PRICE, WILLIAM, marchand de bois et manufacturier de madriers, né à Hornsey, non loin de Londres, le 17 septembre 1789, troisième fils de Richard Price et de Mary Evans, décédé à Québec le 14 mars 1867.
Originaires du pays de Galles, les parents de William Price émigrèrent dans le Middlesex à la fin du xviiie siècle. Vraisemblablement, la famille appartenait à la couche supérieure de la moyenne bourgeoisie, et même si sa situation matérielle devint très précaire après la mort de Richard Price vers 1804, la mère de William, avec huit enfants à sa charge, put compter sur des amis haut placés dans les affaires et le gouvernement. William, qui après quelques années d’études au Hammersmith College à Londres était entré comme clerc chez un cousin, avocat de l’Inner Temple, dut renoncer à cette carrière. À l’âge de 14 ans, il entra à l’emploi de Christopher Idle, un important négociant londonien. Six ans plus tard, le 10 mai 1810, il débarquait à Québec, comme commis de la succursale d’Idle, moyennant £135 de gages par année. Une grande partie de la correspondance entre Price et ses parents et amis durant ces premières années a été conservée. Ces lettres témoignent d’une bonne culture, en dépit des études interrompues, et surtout de sentiments familiaux qui demeurent très vivaces malgré l’éloignement. Le frère aîné de William, David, qui commerce avec le Portugal et l’Amérique latine, assume le rôle du père et suit attentivement la carrière de son cadet, lui prodiguant des conseils et excitant son ambition : « Si tu ne retires que ton salaire de ce séjour à Québec, lui écrit-il, considère que ce déplacement aura été inutile. » Et, dans une autre lettre : « J’ai confiance que le Ciel nous fortifiera, nous permettra de réussir et d’avoir un jour une position indépendante. » Cette solidarité ne s’effrite pas avec le temps : en 1817, William prête ses économies à son frère Samuel, au bord de la faillite, et en 1843, lorsqu’il sera lui-même en difficulté, David passera au Canada afin de lui apporter son appui moral et financier.
Les renseignements sur les affaires d’Idle en Amérique du Nord sont imprécis. Il s’agit peut-être de la même maison qui obtint, au début des guerres de la Révolution, le monopole des commandes de bois canadien destiné à l’Amirauté. Price consacre la majeure partie de son temps à remplir ces commandes, parcourant les forêts du Vermont, de l’Outaouais et du Haut-Canada pour choisir les pièces de mâture. Les madriers fabriqués dans les scieries du Bas-Canada complètent les cargaisons de bois équarri. La maison importe aussi des vins et autres marchandises mais le magasin de Québec ne semble pas occuper dans ce secteur une place très importante.
Les premiers biographes de Price font état de ses services au cours de la guerre de 1812. Major de milice, il aurait levé un corps de cavalerie, organisé une batterie d’artillerie à Québec et servi de courrier au gouverneur George Prevost*. Quoi qu’il en soit, il est déjà à Halifax en mars 1813, où il négocie pour son patron l’achat de cinq navires destinés à la marine britannique.
