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PICARD, JOSEPH-HENRI (baptisé Joseph), charpentier, marchand général, homme politique, homme d’affaires et fonctionnaire, né le 17 février 1857 à Saint-Jean-de-Matha, Bas-Canada, fils de Joseph Picard et d’Angèle Roi, fermiers ; le 25 novembre 1903, il épousa à Edmonton Martine Voyer, et ils eurent deux fils ; décédé le 23 mai 1934 au même endroit.
Au début des années 1870, son cours primaire terminé, Joseph-Henri Picard quitta sa paroisse natale et partit travailler pour un oncle paternel, Jacques, à Wotton, au Québec, où il découvrit son talent naturel pour la menuiserie. Il s’engagea alors comme apprenti charpentier et, dès 1880, annonçait ses services à titre d’entrepreneur. En 1884, attiré par l’essor de la construction dans les Territoires du Nord-Ouest, il se rendit à Qu’Appelle (Saskatchewan), puis à Regina deux mois plus tard. Il trouva du travail dans divers projets de construction entre Regina et Calgary, le long du chemin de fer canadien du Pacifique, qui avait été achevé en août 1883. Au début de juillet 1887, il se lia d’amitié avec le père Albert Lacombe*, missionnaire influent, qui lui parla des possibilités qu’offrait la région d’Edmonton. Picard prit la direction du nord et arriva dans la colonie le 14 juillet. Il obtint rapidement du travail à la Hudson’s Bay Company et fut envoyé à Athabasca Landing (Athabasca), où il construisit des bateaux pour acheminer des marchandises au lac Athabasca et au nord dans la région de la rivière de la Paix.
Picard retourna à Edmonton, où il devint l’un des membres fondateurs du Bureau de commerce en 1889. Cette année-là, il s’associa avec un compatriote québécois, Stanislas Larue, pour mettre sur pied la firme de commerce général Larue and Picard. Situé avenue Jasper, leur magasin ouvrit ses portes à la fin du mois d’août. L’entreprise devint l’une des plus prospères du centre du district d’Alberta, ainsi qu’un poste de ravitaillement important pour les colons de l’arrière-pays agricole d’Edmonton et les prospecteurs en route pour le nord pendant la ruée vers l’or du Klondike en 1897–1898. Encouragés par l’expansion de leur commerce, les deux associés établirent des comptoirs dans la région de la rivière de la Paix et à d’autres endroits. En 1896, ils les consolidèrent en une seule succursale à Grouard, au Petit lac des Esclaves. Picard se rendait périodiquement dans le nord pour veiller à ses affaires et, en juin 1899, il fut témoin de la signature du traité no 8 [V. Émile Grouard]. Lui et Larue commencèrent à diversifier leurs intérêts en achetant plusieurs propriétés commerciales et résidentielles dans la région d’Edmonton. L’immobilier devint petit à petit leur investissement principal et, en 1907, ils vendirent toutes les actions de leur firme de commerce général. Picard investit ensuite dans l’industrie et les transports : il fut membre du conseil d’administration de la Western Timber and Mines Company, de la Jasper Coal Mine Company, de l’Edmonton Brewing and Malting Company, de l’Edmonton Portland Cement Company et de l’Arrow Lake Fruit Lands Company, ainsi que vice-président de la Franco-Canadian Mortgage Company et de l’Edmonton Interurban Railway Company.
En plus de ses nombreuses activités commerciales, Picard participa à la vie politique locale. Edmonton avait été érigé en municipalité en 1892 – Matthew McCauley* en fut le premier maire – et devint une ville en 1904. Entre 1894 et 1907, Picard remplit plusieurs mandats à titre de conseiller municipal. En 1899, il fut défait par un autre candidat, mais fut réélu en 1903. Quatre ans plus tard, il brigua les suffrages à la mairie ; il perdit contre John Alexander McDougall. Il serait élu conseiller municipal encore une fois, en 1914, pour un mandat de deux ans. Libéral convaincu, Picard s’associa à Prosper-Edmond Lessard, Wilfrid Gariépy* et d’autres francophones en vue pour créer le Club Laurier, nommé en l’honneur du premier ministre sir Wilfrid Laurier* ; Picard en fut le premier président, élu en mars 1910. Animé d’un vif intérêt pour l’éducation des enfants catholiques [V. Mary Greene], il fut commissaire des écoles séparées, d’abord en 1898 avec le St Joachim School District No. 7, créé dix ans plus tôt. Ce dernier fusionna avec deux autres districts en un seul système scolaire catholique pour la région d’Edmonton en 1912 ; Picard siégerait au conseil jusqu’en 1924. Il joua également un rôle déterminant dans la collecte de fonds lancée pour soutenir l’Edmonton Jesuit College, fondé en 1913.
