PÉTURSSON, RÖGNVALDUR, ministre unitarien, homme d’affaires, rédacteur en chef, auteur et leader communautaire, né le 14 août 1877 à Rípur, Skagafjarðarsýsla, Islande, deuxième des quatre fils de Pétur Björnsson et de Margrét Björnsdóttir ; en 1898, il épousa Hólmfríður Jónasdóttir Kristjánsson (décédée en 1971), et ils eurent une fille et trois fils ; décédé le 30 janvier 1940 à Winnipeg.

Rögnvaldur Pétursson fut un leader de la communauté islandaise au Canada de 1903 jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Son influence s’étendit dans les domaines de la religion, de la littérature, de l’éducation et de la politique. Avec sa famille, il émigra d’Islande vers les États-Unis pendant l’été de 1883 ; il passa ses jeunes années dans une ferme située près de Hallson, dans le Dakota du Nord. Les Pétursson furent associés à l’éphémère Société culturelle islandaise, groupe de libres-penseurs du Dakota du Nord que le poète islandais Stephan Gudmundur Stephansson* avait aidé à créer. L’organisation fut dissoute quand Stephansson partit pour l’Alberta en 1889. La famille Pétursson se joignit alors aux unitariens, qui avaient fondé une mission parmi les immigrants islandais. Rögnvaldur poursuivrait une carrière ecclésiastique, à titre de ministre unitarien, et journalistique. Ses frères se consacreraient aux affaires ; ils participeraient notamment à plusieurs projets immobiliers dans lesquels Rögnvaldur serait aussi partenaire.

Pétursson s’inscrivit au Wesley College de Winnipeg en 1896 et, deux ans plus tard, fut accepté à la Meadville Theological School, établissement unitarien de Pennsylvanie, où il termina une licence en théologie en 1902. Après l’obtention de son diplôme, il reçut une bourse pour être admis à la Harvard University, où il étudia la théologie, le vieux norrois et l’allemand. Il fut pendant une courte période un camarade de chambre du futur explorateur de l’Arctique Vilhjalmur Stefansson*.

En 1903, Pétursson fut ordonné, puis nommé ministre de la First Icelandic Unitarian Society de Winnipeg. Sous sa direction, la congrégation réussit à renverser le déclin du nombre de ses membres, qui tripla durant les six premières années de son ministère, et fit construire une nouvelle église dans la florissante extrémité ouest de la ville deux ans après son arrivée. Certains critiquèrent ses premiers sermons, qu’ils jugeaient trop intellectuels, mais, au fur et à mesure qu’il perfectionna son art, sa manière de s’exprimer devint de plus en plus poétique, pratique et bienveillante ; ses sermons, selon l’historien Wilhelm Kristjanson, demeuraient en même temps « élevés intellectuellement, imaginatifs, exemplaires dans leur structure et leur forme, et d’un style raffiné ». Mêlant la sagesse ancienne de la mythologie scandinave et des Saintes Écritures à la philosophie moderne et aux découvertes de la science, Pétursson établissait un pont entre le sacré et le profane, tout en employant la méthodologie de la religion comparée pour façonner une doctrine qui conservait les meilleurs éléments des anciennes formes en les affinant avec de nouvelles connaissances. Affirmant fréquemment que « qui ne connaît qu’une religion n’en connaît aucune », il proclamait une foi qui cherchait à intégrer l’ensemble de l’expérience humaine. Un an après le début de son ministère à Winnipeg, il fonda un mensuel religieux et littéraire, Heimir (nom d’un héros mythique), dont la publication cessa au déclenchement de la Première Guerre mondiale, afin de répartir autrement le temps consacré au ministère et les ressources financières. Pétursson avait quitté son poste de rédacteur en chef en 1910.

L’American Unitarian Association nomma Pétursson secrétaire local (chef administratif et spirituel) des églises islandaises de l’ouest du Canada en 1909, ce qui l’amena à renoncer à ses fonctions de pasteur de la congrégation de Winnipeg. Il y revint toutefois en 1915, quand une pénurie de ministres nécessita la combinaison de divers postes, et y demeura jusqu’en 1922. Il démissionna comme secrétaire local en 1928 pour laisser la voie libre à une nouvelle génération de leaders, mais reprit son poste en 1935, lorsque le nombre de ministres venant d’Islande diminua ; il conserva cette charge jusqu’à sa mort. En 1916, il avait entamé des négociations avec Friðrik Jonsson Bergmann, ministre de la congrégation du Tabernacle de Winnipeg, qui suivait la « nouvelle théologie », afin de créer une Église libérale islandaise unifiée. Les deux congrégations fusionnèrent en 1920 et, trois ans plus tard, la First Federated Church of Unitarians and Other Liberal Christians s’unit à ses 12 alliées rurales pour former la United Conference of Icelandic Churches, dont Pétursson était secrétaire et chef de l’administration.

En 1913, Pétursson et d’autres personnes avaient constitué une société de portefeuille, la Viking Press, pour prendre possession de l’hebdomadaire islandais Heimskringla (la Planète ronde), publié à Winnipeg depuis 1886. Pétursson agit à titre de rédacteur en chef durant la première année et de directeur de la rédaction de 1920 à 1940 environ. L’Heimskringla appuyait l’Église unitarienne en religion et le Parti conservateur en politique, contrairement à l’autre hebdomadaire islandais, le Lögberg/Mount of Laws, publié à Winnipeg, qui soutenait l’Église luthérienne et le Parti libéral. Pétursson était lui-même membre actif du Parti conservateur et du Conservative Club of Greater Winnipeg.