En 1815, Price assume la gérance du bureau de Québec, succédant à William Oviatt qui rentre en Angleterre. Dans les années de récession qui suivent, il s’intéresse au ravitaillement des provinces Maritimes et entreprend à son compte quelques affaires sur le marché antillais, mais sans grand succès. Mal gérée en Angleterre, la maison Idle périclite, et Price cherche des bailleurs de fonds et une forme d’association qui lui permettrait de mettre à profit l’expérience acquise pendant ces dix premières années au Canada. Il opte finalement pour la proposition de Parker et Yeoman, courtiers en bois à Londres. L’accord conclu le 1er mai 1820 crée trois établissements distincts, un à Londres, la compagnie William Price à Québec et celle de Peter McCutcheon*, dit Peter McGill, et de Kenneth Dowie à Montréal. À la suite d’un nouvel arrangement en 1823, Parker et Yeoman cèdent la place à la société formée entre James Dowie et Nathaniel Gould, à Londres, qui dès lors finance toute l’entreprise, affrète les navires et écoule les produits coloniaux. Après le départ de Kenneth Dowie pour Liverpool, Peter McGill continue seul son commerce de blé dans le Haut-Canada. À Québec, la compagnie William Price se spécialise dans les exportations de bois. Les quatre associés se partagent également les actions et les bénéfices dans chacun des trois établissements, même si la mise de fonds est inégale. Price, qui apporte pour tout capital une scierie de peu de valeur non loin de Québec, a été choisi à cause de sa réputation de marchand averti et de ses connaissances techniques. Comme il est appelé à faire la majeure partie du travail au port de chargement, il perçoit une commission de 5 p. cent sur ses opérations, qui s’ajoute à sa part de profits.
Jusqu’en 1843, Price agit toujours au nom de la société. Il tire des traites sur Gould et Dowie pour les avances aux entrepreneurs locaux, la préparation des cargaisons, l’achat et le fonctionnement des scieries. Les banques canadiennes acceptent uniquement des traites à court terme, que les associés londoniens doivent honorer au fur et à mesure, même s’il faut compter environ 18 mois entre les premiers déboursés et le paiement des livraisons de bois en Angleterre. À la moindre contraction du marché, les comptes des associés canadiens risquent d’être à découvert.
Au moment où Price conclut ces arrangements, le climat commercial est encore instable. Aux Communes britanniques, les libéraux attaquent violemment les préférences exorbitantes qui ont été accordées aux bois canadiens durant la guerre et que plus rien ne justifie. Mais, en 1821, un comité d’enquête ne recommande qu’un rajustement mineur et, fort de ces avantages tarifaires sur le marché britannique, le commerce des bois coloniaux entre bientôt dans une nouvelle période d’expansion. Les affaires de la compagnie suivent le rythme de la croissance générale. Après un départ modeste, le volume de ses exportations monte en flèche. Elle expédie environ 50 cargaisons de bois par année vers 1827, puis la moyenne s’élève rapidement à 75 et, à partir de 1833, près d’une centaine de navires partent chaque année pour l’Angleterre depuis Québec et les ports du bas Saint-Laurent. Ceci représente un chiffre d’affaires de £70 000 et plus.
Price fut à la fois exportateur de bois équarri et manufacturier de madriers ou deals. Progressivement, ses entreprises manufacturières prirent le pas sur les opérations strictement commerciales, mais celles-ci, première source d’accumulation de capital, sont à la base de sa réussite remarquable. Comme les autres marchands de bois installés à Québec à cette époque, il achète de divers entrepreneurs les « cages » de pin et de chêne qui descendent chaque printemps de l’Outaouais, du Haut-Canada et des seigneuries en amont de Québec. Souvent il consent des avances à ses clients pour les aider à « faire chantier » et à acheminer le bois à Québec, se réservant toute leur production au prix établi au début de l’hiver. Les douves, les cercles ainsi que des madriers achetés des scieries environnantes complètent les chargements. La compagnie possède des bureaux et un magasin rue Saint-Pierre à Québec et deux rades sur la rive sud, avec leurs quais, estacades, ateliers et une scierie à l’anse Hadlow. Dans la rade de New Liverpool, à Lévis, principal port de chargement, il y a une soixantaine d’employés en saison.
Une grande partie des exportations de Price, peut-être la plus importante, est destinée aux chantiers de l’Amirauté. Six ou sept soumissionnaires, représentant de grandes maisons qui ont investi dans le commerce canadien, se disputent ces commandes de mâts et de bois d’œuvre, dont les plus considérables s’élèvent jusqu’à £150 000 et £200 000. Entre 1830 et 1850, la maison Brockelbank & Holt l’emporte généralement et confie l’exécution à Price. Ces contrats, étalés sur plusieurs années, sont un élément important de stabilité, car ils atténuent l’effet des crises commerciales qui compromettent tant d’autres entreprises coloniales.
