1846, il fut choisi pour prononcer la réponse au discours du trône et devint membre, avec Étienne-Paschal Taché et William Hamilton Merritt, du comité sur les projets de loi relatifs aux chemins de fer. Quand on lut à la chambre la correspondance échangée entre William Henry Draper* et René-Édouard Caron* sur l’admission de députés canadiens-français au sein du ministère, Prince dénigra les gestes des chefs canadiens-français. Plus il siégeait à la chambre, dit-il, « plus il se persuadait de l’impossibilité de trouver un point de rencontre tout en adhérant aux vrais principes britanniques ». De Baldwin, il croyait alors qu’ « il n’avait pas une parcelle de principe britannique dans son for intérieur ». Il restait indépendant, mais son appui allait dès lors aux conservateurs.

Pour Prince, le développement des mines et des chemins de fer constitua également un important dérivatif. Il fut président de la Niagara and Detroit Rivers Rail Road Company en 1846, alors qu’elle tentait de remettre en vigueur la charte accordée dix ans plus tôt autorisant un chemin de fer qui traverserait la partie sud-ouest du Haut-Canada. Le projet, qui aurait concurrencé celui du Great Western Railway, fut abandonné en 1847, alors qu’une compensation, sous la forme d’actions du Great Western, fut versée aux administrateurs de la compagnie. Prince fut aussi un initiateur et un important actionnaire, de même qu’un membre fondateur, en 1847, de la Compagnie de Montréal pour l’exploitation des mines et de la British North American Mining Company. Il devint président de cette dernière en 1848. En outre, il déclara être actionnaire de la Lake Huron Silver and Copper Mining Company et avoir dépensé de son argent personnel dans l’exploration qu’elle mena à bien. En 1849, il fut un des membres fondateurs de la Huron Copper Bay Company. Il siégea en 1848 et 1849 au sein de la commission permanente sur les chemins de fer et les lignes télégraphiques ; les chemins de fer, affirma-t-il, sont la « plus importante amélioration publique en faveur de l’industrie et de l’unité » qui puisse être mise en œuvre dans la province.

Prince s’était présenté, sans opposition, dans Essex aux élections de 1847. Il continua d’appuyer les tories, et quand MacNab et Morin furent de nouveau proposés au poste d’orateur, en 1848, il opta pour MacNab, jugeant alors que, s’il était désirable que l’orateur connût le français, cela n’était point indispensable. Il affirma aussi avoir trouvé les réformistes « moins libéraux que les véritables conservateurs libéraux quand il s’agissait d’encourager et de mener à bien les réformes légitimes ». En 1849, il ridiculisa l’emploi qu’on fit du français dans le discours du trône et critiqua sévèrement le gouvernement Baldwin-La Fontaine. En dépit de son appui antérieur à l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion dans les deux sections de la province (il avait été, en 1846, commissaire à l’indemnisation des pertes dues à la rébellion pour le district de Western), il s’opposa fortement au projet de loi à cet effet, en 1849, concernant le Bas-Canada. C’était le comble de l’injustice, déclara-t-il, pour le Haut-Canada et pour le district de Western en particulier, d’avoir à supporter les coûts provenant de l’indemnisation des pertes dans le Bas-Canada. Il n’y avait pas eu de rébellion dans le district de Western ; au contraire, les gens y avaient été victimes des invasions suscitées par la rébellion du Bas-Canada. Au surplus, le Haut-Canada avait remboursé ses pertes à même ses propres ressources. Il prit part aux protestations publiques contre le projet de loi et, à la chambre, appuya fermement MacNab.

