PIENOVI, ANGELO (parfois désigné sous le nom de Pianovi, ou appelé M. Angelo, ou prénommé Angello et, ce qu’il semble préférer du moins vers 1833, Angel), peintre et décorateur, né vers 1773 à Gênes (Italie) ; décédé le 17 novembre 1845 à Montréal.

Angelo Pienovi aurait acquis sa formation artistique dans une « Académie de Rome », mais sa carrière en Europe reste inconnue. On signale sa présence pour la première fois en Amérique du Nord en 1811 à New York lorsqu’il peint pour un théâtre un rideau d’entracte qui représente des vues de cette ville.

La venue de Pienovi à Montréal en 1828 coïncide avec l’achèvement de la nouvelle église Notre-Dame. En septembre de l’année précédente, l’architecte James O’Donnell*, qui a déjà exercé sa profession à New York, contacte un agent de la fabrique dans cette ville afin de trouver un artiste peintre pour effectuer des travaux de décoration et de finition à l’intérieur de l’église. Comme Pienovi s’est déclaré disponible, l’agent fait préparer, à la fin d’avril 1828, un contrat par lequel Pienovi s’engage à « peindre et parer et ornementer à fresque ou à l’huile ou aux deux [...] de telle manière et d’après tels dessins, cartons, descriptions et directions que pourrait lui fournir et lui donner » la fabrique. Pour sa part, celle-ci est tenue de lui procurer certaines couleurs très simples, principalement « l’ocre jaune, l’indigo, l’ombre de Sienne et le vert lime ». De plus, comme un ami de la fabrique, qui connaissait aussi l’artiste, avait envoyé à Montréal une mise en garde concernant le caractère de Pienovi, lequel, malgré son « grand talent et excellent goût », serait « plutôt relâché », le contrat insiste sur les sanctions que subira le peintre en cas de manquement à l’ouvrage, notamment une amende journalière égale au double du montant de ses honoraires.

Dès le début, ces craintes se révèlent fondées, car Pienovi, qu’on traitera de « coquin », s’attarde quatre jours à New York et gaspille, à des fins que l’on devine, les deux tiers de son allocation de voyage. Cependant, il semble qu’il n’ait pas encouru la censure de ses employeurs. Tout laisse croire qu’il exécute selon les termes de son contrat de grands travaux de décoration à l’intérieur du nouveau bâtiment, dont la consécration est prévue pour la troisième semaine d’octobre 1828, et que les résultats plaisent assez pour lui valoir au moins un autre engagement de même nature.

En 1832, Pienovi sort à nouveau de l’ombre. Il complète vers la fin d’octobre la « décoration de la voûte du portail » de l’église Notre-Dame, travail mineur dont il ne subsiste d’ailleurs aucune trace. En même temps, il installe des échafaudages pour la décoration à fresque de la nouvelle église des Sœurs de la charité de l’Hôpital Général de Montréal, œuvre qui l’occupe pendant 11 mois.

En septembre et octobre 1833, au moment où prend fin ce travail, Pienovi fait paraître une annonce dans la Minerve ; il se réclame de son expérience dans la décoration d’église et sollicite des « ouvrages, dans son genre, [...] tels que : Églises, Architectures, Salons, Paysages, Ornemens, à fresque, à l’huile ou à détrempe ». Agé alors d’environ 60 ans, il habite au « marché à foin », non loin de l’église Notre-Dame. Malgré ce qui paraît être un nouveau départ, on ne retrouve la trace de Pienovi qu’en 1841, lorsqu’il exécute la décoration du « transpérant du Grand Chassis » de l’église Notre-Dame, qu’on doit considérer comme un travail de moindre importance. Puis, après un autre silence pendant lequel il aurait « erré » dans l’ouest du pays, Pienovi s’éteint à Montréal en 1845 à l’âge déclaré de 72 ans.

Le cas de Pienovi est unique, car il s’agit d’un décorateur italien qui amène en Amérique du Nord une habileté tout européenne (si l’on en juge d’après les témoignages) pour finalement œuvrer dans le cadre d’une architecture néo-gothique, source d’innovations au Canada français, en suivant les indications d’un architecte irlandais protestant qui a travaillé 12 ans aux États-Unis.