La plupart des bâtiments qui transportent le bois en Angleterre sont simplement loués par Gould et Dowie, mais la société possède aussi quelques barques et bricks, deux trois-mâts avec plusieurs goélettes pour le cabotage. Entre 1820 et 1850, on relève une quarantaine d’embarcations, construites à Québec, à Montréal et dans les chantiers du bas Saint-Laurent, enregistrées au nom de Price et de ses associés. Il semble qu’après 1850, Price renonce à armer des navires pour le voyage outre-mer, mais il conserve une flottille de goélettes pour desservir ses établissements ainsi que des bateaux à vapeur pour touer les voiliers dans le Saguenay et, plus tard, pour relier cette région à Québec.
C’est avant tout comme entrepreneur que Price mérite une place à part dans l’histoire économique du Québec. Les profits réalisés dans le commerce sont peu à peu réinvestis dans les scieries et l’exploitation forestière. Jusqu’en 1830, la compagnie achète presque tous ses madriers dans divers petits établissements du Bas-Canada. Puis Price encourage les propriétaires à accroître leur production, les soutient financièrement, après quoi il reprend une à une les scieries hypothéquées. Ainsi sont portées aux livres avant 1838 les scieries de Batiscan, Saint-Vallier, Bic, Rimouski, Métis (Métis-sur-Mer), La Malbaie, celles de l’Anse-à-l’Eau et Moulin-Baude près de Tadoussac, celles de Bytown (Ottawa) et de Crosby dans le Haut-Canada. Il s’agit souvent de copropriétés et, ordinairement, Price est propriétaire en fait, longtemps avant de l’être en titre.
Il est déjà un entrepreneur important en aval de Québec lorsqu’il s’implante dans la région du Saguenay, immense domaine inexploité que la couronne afferme à la Hudson’s Bay Company. Par l’entremise d’un de ses hommes, Alexis Tremblay*, dit Picoté, Price encourage et soutient financièrement un groupe d’habitants de La Malbaie, qui partent s’installer en squatters le long du Saguenay. Entre 1838 et 1842, cette société, dite des « Vingt-et-Un », construit neuf scieries à l’embouchure des principaux affluents du Saguenay. Price y fait charger des madriers pour l’Angleterre dès 1840 et rachète tous les établissements en bloc deux ans plus tard. Les colons ne tardent pas à affluer et, comme Price l’avait prévu, le gouvernement doit céder devant un mouvement de colonisation. En 1843 les terres sont mises à l’enchère.
Avec une rapidité étonnante, Price accapare tous les emplacements de scierie dans la vallée, le fjord et sur la côte, de part et d’autre de Tadoussac. Les navires viennent charger le bois jusqu’à Grande-Baie, le centre manufacturier le plus important avant 1850. Dès 1842, Price s’associe aux entreprises de Peter McLeod*, situées à l’embouchure des rivières Chicoutimi, du Moulin à Baude et Shipshaw. Montagnais par sa mère, McLeod pouvait revendiquer ses droits naturels et installer des scieries dans le haut Saguenay, territoire que la Hudson’s Bay Company tentait de conserver. De la même manière, c’est en concluant des accords avec d’autres entrepreneurs comme William Charles Pentland, Félix Têtu et Frédéric Boucher, Édouard Slevin et James Gibb*, que Price en arrive à étendre son monopole de Tadoussac à Bersimis. Il contrôle aussi la côte depuis La Malbaie jusqu’à Rivière-Noire. En même temps, il consolide ses positions sur la rive sud du Saint-Laurent en s’associant à Pierre-Thomas Casgrain et Nazaire Têtu à Trois-Pistoles, à John Caldwell* à L’Isle-Verte et arrive ainsi à s’installer dans une dizaine de villages échelonnés entre Montmagny et Cap-Chat. Ses associés ne sont généralement pas en mesure d’exporter les madriers en Angleterre. Tant qu’il n’y a pas d’autres débouchés importants, Price, grâce à ses liaisons métropolitaines, monopolise sans peine tout le marché et peut se permettre d’attendre le moment favorable pour racheter les autres parts. Vers 1860, c’est chose faite.