De son expérience au sein de sa propre famille, Prince avait acquis la conviction que l’indépendance sur le plan personnel et la confiance en soi étaient quelque chose de désirable. Il n’avait qu’un pas à faire, en un temps de bouleversements politiques, pour mettre fin à l’adhésion de toute une vie au lien entre la colonie et la Grande-Bretagne et pour vouloir appliquer aux affaires publiques le principe qui régissait sa vie personnelle. Il se fit alors l’avocat de l’indépendance du Canada, de manière que le seul lien de ce dernier avec la Grande-Bretagne en fût un d’amitié. En avril 1850, le gouvernement retira à Prince son titre de conseiller de la reine (qui lui fut rendu en 1852), après qu’il eut fait publiquement état de ces idées ; Prince, toutefois, ne réclamait que l’indépendance du Canada, sans approuver le mouvement en faveur de l’annexion aux États-Unis. Plus tard, cette même année, Prince décida de quitter le Canada si l’occasion lui en était donnée.

Il ne partit point. Et, bien qu’il ressentît l’ingratitude du peuple pour les efforts qu’il avait déployés en sa faveur et qu’au demeurant il le jugeât indigne de son leadership, il se porta une fois de plus candidat à l’Assemblée aux élections de 1851. Il remporta la victoire, mais son désir de quitter le monde englobait probablement, alors, la vie publique, et les harcèlements de l’humanité pesaient d’une façon plus désespérante encore sur son esprit. Sa prédilection pour la chasse ne l’avait pourtant point quitté. En 1848, il avait obtenu l’autorisation de louer, à Rondeau, sur le lac Érié, une terre où se retirer pour y chasser et pêcher, mais, en janvier 1853, Mary Ann contrecarra ses efforts pour la conserver. En octobre, il tenta en vain d’obtenir les fonctions de juge dans le nouveau comté de Lambton. Inutiles également ses démarches, en mai 1854, pour être nommé surintendant en chef du département des Affaires indiennes.

Prince ne fut pas candidat aux élections de juillet 1854. Son fils Albert se présenta à sa place dans Essex, mais fut battu par Arthur Rankin. Prince en conçut de l’amertume à l’égard de ce dernier, et, dans cet état d’esprit, il intensifia ses tentatives pour fuir loin de Sandwich. En août, il examina ses chances d’obtenir les fonctions de juge à Sault-Sainte-Marie, qu’il avait visité pour la première fois au mois de septembre précédent et qui lui avait déplu. Il échoua là encore et, au début de 1855, il se vit refuser les fonctions de juge du comté de Huron. Quand, en 1854, la guerre éclata en Crimée, il fit au gouvernement l’offre – qui ne fut pas acceptée – de lever des troupes.

Pendant quelques années, Prince avait cru que Mary Ann s’activait à sa ruine. En 1855, scandalisé du mariage de son fils Albert avec une divorcée, il lui fut facile de conclure que ses enfants eux-mêmes s’étaient tournés contre lui. Avec une conscience aiguë d’avoir été maltraité par sa famille, Prince renversa sa décision récente de quitter la politique et, en 1857, chercha à se faire élire au Conseil législatif dans la division de Western. Il y réussit et, pendant trois années, il se plongea entièrement dans l’activité politique. Il se montra énergique au conseil quand il avait à représenter ses électeurs (en 1857, par exemple, il obtint l’adoption d’un projet de loi érigeant Sandwich en municipalité), à présenter des projets de loi pour la constitution juridique de compagnies (en particulier la St Clair, Chatham, and Rondeau Ship Canal Company, en 1857, la River St Clair and Two-Creeks Ship Canal Company, en 1858, et la Windsor Improvement Company, en 1860), et à promouvoir ses causes favorites, tel, en 1857, ce projet de loi visant à empêcher la cruauté envers les animaux. Ses derniers apports, dans le domaine législatif, au début de 1860, allaient dans le même sens ; ils comprenaient, par exemple, un autre projet de loi pour la conservation du gibier de même qu’un projet pour la division du canton de Sandwich en Sandwich-Est et Sandwich-Ouest.