À l’époque, les réactions aux travaux de décoration de Pienovi à l’église Notre-Dame sont généralement défavorables. Devant l’inachevé et la pauvreté du décor, un critique parle de « barbouillage de couleurs [...] sans poésie et sans goût », tandis qu’un autre accuse l’artiste d’avoir causé la mort d’O’Donnell, qui aurait eu « le cœur crevé sous le coup du mauvais goût qui gâcha sa création ».

Malheureusement, on ne peut plus voir les traces du pinceau de Pienovi, disparues en 1876 sous les décorations d’un Français du nom de Cleff. Toutefois, à sa décharge, il faut rappeler que le rôle qu’il a joué dans la décoration des voûtes était déterminé par des carences budgétaires qui l’ont forcé à recourir à des expédients et par l’obligation qu’il avait de se conformer aux indications précises des dessins de l’architecte. Ainsi, pour remplacer les nervures initialement prévues par O’Donnell, Pienovi doit peindre en noir les voûtes « creuses » et en gris les éléments qui sont plutôt en saillie. Vraisemblablement, ces tons devaient aussi compenser l’excès de lumière qui venait de la grande fenêtre qu’on avait dû vitrer sans couleurs, faute encore des sommes requises pour la création d’un vitrail.

En outre, en ce qui concerne la décoration des colonnes, il faut dire que, là également, Pienovi dut pallier un défaut d’apparence, celui de la largeur excessive de cette nef que Napoléon Bourassa* appellera « un disgracieux amphithéâtre d’hippodrome ». L’application de la couleur a pour effet d’accroître l’autonomie des éléments verticaux et par ce fait de renforcer l’impression de hauteur. Il est plausible que Pienovi ait doté ces surfaces colorées de motifs décoratifs, conformément au style d’inspiration gothique, ainsi que le suggèrent les termes « bigarrure » et « mouchetées » utilisés par des critiques. Au demeurant, il semble impensable qu’O’Donnell ait fait venir Pienovi depuis New York dans le seul but de l’affecter au plâtrage monochrome de surfaces étendues.

Il reviendra à Victor Bourgeau* de réaliser l’aménagement définitif de l’intérieur de Notre-Dame. Or, il est intéressant de noter que, vers 1830, il fait la connaissance d’un peintre italien que d’aucuns supposent être Angelo Pienovi. Cet artiste lui fait connaître le traité de Vignole, à la suite de quoi Bourgeau s’essayera à la sculpture. C’est ainsi qu’on pourrait attribuer à Pienovi une influence inattendue qui mènera à l’accomplissement de ce qu’il n’a pu qu’ébaucher à titre de solution de rechange économique, sous la direction d’O’Donnell.

David Karel

ANQ-M, CE1-51, 17 nov. 1845.— AP, Notre-Dame de Montréal, boîte 23, chemise 34, brouillon d’une lettre de la fabrique à James O’Donnell, 16 mai 1828 ; Cahiers des délibérations de la fabrique, 28 sept. 1828 ; Fichier, 20 ou 28 sept. 1827, 20 juin 1828 ; Lettre de John Power à F.-A. Larocque, 14 mai 1828 ; Lettre de Lewis Willcocks à F.-A. Larocque, 30 avril 1828 ; Livres de comptes, 26 oct. 1832 : 194 ; 4 nov. 1841 : 359.— Arch. des Sœurs Grises (Montréal), Livres de comptes, sept. 1832 : 102 ; sept. 1833 : 114.— MAC-CD, Fonds Morisset, 1, Montréal, île de Montréal, église Notre-Dame ; 2, dossier Angelo Pienovi.— E. T. Coke, A subaltern’s furlough [...] (Londres, 1833), 335.— La Minerve, 9 sept.–3 oct. 1833, 24 nov. 1845.— G. C. Groce et D. H. Wallace, The New-York Historical Society’s dictionary of artists in America, 1564–1860 (New Haven, Conn., et Londres, 1957 ; réimpr., 1964).— Harper, Early painters and engravers.— Maurault, la Paroisse : hist. de N.-D. de Montréal (1957), 63.— Morisset, la Peinture traditionnelle, 134.— F. [K. B. S.] Toker, The Church of Notre-Dame in Montreal ; an architectural history (Montréal et London, Ontario, 1970), 23, 36, 61, 66, 92.

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David Karel, « PIENOVI (Pianovi), ANGELO (Angello, Angel, M. Angelo) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pienovi_angelo_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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