Pour alimenter les manufactures, Price acquiert des réserves de bois considérables. Sur la rive sud, il achète le canton d’Armagh et une partie des seigneuries de Rimouski et de Métis, soit au total quelque 240 milles carrés, qui ne représentent toutefois qu’une infime fraction de la superficie exploitée. Selon la politique établie à partir de 1826, c’est à titre de fermier du domaine public que les entrepreneurs exploitent les forêts de la province, moyennant paiement annuel de droits de coupe. Habile et discret, Price sait circonvenir les agents de la couronne, évincer les concurrents, prévoir longtemps d’avance les besoins de son entreprise et mettre ainsi la main sur environ 7 700 milles carrés de forêt, sans compter d’autres « limites » dans l’Outaouais, dont il est difficile de déterminer l’étendue. Ces immenses réserves sont concentrées de chaque côté du Saguenay et au nord-est du lac Saint-Jean.
Le point tournant dans les affaires de Price se situe en 1843, au lendemain de la pénétration dans le Saguenay. Jusque-là, ses associés ont appuyé toutes ses initiatives, mais brusquement les relations se tendent. La préférence accordée aux bois canadiens est réduite et finalement abolie, au moment où le marché anglais se contracte dangereusement. La situation est aggravée par la quasi-faillite de McGill. Gould et Dowie ordonnent la liquidation de la société, limitent le fonds de roulement jusqu’à la dissolution finale et exigent des remises intégrales à la fin de chaque année fiscale. Ils reprochent à Price sa commission de 5 p. cent, le blâment d’avoir immobilisé environ £130 000 dans les scieries et lui ordonnent de s’en défaire au plus tôt. Mais au creux du marasme, il n’y a évidemment pas d’acheteurs. L’incendie de Grande-Baie en 1846 achève de gâter la situation. Tant que la compagnie William Price a été portée par la conjoncture favorable, l’homme est resté caché derrière une correspondance d’affaires laconique et des bilans sans problème. Mais dans la débâcle, le voilà qui s’explique et il est alors possible de percevoir de quoi est faite cette réussite. « Si vous échouez, reculez, ou laissez voir que la chance vous abandonne, des ennemis puissants ne tardent pas à se dresser contre vous », griffonne-t-il sur un bloc-notes. Têtu, il refuse tous les conseils. Il ne fermera pas ses scieries, il n’ira pas attendre sagement en Angleterre la fin de la crise. Plutôt, il fait appel à son frère David, qui lui avance £6 000 et vient au Canada pour l’aider à tirer ses comptes au clair. Pendant quatre ans, il s’acharne à arracher aux banques et à ses anciens associés ce qu’il faut pour conserver son crédit dans le pays et cet empire forestier qu’il est en train de construire pour ses fils.
Il en a déjà trois qui travaillent avec lui. Plutôt que d’abandonner la partie, il se dit prêt, dans une lettre à McGill, à vendre Wolfesfield, à envoyer sa famille à la campagne et à s’installer avec ses garçons dans les bureaux de la compagnie. Wolfesfield, qu’il gardera malgré tout, est une magnifique propriété sur les plaines d’Abraham, acquise par Price au moment de son mariage, en 1825, avec Jane Stewart, une des filles de Charles Grey Stewart, inspecteur des douaires à Québec. (Ils eurent 14 enfants.) Très tôt le père initie les aînés à ses affaires, à commencer par l’aspect technique de l’industrie. Tout jeunes, ils travaillent dans les établissements du Saguenay et du bas du fleuve. Price les envoie en apprentissage en Angleterre, les fait voyager sur le continent et en Scandinavie pour compléter leur formation.