Ayant joué un rôle important dans la fondation de l’Icelandic National League of North America, en 1919, Pétursson en devint le premier président et occupa ce poste pendant deux ans. Cette organisation avait pour but de promouvoir la formation de bons citoyens parmi la population d’origine islandaise, de travailler à la préservation de la langue et de la littérature islandaises au Canada et aux États-Unis, et d’encourager l’amitié et la coopération entre les Islandais et leur diaspora en Amérique du Nord. L’organisme atténuait les dissensions politiques, sociales et religieuses, restaurant ainsi un sentiment d’unité et de cohésion sociale au sein de la communauté islandaise. Cette ligue, dont le siège se trouvait à Winnipeg, mettait sur pied des sections dans des collectivités islandaises installées sur tout le continent et acceptait dans ses rangs tant des sociétés affiliées que des membres individuels. Sous la gouverne de Pétursson, elle finança des classes d’histoire et de culture islandaises, et fonda une bibliothèque. En plus de ses responsabilités à la présidence, Pétursson fut rédacteur en chef de la revue annuelle de la ligue, Tímarit (Périodique), de 1919 jusqu’à sa mort. Il fut également le principal organisateur des délégations nord-américaines aux fêtes du millénaire de l’Islande, en 1930, qui commémoraient la création de l’Althing, parlement le plus ancien du monde. Durant la dernière année de sa vie, il coordonna les préparatifs de la présence islandaise à l’Exposition universelle de New York. La même année, le gouvernement islandais reconnut ses services en le nommant grand chevalier commandeur de l’ordre du Faucon. Pour ses 25 ans de ministère, la Meadville Theological School lui avait décerné un doctorat honorifique en théologie en 1928 ; la University of Iceland souligna sa contribution au monde profane en lui accordant un doctorat honorifique en philosophie en 1930.

Pétursson était un auteur prolifique d’articles et d’essais, qui furent publiés dans divers journaux et revues en islandais et en anglais. Son livre, intitulé Ferðalýsingar frá sumrinu 1912 (Récits de voyage de l’été de 1912), qui parut à Winnipeg en 1914, relatait ses expériences au cours d’un voyage en Islande effectué deux ans auparavant afin d’y fonder une mission islandaise. Une anthologie de ses sermons et conférences, Fögur er foldin : ræður og erindi (Belle est la terre : allocutions et conférences), serait publiée à titre posthume à Reykjavik en 1950.

Rögnvaldur Pétursson était un ministre charismatique et un auteur qui cherchait à incarner et à promouvoir les idéaux romantiques de ses ancêtres scandinaves. Dans les domaines de la religion, de la littérature, de l’éducation et de la vie publique, il exerça de l’influence en Islande et dans toutes les communautés islandaises d’Amérique du Nord. Se trouvant à la frontière de ces deux territoires sur les plans intellectuel et affectif, il se révéla un interprète pour l’un et l’autre.

Stefan M. Jonasson

L. C. Cornish, « Rognvaldur Petursson : an appreciation », Christian Reg., Unitarian ([Boston, Mass.]), 119 (1940), no 5 : 101.— V. E. Gudmundson, The Icelandic Unitarian connection : beginnings of Icelandic Unitarianism in North America, 1885–1900, B. J. R. Gudmundson et G. E. Bjornson, édit. (Winnipeg, 1984).— Í minningu um Dr. Rögnvald Pétursson : kveðjuorð flutt við útför hans 3. febr. 1940 í Sambandskirkjunni í Winnipeg, auk minninga úr íslenzkum blöðum [À la mémoire du Dr Rögnvaldur Pétursson : discours d’adieu prononcés à ses funérailles, le 3 février 1940 à la Federated Church de Winnipeg, et articles commémoratifs parus dans des journaux islandais] (Winnipeg, 1940).— Thorstina Jackson, Saga Íslendinga Norður-Dakota [Histoire des Islandais dans le Dakota du Nord], introd. par Vilhjálm Stefánsson (Winnipeg, 1926).— Thorstina [Jackson] Walters, Modern sagas : the story of the Icelanders in North America, introd. par Allan Nevins (Fargo, N.Dak., 1953).— W[ilhelm] Kristjanson, The Icelandic people in Manitoba : a Manitoba saga (Winnipeg, 1965).— J. K. Laxdal, « Dr. R. Petursson’s memory honored », Icelandic Canadian (Winnipeg), 11 (1952–1953), no 2 : 23–25.— W. J. Lindal, The Icelanders in Canada (Canada ethnica, 2, Ottawa et Winnipeg, 1967).— R. H. Ruth, Educational echoes : a history of education of the Icelandic-Canadians in Manitoba (Winnipeg, 1964).— Þ. Þ. Þorsteinsson, Saga Íslendinga í Vesturheimi [Histoire du peuple islandais en Amérique] (5 vol., Winnipeg, 1940–1945 ; Reykjavik, 1951–1953), 5 [les vol. 4–5 sont édités par T. J. Oleson].— Vestur-Íslenzkar æviskrár [Généalogies islando-américaines], Benjamín Kristjánsson et Jónas Thordarson, édit. (6 vol. parus, Akureyri, Islande, 1961–1985 ; Reykjavik, 1992) [les vol. 1–4 sont édités par Benjamín Kristjánsson et les vol. 5–6 par Jónas Thordarson].

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Stefan M. Jonasson, « PÉTURSSON, RÖGNVALDUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/petursson_rognvaldur_16F.html.

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Auteur de l'article:    Stefan M. Jonasson
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2017
Année de la révision:    2017
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