POWLIS (POWLES), GEORGE, reconnu coupable de meurtre, né en 1812 à Mohawk Village (Brantford, Ontario), fils de Paul Powlis (Paulus Paulus) et de Margaret Brant ; il épousa Susannah Davis, et ils eurent six enfants ; décédé en 1852 ou après, dans le Haut-Canada.

La présence des Indiens dans le Haut-Canada causait parfois des difficultés particulières dans l’application de la loi. Jusqu’en 1825, le pouvoir judiciaire estimait qu’ils jouissaient – en raison des droits que leur conféraient les traités et de leurs terres non cédées – d’une immunité juridique qui les mettait à l’abri des poursuites lorsque l’un d’eux commettait un crime contre un autre Indien. Même quand la loi pouvait être appliquée, un problème culturel important se posait et le cas d’Angelique Pilotte* en 1817 démontre les difficultés intrinsèques que comportait le fait de juger les coutumes d’une société d’après des lois édictées par une autre communauté. Le fondement juridique de l’immunité des Indiens était renforcé par la menace militaire que représentaient ces derniers comme collectivité, ainsi que par la possibilité de représailles contre les shérifs, les constables et les juges de paix appelés à intervenir contre eux. Après la guerre de 1812, les colons de race blanche déplorèrent de plus en plus le comportement des Indiens.

En 1817, un jury d’accusation du district de Gore condamna l’établissement des Six-Nations de la rivière Grand, le qualifiant de « scène d’émeutes et de troubles fréquents [...] qui échapp[aient] à la loi ». Le jury s’inquiétait vivement de l’effet d’une telle situation sur le peuplement et l’essor de la colonie. Un an plus tard, Peter Lossing* et d’autres adressèrent une pétition au Conseil législatif au sujet des « fréquentes déprédations » des Indiens des Six-Nations contre leurs congénères et leurs voisins blancs, et des « exemples répétés de meurtres affreux [... commis] entre eux ». Les pétitionnaires demandèrent « bruyamment » une « certaine forme d’intervention législative supplémentaire [...] afin d’établir l’autorité civile », blâmant le « laxisme des anciennes méthodes [des Indiens] visant à réglementer et à punir les coupables », « les effets pernicieux de l’ivresse » et les relations de longue date avec « les Blancs ». En 1822, le juge William Campbell* mit en doute l’immunité juridique des Indiens dans la cause de Shawanakiskie* qui avait tué une Indienne à Amherstburg. Trois ans plus tard, il fut finalement établi que le code pénal pouvait s’appliquer aux Indiens dans toute sa rigueur.

George Powlis grandit sur les terres des Six-Nations. Il appartenait à une famille distinguée : du côté paternel, il était le petit-fils du sachem agnier Sahonwagy*, et, du côté maternel, le petit-fils de Joseph Brant [Thayendanegea*]. Membre de l’Église d’Angleterre, Powlis mesurait cinq pieds neuf pouces trois quarts, il avait les cheveux noirs et les yeux noisette. Le 22 février 1839, George, son frère Joseph, ainsi que leur père, furent arrêtés pour le meurtre d’une Agnière, Susannah Doxater, et incarcérés à la prison de district à Hamilton. À cette époque, les poursuites judiciaires contre les Indiens ne causaient plus d’émoi.

Les Powlis passèrent en jugement le 6 juin devant le juge Levius Peters Sherwood* et deux juges assesseurs de district, John Willson et Richard Beasley*. Le représentant du ministère public dans cette cause était le notable le plus en vue de Hamilton, sir Allan Napier MacNab*. La défense des Powlis était assurée par deux avocats de la ville, Miles O’Reilly et George Sylvester Tiffany. Les causes de meurtre dans le Haut-Canada étaient généralement jugées en s’appuyant sur des preuves indirectes, et il n’en fut pas autrement lors de ce procès. Certains faits étaient évidents. La victime avait été vue au coucher du soleil le soir du 16 février, marchant en direction de Mohawk Village pour se rendre chez elle. Deux jours plus tard, on trouva son corps nu sur le flanc de Vinegar Hill, endroit reconnu comme un « lieu fréquenté par des gens dissolus ». Le médecin qui examina la victime fut d’avis qu’elle avait pu être étranglée. Il fut établi que le meurtre n’avait pas été commis là où on avait découvert le corps, mais à l’un ou l’autre de deux endroits situés à proximité et jonchés d’écales de châtaignes et de restes de nourriture. Les empreintes de quatre hommes et d’une femme menaient d’une place à l’autre, et à l’une d’elles on trouva une bague. Enfin, les traces d’un traîneau conduisaient à ces deux endroits. Des témoins affirmèrent que Susannah Doxater, une vieille femme qui « se saoulait occasionnellement », était sobre à ce moment-là, et un autre témoin croyait qu’elle avait été « violée ».

Les preuves que l’on avança pour relier les Powlis au meurtre étaient peu probantes. Ils avaient été vus à Brantford le jour du crime et avaient quitté cet endroit pour se rendre à Mohawk Village « à peu près au coucher du soleil ». George s’était arrêté à Vinegar Hill, tandis que Paul et Joseph avaient pris le chemin du village. On découvrit les traces d’un traîneau allant de la cabane de bois rond de Joseph au lieu du crime. Le traîneau de Joseph laissait des marques bien particulières et il n’avait pas l’habitude de le prêter. George avait acheté des châtaignes et il en avait encore quelques-unes en se rendant chez lui. On trouva des écales là où le meurtre avait été commis, ainsi qu’entre cet endroit et la cabane de Joseph. En outre, il fut établi que la bague était celle que George avait achetée le jour même à Brantford. Enfin, on n’avait pas vu George depuis qu’il s’était arrêté à Vinegar Hill. Cette nuit-là, quelqu’un s’était rendu plusieurs fois à la cabane de Joseph. Personne n’avait vu le visiteur, mais un témoin qui avait dormi à la cabane croyait qu’il parlait la langue des Agniers. Ces visites avaient troublé Joseph et Paul (ce dernier vivait alors avec son fils) qui, chaque fois, avaient quitté la cabane pendant de longs moments.

Dans son allocution au jury, Sherwood conclut que la plupart des preuves étaient indirectes et que la « difficulté réelle » était d’établir si les Powlis avaient tué Susannah Doxater ou s’ils étaient coupables de complicité. Le témoignage relatif à la bague de George constitua « une forte preuve par présomption contre [son] propriétaire », car aucune explication ne fut donnée à ce propos. Dans ses instructions aux membres du jury, Sherwood leur fit remarquer que la preuve, dans son ensemble, ne démontrait pas de façon concluante la culpabilité de l’un ou l’autre des accusés et qu’ils devraient acquitter ces derniers s’il subsistait le moindre doute. Après un peu plus d’une heure de délibération, le jury libéra Paul et Joseph. Quant à George, il fut trouvé coupable et condamné, deux jours plus tard, à être pendu le 18 juin.

George Powlis adressa immédiatement une requête pour obtenir la clémence royale, protestant de son innocence et soutenant que la preuve était si manifestement insuffisante que la décision du jury ne pouvait se justifier. Sa requête fut appuyée par 14 chefs et autres Indiens des Six-Nations. Le 11 juin, Sherwood soumit son rapport du procès à l’examen du lieutenant-gouverneur, sir George Arthur. Le juge reconnut qu’il entretenait des doutes sur la culpabilité de Powlis, mais ne voulut pas donner à entendre que le jury avait fait erreur. Le Conseil exécutif, l’organisme provincial qui révisait habituellement les sentences de peine de mort, se réunit le 13 juin. Convoqué devant ce conseil, Sherwood répéta sa prise de position : la preuve était suffisante pour conclure à la culpabilité de Powlis, mais elle était « tout à fait indirecte ». En outre, il manquait plusieurs éléments susceptibles de rendre la cause « assez claire pour qu’elle réponde aux conditions justifiant une condamnation à la peine capitale ». Le conseil se rangea à l’avis de Sherwood. Toutefois, le solliciteur général William Henry Draper* allégua qu’un meurtre commis par un Indien « devait être suivi d’une peine propre à créer une forte impression sur l’imagination de ceux de sa propre race ». Il recommanda que la sentence soit commuée en une peine de transportation d’une durée de 14 ans, mais le conseil, avec l’assentiment du lieutenant-gouverneur, imposa une peine de 7 ans de travaux forcés à être purgée au pénitentier de Kingston. William Allan conclut qu’un « très long emprisonnement [...] serait plus salutaire et, même, plus sévère aux yeux des Indiens ».

On entretint longtemps des doutes sur le bien-fondé de la condamnation de Powlis. Andrew Drew*, qui connaissait Powlis depuis sept ans, tenta en février 1840 d’obtenir son pardon. Avec le concours de Miles O’Reilly et de William Johnson Kerr*, gendre de Joseph Brant, Drew avait étudié le cas et était convaincu que Powlis n’avait pas « joué le rôle principal lors du meurtre ». D’après O’Reilly, la culpabilité était « possible », mais « la preuve n’en établissait même pas la probabilité ». Encore une fois, sir George Arthur soumit l’affaire au Conseil exécutif et, le 2 mars 1840, Robert Baldwin Sullivan déclara qu’aucun nouveau fait pouvant justifier une autre commutation de peine n’avait été découvert.

La cause fut de nouveau entendue pour la dernière fois, à la suite de la demande faite en mai 1841 par la femme et la mère de Powlis, demande appuyée par des chefs et des guerriers des Six-Nations. Insistant sur le « bon caractère » de Powlis, sur sa condamnation basée sur des « preuves fragiles » et sur ses relations avec Brant, les deux femmes exhortèrent le gouverneur en chef, lord Sydenham [Thomson*], de lui faire grâce. L’affaire fut renvoyée à Sherwood qui écrivit le 6 juillet que, bien qu’il ait encore entretenu des doutes quant à la culpabilité de Powlis, il n’avait pas la certitude que le verdict était mauvais. Sherwood en vint à la conclusion que le jury était plus apte à rendre une bonne décision, puisqu’il connaissait mieux que lui les témoins et les lieux où s’était déroulé le drame. Prié de commenter la réponse du juge, Samuel Peters Jarvis, surintendant en chef des Affaires indiennes, insista pour qu’on considère la requête d’un œil favorable. Le secrétaire civil, Thomas William Clinton Murdoch, ne partageait pas cet avis parce que c’était « à ces gens-là [les Indiens] plus qu’aux autres qu’il fa[llait] faire comprendre que de tels crimes ne [pouvaient] être commis impunément ou expiés par une peine légère ». Toutefois, cette affaire tourmentait Sherwood. Il avait lu de nouveau ses notes et discuté du cas avec le juge en chef John Beverley Robinson*. Celui-ci manifestait beaucoup plus de fermeté de caractère et d’assurance que Sherwood, et son influence transparaît indéniablement dans cet extrait d’une lettre de Sherwood datée du 13 juillet : « Je crois maintenant qu’il existe, quant à sa culpabilité, un doute suffisant pour justifier sa libération. » Le jour suivant, Powlis fut gracié et remis en liberté.

La décision était indéniablement celle qui s’imposait. Bien que George Powlis n’ait jamais parlé de ses allées et venues la nuit du meurtre, ni expliqué comment sa bague s’était trouvée sur les lieux du crime, la preuve ne pouvait justifier le verdict du jury. Dès le début, Sherwood avait des motifs légaux de recommander le pardon : c’était ses manquements en tant que juge qui avaient jeté Powlis en prison. Par ailleurs, le condamné n’était pas le modèle de vertu décrit par sa famille, ses amis et Drew. Kerr avait fait allusion à ses « mauvaises fréquentations » et aux effets bénéfiques que pourrait avoir son emprisonnement. Une Agnière, Sarah Ruggles, se plaignit en juin 1841 que Powlis était un « scélérat » qui, avec d’autres, l’avait dépossédée de ses terres. Par la suite, les seules mentions de George Powlis apparaissent au recensement des Indiens des Six-Nations, dressé en 1849, et au recensement provincial de 1852.

Robert Lochiel Fraser

AO, RG 22, sér. 134, 6 : 119.— APC, RG 1, E3, 65 : 105–141 ; L3, 402 : P9/57 ; RG 5, A1 : 14336–14339 ; RG 10, A1, 6 : 2702–2711, 2724–2725 ; A5, 153 : 88360 ; B8, 999A, Six Nations census for presents, 1849 ; RG 31, A1, 1851.— HPL, Gore District jail reg., 1839.— Wis., State Hist. Soc. (Madison), Draper mss, sér. F (papiers Joseph Brant), 13 : 31.— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. des journaux, 1842, app. H, schedule B, no 348 ; 1844–1845, app. EEE.— H.-C., House of Assembly, App. to the journal, 1839–1840, 1, part. : 236 ; 1840 : 66, no 348.— British Colonist (Toronto), 19 juin 1839.— G. J. Smith, « Capt. Joseph Brant’s status as a chief, and some of his descendants », OH, 12 (1914) : 89–101.

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Robert Lochiel Fraser, « POWLIS (POWLES), GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/powlis_george_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    1 décembre 2024