Pendant que l’ancienne société continue de fonctionner en liquidation et frôle la faillite, Price se sert de son crédit auprès du gouvernement et de la population pour acquérir en son nom propre ou celui de ses fils de nouvelles propriétés et des « limites » forestières. Les affaires se rétablissent et, en 1849, la valeur de la production annuelle de madriers dans l’ensemble des établissements en aval de Québec atteint £90 000, dont presque la moitié provient des scieries personnelles de Price. Rapidement, il rachète les parts de ses associés et, en 1853, les bois de l’ancienne société ne représentent plus que 10 p. cent des exportations. La fondation en 1855 de la Compagnie William Price and Sons est la consécration d’une ambition qui l’avait soutenu tout au long de sa carrière.
Il n’en eut point d’autre. À plusieurs reprises il fut invité à siéger au Conseil législatif mais il refusa. La politique, à moins qu’elle ne serve directement ses intérêts – et pour cela les moyens officieux sont souvent les plus efficaces – ne l’intéressait pas. Jeune homme, il faisait des gorges chaudes des débats qui déchiraient l’Assemblée du Bas-Canada et seule une crise aussi grave que celle qui débuta en 1834 eut raison de son indifférence. Il fit partie du sous-comité de l’Association constitutionnelle créée à Québec cette même année, mais cette incursion dans la vie publique fut sans lendemain. Ses contemporains répétaient que pendant les 57 ans qu’il vécut au pays, il ne prit à peu près jamais la peine de voter. Le sort de ses affaires était davantage lié à la politique impériale. Avec ses associés, Price suivit attentivement les campagnes « subversives » de la « secte de Manchester » qui menaçaient leurs privilèges, vit avec consternation s’écrouler le système préférentiel, mais il ne fut pas de ceux qui perdirent la tête au point de prôner l’annexion. Ses entreprises survécurent d’ailleurs à la concurrence et, conséquence de leur situation géographique, demeurèrent longtemps tournées vers le marché britannique.
À la fin de sa vie, Price représentait le tory de la vieille école, pour qui la devise était encore « Ships, colonies and commerce ». Il avait été l’un des membres fondateurs du Bureau de commerce de Québec, membre du Baron Club et de la Société littéraire et historique de Québec (Québec Literary and Historical Society), mais son travail ne lui permettait guère de se mêler à la coterie des officiers et marchands britanniques en exil à Québec. Il se moquait volontiers de ceux qui menaient leurs affaires du fond de leurs bureaux. Price était l’homme des chantiers et des cours à bois. « Je dois, écrit-il à Dowie, trouver des éclaireurs intelligents et juger leurs rapports, construire des chemins, canaliser les rivières, endiguer les lacs, engager des gérants, des entrepreneurs et leur fournir des hommes, acheter leurs maisons, leurs bestiaux, le foin, l’avoine ; me procurer des goélettes, [...] acheter des provisions [...] Je dois négocier avec les commissaires des Terres de la couronne, ménager les personnalités locales. »
Tant que ses forces le lui permettent, il passe le plus clair de son temps dans ses établissements, refait deux et trois fois par hiver le voyage au Saguenay par des chemins non carossables, dormant dans des abris de fortune. En 1861, la région compte déjà quelque 12 000 habitants. C’est un monde fermé qui, à l’exception des nouvelles enclaves agricoles au sud du lac Saint-Jean, est tout entier au service de Price. Le temps se partage entre le travail dans les scieries et les rades en été et la coupe en forêt durant l’hiver. Un sweating system perfectionné achève de couper cette population de l’extérieur et la livre pieds et poings liés au bon vouloir de son maître. Il faut s’enfoncer toujours plus loin pour trouver des pins et des épinettes de belle taille. Les colons sèment sur les abattis et les