Ce fut le 24 février 1860 que Prince, pour la dernière fois, quitta « le sol ingrat de l’ingrat Essex ». À Québec, le 26 mai, il reçut une lettre du procureur général du Haut-Canada, John Alexander Macdonald*, qui le nommait juge du district provisoire d’Algoma. Il devint aussi président de la Cour des sessions trimestrielles et juge du tribunal des successions et tutelles quand Sault-Sainte-Marie devint le chef-lieu du district, en octobre 1860. En juillet, il avait déménagé à Sault-Sainte-Marie. Sa famille était encore à Park Farm et Mary Ann soutenait qu’il avait déserté ; en avril 1861, au demeurant, elle refusa d’aller le rejoindre. Cet été-là, il construisit Belle Vue Lodge, à l’est de Sault-Sainte-Marie.

Prince, bientôt, eut l’impression d’être assailli par des ennuis de toutes sortes. Au début de 1863, il mit Belle Vue Lodge en vente et, à l’automne, il tenta de résigner ses fonctions de juge. En 1865, il se mit à rédiger une courte autobiographie, publiée en 1867 par John Fennings Taylor*. C’est un document écrit d’une manière attrayante, dans lequel il donne au monde une vue toute sélective de sa personne. Avare de détails sur ses origines et sa carrière en Angleterre, il n’explique pas son immigration au Canada, si ce n’est par le goût de l’aventure, se tait sur sa famille, parle à peine de sa carrière politique et judiciaire et pas du tout de ses intérêts dans les chemins de fer et les entreprises minières ; il est abondant, toutefois, quand il aborde sa carrière militaire et sa vie sportive.

Au physique, John Prince était incroyablement résistant. Dans sa soixante-dixième année, il subit un accident de cheval qui l’obligea à faire lui-même, au moyen d’un canif, l’amputation de son pouce gauche. En 1866, alors qu’on était menacé d’une invasion fénienne, le vieux soldat s’offrait à assumer le commandement militaire à Sault-Sainte-Marie et jurait d’exécuter sommairement les prisonniers féniens, de même qu’il avait fait pour les Patriotes de Windsor. Il professait encore sa foi dans la nécessité de l’indépendance pour le Canada ; un Canada indépendant n’eût pas été une cible pour les Féniens, sans compter qu’il ne serait plus pour les Américains un objet de mépris.

Vers la fin de 1866, Prince s’était adouci envers Rankin, pour lequel il avait entretenu une haine tenace depuis les élections de 1854, au point qu’il approuva sa performance parlementaire au profit d’Essex. À l’automne, il accueillit Rankin, dont il fut l’hôte à Belle Vue Lodge. Le 12 août 1867, Prince apprit la mort, pour cause d’alcoolisme, de son fils Septimus. Le mois n’était pas terminé qu’il cherchait à retourner dans la partie sud du Haut-Canada et posait sa candidature au poste de juge à Toronto. Une autre alerte fénienne, au printemps de 1868, reporta de nouveau l’esprit de Prince à l’année 1838. La suprême ironie de cette longue vie, cependant, fut qu’à cette époque son amour pour l’indépendance s’était transformé en républicanisme ; il en était à se demander si cela avait été sagesse de sa part d’avoir défendu le Canada et la monarchie.

La vie tragique de John Prince prit fin le 30 novembre 1870. Comme il l’avait désiré, il fut enseveli dans un tombeau solitaire, sur une île de la rivière St Mary, en face de Belle Vue Lodge.

R. Alan Douglas

APC, RG 68, 1, General index, 1651–1841 ; 1841 1867.— Hiram Walker Historical Museum (Windsor, Ont.), John Prince diaries.— Arthur papers (Sanderson).— Canada, prov. du, Legislative Assembly, Journals, 1841–1854 ; Legislative Council, Journals, 1856–1860.— Coll. Elgin-Grey (Doughty).— Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Gibbs et al.), I-VII.— H.- C., House of Assembly, Journal, 1836–1840.— Notman et Taylor, Portraits of British Americans, II : 159–180.— Cornell, Alignment of political groups.— Dent, Last forty years.— R. A. Douglas, The battle of Windsor, OH, LXI (1969) : 137–152.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

R. Alan Douglas, « PRINCE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/prince_john_9F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:

Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/prince_john_9F.html
Auteur de l'article:    R. Alan Douglas
Titre de l'article:    PRINCE, JOHN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    1 décembre 2024