Au plus fort de ses succès professionnels et politiques, Picard avait opéré un changement radical dans sa vie personnelle. En novembre 1903, à l’âge de 46 ans, il avait épousé une couturière au service de la Hudson’s Bay Company, Martine Voyer, arrivée de la province de Québec avec sa famille en 1892. Les nouveaux mariés élurent domicile dans la rue Main (104e rue), où ils élevèrent leurs deux fils, Robert et Laurier. Leur résidence était une sorte de lieu de rencontre pour la communauté francophone ; parents et amis s’y rassemblaient pour des soirées animées, ainsi que pour des réceptions après les baptêmes, les mariages et les funérailles. Picard jouissait d’une grande popularité. Il s’attirait l’estime par son esprit de discernement et par son attitude calme et courtoise. Beaucoup le considéraient comme le citoyen le mieux habillé d’Edmonton ; selon la rumeur, il faisait faire ses complets sur mesure à Paris. Il resta toutefois un homme modeste, avec un sens profond du dévouement et de la responsabilité envers autrui.
Picard était fermement engagé dans la défense de la foi catholique et de la langue française. Pendant les années qu’il passa dans l’Ouest, il avait été témoin du déclin continu des droits relatifs à l’éducation catholique et à la langue française [V. Charles-Borromée Rouleau*]. Entre 1892 et 1901, le gouvernement territorial avait établi des normes pour la certification des enseignants et avait entrepris d’intégrer toutes les écoles en un seul système non confessionnel. Un projet de loi proposé en 1892 par Frederick William Gordon Haultain* abolit graduellement l’usage du français à l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et on le restreignit dans les écoles. Picard combattit ces changements sur les fronts scolaire, politique et religieux. En sa qualité de commissaire des écoles séparées, il entreprit de retenir les services de professeurs francophones et de garantir aux élèves une heure de français chaque jour. Il avait collaboré avec d’autres francophones notables pour créer, le 8 avril 1894, une filiale locale de la Société Saint-Jean-Baptiste dans le but de fournir une base institutionnelle à l’identité canadienne-française à Edmonton. Picard fut le premier trésorier de cet organisme et il en assuma la présidence en 1898 et 1908. De concert avec, entre autres, Lessard et François-Xavier Boileau, il avait fondé en 1905 un journal, le Courrier de l’Ouest. En 1913, il fut élu président du chapitre d’Edmonton de la Société du parler français au Canada [V. Stanislas-Alfred Lortie*]. En septembre de l’année précédente, il avait été l’un des laïques responsables de la fondation de la Société de la colonisation de l’Alberta pour aider le clergé du diocèse de Saint-Albert qui, depuis les années 1890, avait tenté d’attirer des colons canadiens-français et franco-américains sur les terres situées au nord d’Edmonton [V. Vital-Justin Grandin*]. Picard fut l’un des premiers administrateurs de cet organisme ; à ce titre, il supervisa la propagande et fit pression auprès des sociétés de chemin de fer pour qu’elles embauchent du personnel francophone dans l’Ouest canadien.