brûlés de la baie des Hahas (Ha ! Ha !), et Chicoutimi devient le nouveau centre des activités. Price règne sur le pays ; charitable quand ses hommes sont dociles, il est impitoyable envers ceux qui contestent sa domination. « Partout on proclame la noblesse et la générosité du Maître », lui écrit Mgr Charles-François Baillargeon, au retour d’une tournée des paroisses et des missions. Les notables renchérissent. Selon Denis-Benjamin Papineau*, dans le Canadien : « Ce monsieur est sans contestation le père nourricier de cette jeune colonie ; ses magasins pleins de provisions et de vêtements de toutes espèces sont ouverts à tout le monde. C’est à juste titre que son humanité, son équité et celle de ses agents lui valent la confiance et le travail dont le payent avec zèle et reconnaissance ces pauvres gens. » Il y a bien quelques voix discordantes dans ce concert de louanges [V. Jean-Baptiste Honorat]. Le bruit court que Price a sombrement machiné pour s’emparer des propriétés de McLeod et, en 1849, quelques habitants audacieux vont jusqu’à signer une pétition au gouverneur, dénonçant le monopole sur la terre, les scieries, les moulins et les cours d’eau bloqués par les estacades. Dans le mémoire qu’il adresse à lord Elgin [Bruce] pour réfuter ces accusations, Price cite des témoignages de gratitude comme par exemple : « Grand-père Price, je suis venu ici avec ma femme, mes huit enfants et mon pain juste. À présent je suis bien, merci à vous. »
Vers la fin de sa vie, Price se prend d’un engouement pour l’agronomie. Il y a une étape obligatoire à une de ses fermes modèles dans toute visite officielle du Saguenay. Pour le reste, il peut se reposer sur des gérants bien choisis et bien formés et sur ses fils qui lui font honneur. Après avoir été longtemps député du nouveau comté de Saguenay, David Edward a été élu conseiller législatif en 1864. Plus modeste, William Evan* vit davantage au Saguenay et réussit à s’y faire aimer. Edward s’occupe des intérêts de la compagnie en Angleterre. Henry, le seul à se marier, est parti faire du commerce au Chili tandis que le jeune Evan John* prolonge ses études.
Le gouvernement a fait cadeau aux Price d’une « glissoire » d’un mille de long, qui, par-dessus la Petite Décharge, amène les billes du lac Saint-Jean dans leurs scieries. Grâce à cette percée, ils chargent encore chaque année 500 000 madriers pour l’Angleterre, tandis qu’une production plus diversifiée- planches, traverses de chemin de fer, poteaux de clôture, lattes et bardeaux – est acheminée en goélette vers les marchés canadiens et américains.
Le vieillard sait-il que les forêts s’épuisent et que ses fils ne savent pas innover ? Quand il meurt à Wolfesfield en 1867, la vieille industrie ne progresse plus mais elle n’a pas commencé de dépérir. Le Saguenay lui élève un monument sur les hauteurs de Chicoutimi. Le pays se transforme rapidement et échappe aux Price. Une à une les scies cessent de tourner, mais la famille conserve ses forêts et ses terrains. Trente ans plus tard, un petit-fils, second William Price*, viendra créer dans le Saguenay l’industrie du papier, relançant la fortune des Price et l’économie de la région.
Les Archives de la Compagnie Price Limitée (Québec) contiennent des livres de comptabilité, de la correspondance, des mémoires, des contrats, des notes personnelles de William Price et des copies de documents divers, cartes, etc., le tout classé par ordre chronologique. Il existe une transcription incomplète de ces documents aux ASQ, faite naguère par Mgr Arthur Maheux*. [l. d.]
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Louise Dechêne, « PRICE, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/price_william_9F.html.
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Auteur de l'article: | Louise Dechêne |
Titre de l'article: | PRICE, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |