PIERS, TEMPLE FOSTER, officier et homme d’affaires, né le 9 décembre 1783 à Halifax, deuxième fils de Temple Stanyan Piers et de Mercy Foster ; le 15 février 1807, il épousa à St John’s Elizabeth Thomas, fille de William Bevil Thomas, marchand en vue ; décédé le 19 avril 1860 à Halifax.
Le grand-père paternel de Temple Foster Piers fit partie des premiers groupes de colons amenés à Halifax par Edward Cornwallis* en 1749, et son père, décédé lorsque Piers avait deux ans, exploita un commerce assez florissant dans cette ville. Placé comme apprenti chez John Lawson, qui était un parent par alliance et qui exerçait lui aussi la profession de marchand à Halifax, Piers travailla plus tard pour Charles Hill*, ancien associé de son père. Le 15 mai 1806, grâce à Hill et à Richard John Uniacke*, il obtint une commission d’enseigne dans les Nova Scotia Fencibles. Il rejoignit son régiment à St John’s, fut par la suite nommé officier payeur et, le 2 août 1809, promu lieutenant. En avril de l’année suivante, cependant, il démissionna pour se lancer en affaires à Halifax avec son jeune frère Lewis Edward. Ils s’établirent comme marchands généraux et importateurs de marchandises britanniques dans des locaux situés entre les rues Bedford et Water, visant surtout la clientèle des pêcheurs. En mai 1810, par exemple, ils annonçaient des cordages, de la toile à voile, des clous réguliers et à large tête, tous importés d’Angleterre.
Tout en restant marchands, les frères Piers décidèrent en 1826 de profiter de l’expansion du trafic maritime et de la pêche pour ouvrir une corderie sur la propriété des Stanyan, qui était formée de six lots de cinq acres situés dans la banlieue nord de Halifax et que Temple Foster Piers avait reçue de son père en héritage. Contrairement aux cordiers de la Nouvelle-Angleterre, les deux frères ne recrutèrent pas de main-d’œuvre et ne cherchèrent pas de capitaux dans la région. Ils firent plutôt venir d’Écosse des fileurs qualifiés et leurs familles, et s’entendirent avec la William Kidston and Sons, compagnie écossaise, pour lui acheter tout son chanvre en échange d’un crédit à long terme. De plus, ils importèrent de Grande-Bretagne £8 000 de marchandises et de machines « de qualité supérieure, construites d’après les normes les plus élevées ».
Grâce aux documents qui subsistent, il est possible de donner quelques détails sur l’entreprise des frères Piers. Ceux-ci fabriquaient différents cordages, des ralingues, du fil apprêté et des lignes à 18 fils pour la pêche à la morue. Ils employaient généralement un contremaître et une vingtaine de fileurs, ouvriers qualifiés ou apprentis, qui travaillaient de cinq heures trente du matin à six heures du soir en été et de six heures du matin à six heures du soir en hiver et qui avaient droit à environ deux heures pour leurs repas. Les employés étaient tenus à une production horaire constante, en échange de quoi on leur garantissait une grande sécurité d’emploi pour l’époque. Au début, les machines étaient mues par des chevaux mais, en 1837, les frères Piers avaient décidé de recourir à l’énergie hydraulique, « car les chevaux coût[aient] trop cher et exer[çaient] une traction irrégulière ». Au printemps de cette année-là, ils obtinrent de la succession d’Anthony Henry Holland* un bail de cinq ans pour la papeterie sise à l’extrémité sud du lac Paper Mill, lui-même situé au nord du bassin Bedford, et ils y transportèrent un certain nombre de machines.
Les frères Piers eurent d’abord peu de concurrents dans la région, mais le succès de la Stanyan Rope Works (comme on en vint à appeler leur entreprise) ne dépendait guère d’eux. Au début, le chanvre utilisé pour la fabrication des cordages fut importé en franchise mais, par suite de l’adoption de nouvelles lois impériales en 1829, des droits de 7,5 p. cent furent imposés. Malgré ces frais supplémentaires, le prix moyen que les frères Piers demandaient pour un quintal de cordages, soit 65 shillings, était encore inférieur de cinq shillings à celui des cordages fabriqués en Grande-Bretagne ; par ailleurs, il ne pouvait concurrencer le prix des cordages russes, qui était de 55 shillings. Les frères Piers s’adressèrent donc à la chambre d’Assemblée de la province pour qu’elle demande au gouvernement britannique d’annuler les droits sur le chanvre. On ne se rendit pas à leur requête, mais ils obtinrent une subvention de £300 pour les droits qu’ils avaient payés sur le chanvre importé en 1829. La concurrence des importations étrangères ayant continué de leur nuire au début des années 1830, ils demandèrent une protection douanière à l’Assemblée en 1836, alléguant que les importations franches de droits ou assorties de droits minimes réduisaient aussi bien les revenus de la province que la production. Mais ils n’eurent pas non plus gain de cause.
En raison des difficultés que connut le secteur commercial au début des années 1840 et de l’incapacité constante qu’éprouvait la firme à concurrencer les produits importés, en partie parce que les frères Piers refusaient de baisser leurs prix, ces derniers se trouvèrent dans une situation financière désespérée et durent vendre en 1844 leurs édifices du bord de la mer à William Machin Stairs*. La même année, ils empruntèrent £5 195 à la William Kidston and Sons, leur principal créancier, contre une hypothèque sur la Stanyan Rope Works. Affligés de problèmes persistants pendant la décennie suivante, les frères Piers transférèrent en 1855 leurs biens hypothéqués aux Kidston qui, pressés de s’en départir, en confièrent la régie à Stairs. L’année suivante, celui-ci ferma la fabrique de cordages et fit démonter les machines.
En dépit de cet échec, les frères Piers demeurèrent en affaires, conservant à l’anse Mill, sur le bassin Bedford, un moulin à farine qui avait appartenu auparavant à William Bevil Thomas Piers, fils de Temple Foster Piers, et qu’ils exploitaient depuis 1842. Pendant la construction du Halifax and Windsor Railway en 1854, les entrepreneurs acceptèrent de laisser une ouverture dans le remblai que l’on projetait de construire sur l’anse, afin de permettre aux navires de se rendre au moulin. Cependant, ils ne tinrent pas leur engagement, et les céréales durent être convoyées au-dessus des rails jusqu’au moulin. Cette opération nécessita une abondante main-d’œuvre supplémentaire et fit grimper les coûts d’exploitation de l’entreprise. En juillet 1857, les frères Piers estimèrent avoir subi des pertes de £2 350 ; il leur avait fallu suspendre les activités du moulin pendant 15 mois et construire, au coût de £250, un nouveau quai et un entrepôt. Le 1er août 1857, le jury d’accusation du comté de Halifax leur accorda finalement un dédommagement de £1 150.
Temple Foster Piers continua de diriger le moulin jusqu’à ce qu’il meure d’une crise cardiaque, en avril 1860. Dans son testament, il légua son cottage de Halifax à sa femme et à sa fille survivante et répartit le moulin en parts égales qu’il donna à trois de ses fils, dont deux l’avaient aidé dans cette entreprise. De confession sandémanienne, Piers participa peu, semble-t-il, aux activités de la communauté, si ce n’est qu’il fut membre du corps de pompiers volontaires. Même s’il ne connut ni le succès ni la richesse, Temple Foster Piers est représentatif de la nouvelle classe de manufacturiers qui apparut sur la scène provinciale au début du xixe siècle.
PANS, MG 1, 753, no 1, part. v-vi ; MG 100, 215, doc. 17–17m ; RG 1, 290, doc. 49 ; 292, doc. 147 ; 293, doc. 20 ; RG 28, 18, no 11.— « The Stanyan Ropeworks of Halifax, Nova Scotia : glimpses of a pre-industrial manufactory », D.[A.] Sutherland, édit., Labour ([Halifax]), 6 (1980) : 149–158.— British Colonist (Halifax), 26 avril 1860.— Novascotian, 4 janv. 1827, 23 oct. 1843.— Weekly Chronicle (Halifax), 10 avril 1807, 25 mai, 15 juin 1810.— A. A. Lomas, « The industrial development of Nova Scotia, 1830–1854 » (thèse m.a., Dalhousie Univ., Halifax, 1950), 310–315, 359–366.
Phillis R. Blakeley, « PIERS, TEMPLE FOSTER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/piers_temple_foster_8F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
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