La Première Guerre mondiale marqua un tournant dans les succès de Joseph-Henri Picard. À la suite de plusieurs faillites commerciales, il se retrouva avec une dette considérable et se vit forcé de vendre un grand nombre de ses propriétés. Il se retira des affaires et de l’activité politique en 1924 ; il continua de participer à la Northern Alberta Pioneers and Old Timers’ Association jusqu’à son décès en 1934, à l’âge de 77 ans. Des journaux locaux rendirent hommage à cet homme qui avait contribué de multiples façons au développement de la région d’Edmonton au cours de 47 années. À plusieurs titres – constructeur, marchand, magnat de l’immobilier, industriel, conseiller municipal, commissaire d’école et promoteur de la colonisation –, Picard avait pris part à la transformation spectaculaire du paysage physique, culturel et économique du centre de l’Alberta. Dans un journal, on pouvait lire ceci : « Des hommes comme M. Picard ont assurément été les créateurs de l’histoire de l’Alberta. »
Le Courrier de l’Ouest (Edmonton), 7 déc. 1905 ; 3 janv., 7, 14, 21 nov. 1907 ; 9 avril 1908 ; 3 mars, 22 sept. 1910 ; 2 nov. 1911 ; 9 janv., 29 mai, 27 nov. 1913 ; 19 févr., 17 déc. 1914 ; 14 janv. 1915.— Edmonton Bull., 25 mai 1934.— La Survivance (Edmonton), 30 mai 1934.— Claire Desrochers, « Joseph-Henri Picard (1857–1934) : homme d’affaires et conseiller scolaire », dans Aspects du passé franco-albertain : témoignages et études, Alice Trottier et al., édit. (Edmonton, 1980), 63–74.— Dictionnaire de l’Amérique française : francophonie nord-américaine hors Québec, Charles Dufresne et al., édit. (Ottawa, 1988), 283–284.— Eight routes to the Klondyke : with tables of distances, cost of outfits, map of routes, and other information, Walter Moberly, compil. (Winnipeg, [1898 ?]).— E. J. Hart, Ambitions et réalités : la communauté francophone d’Edmonton, 1795–1935 (Edmonton, 1981).— R. J. A. Huel, « Gestae Dei per Francos : the French Canadian experience in western Canada », dans Visions of the New Jerusalem : religious settlement on the prairies, B. G. Smillie, édit. (Edmonton, 1983), 39–53.— « Joseph H. Picard », dans Men and makers of Edmonton, Alberta […] (Edmonton, 1913).— « Joseph H. Picard », dans Short sketches of the history of the Catholic churches and missions in central Alberta, É.-J. Legal, compil. ([Winnipeg, 1914 ?]), 147–148.— « Joseph H. Picard », dans Souvenir of Alberta […] (Winnipeg, 1906), 49.— France Levasseur-Ouimet, 1899–1999, Saint-Joachim, la première paroisse catholique d’Edmonton (Edmonton, 1999).— M. R. Lupul, The Roman Catholic Church and the North-West school question : a study in church-state relations in western Canada, 1875–1905 (Toronto, 1974).— A. G. Morice, Edmonton et l’Alberta française : impressions et statistiques ([Edmonton], 1914).— Marie Moser, « le Groupe canadien-français d’Edmonton et des environs : ses caractéristiques selon l’Ouest canadien, 1898–1900 », dans Aspects du passé franco-albertain : témoignages et études, 79–99.— Robert Painchaud, Un rêve français dans le peuplement de la prairie (Saint-Boniface [Winnipeg], 1986).— Jean Pariseau, les Oblats de Marie-Immaculée dans les paroisses canadiennes-françaises de la région de Rivière-de-la-Paix, 1912–1967 (Ottawa, 2002).— D. B. Smith, « A history of French-speaking Albertans », dans Peoples of Alberta : portraits of cultural diversity, Howard Palmer et Tamara Palmer, édit. (Saskatoon, 1985), 84–108.— Alice Trottier, « les Oblats et la colonisation en Alberta », dans Études oblates de l’Ouest 1 : actes du premier colloque sur l’histoire des oblats dans l’Ouest et le Nord canadiens [...], R.[-J.-A.] Huel et al., édit. (Edmonton, 1990), 107–116.
Timothy Foran, « PICARD, JOSEPH-HENRI (baptisé Joseph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/picard_joseph_henri_16F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2015 |
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Date de consultation: | 1 décembre 2024 |