PERRAULT, JOSEPH-NARCISSE, instituteur et administrateur scolaire, né fort probablement le 8 octobre 1865, fils de Narcisse Perrault et de Théotiste Perrault ; décédé célibataire le 26 novembre 1927 à Montréal.
Joseph-Narcisse Perrault étudie à l’école normale Jacques-Cartier de Montréal, où il obtient un diplôme d’école modèle en 1882 et un diplôme d’école académique l’année suivante. Il enseigne d’abord un an à Rivière-Beaudette, puis revient à Montréal, où il est engagé comme instituteur à la maîtrise Saint-Pierre. En 1886, il devient instituteur à l’académie commerciale catholique de Montréal, régie par le Bureau des commissaires d’écoles catholiques romains de la cité de Montréal. Cet engagement est flatteur, car l’académie, dirigée par Urgel-Eugène Archambeault*, constitue le plus beau fleuron des écoles du Bureau des commissaires.
Perrault commence cependant sa carrière durant une période sombre pour les instituteurs montréalais. Dans les années 1870, la construction, par le Bureau des commissaires, de plusieurs écoles de garçons, dirigées pour la plupart par des enseignants laïques, avait ouvert de nouvelles perspectives de carrière aux enseignants et leur avait assuré des conditions que ni les institutrices de Montréal ni leurs collègues en milieu rural ne pouvaient espérer. Toutefois, dans les années 1880, une économie qui tire de l’aile et des forces conservatrices promptes à exiger le remplacement des instituteurs laïques par des frères éducateurs mettent un frein à l’accroissement du nombre d’enseignants laïques, qui sont pratiquement menacés de disparition. Ainsi, en 1889, Archambeault, qui est aussi surintendant local du Bureau des commissaires, avoue à un instituteur qui souhaite enseigner dans une école de la commission : « Les ordres religieux nous envahissent, trois sont entrés à Montréal depuis deux ans [...] Une école importante va s’ouvrir cet automne sous la direction des Frères de St-Gabriel. Je ne vous relate pas ce fait pour m’en plaindre [...] mais pour vous faire constater que la perspective des instituteurs laïques n’est pas brillante. » Perrault apprend assez vite d’ailleurs que les faits et gestes des instituteurs sont scrutés à la loupe par les directeurs d’école et par les administrateurs scolaires. Ses premiers déboires surviennent en 1893, quand Archambeault l’informe que ses services ne seront plus requis pour la prochaine année scolaire. On lui reproche d’appartenir à l’association ouvrière des Chevaliers du travail. Médusé, Perrault explique qu’il n’est pas membre de cette association mais que, à l’instar de celle-ci, il s’est fait quatre ans auparavant l’ardent promoteur des écoles du soir, instituées par le gouvernement d’Honoré Mercier*. Satisfait de cette explication, Archambeault reconsidère sa décision, et Perrault peut poursuivre sa carrière. Dans les années 1890, Perrault est affecté à l’école Montcalm, dirigée par A.-D. Lacroix. Ses rapports avec ce dernier ne sont pas harmonieux. Lacroix lui reproche de ne pas respecter son autorité et comme il ne supporte pas cette attitude, il demande au directeur des écoles de retourner Perrault à son ancien poste. En 1901, ce dernier revient enseigner à l’académie commerciale.
Célibataire, Perrault peut se consacrer corps et âme à son métier. Pendant six ans, à compter de la fin des années 1890, il occupe la présidence de l’Association des instituteurs du district de Montréal et, à partir de 1900, il est délégué de cette association à la commission administrative du fonds de pension des instituteurs et des institutrices. Ses supérieurs témoignent de son dévouement pour ses élèves et apprécient ses qualités de pédagogue. Même le directeur Lacroix reconnaît qu’il prépare bien ses classes, qu’il est « un homme d’études » et que « sa méthode d’enseignement est conforme aux règles de la pédagogie moderne ». Sa réputation comme citoyen et bon chrétien est également attestée par les directeurs des écoles où il a enseigné. Ces qualités lui permettent d’ailleurs d’accéder au poste de directeur de l’école Montcalm le 10 juin 1904, au moment où Lacroix quitte cette fonction pour devenir directeur général de ce qui est devenu la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM). Quatre ans plus tard, il marche encore dans les traces de Lacroix quand le conseil des commissaires de la CECM le nomme directeur général, le troisième dans l’histoire de cet organisme. Assisté de neuf commissaires, dont trois sont nommés par l’archevêché de Montréal, trois par la ville de Montréal et trois par le gouvernement provincial, Perrault occupera, de 1908 à 1917, le plus important poste de fonctionnaire de la CECM, à un moment crucial de son histoire. Pendant cette période, en effet, des commissaires nommés par la ville et par le gouvernement font adopter plusieurs mesures progressives, tant sur le plan scolaire que parascolaire. On n’a qu’à penser à la création d’écoles maternelles, à la mise sur pied des caisses d’économie scolaire et de l’Œuvre des grèves, qui permet aux enfants de familles ouvrières démunies de profiter de colonies de vacances. Le mandat de Perrault coïncide aussi avec l’arrivée à Montréal de milliers d’immigrants qui ne sont pas d’origine britannique, mais Juifs, Italiens, Allemands, Polonais, Ruthènes et Chinois. Comme le souligne Perrault dans l’un de ses rapports annuels, « l’émigration des étrangers vers un centre aussi populeux que Montréal devient un véritable problème au point de vue des langues et de l’enseignement à donner à tous ces enfants de différentes nationalités ». Perrault veille à recruter des institutrices aptes à instruire les enfants dans leur langue maternelle, et deux écoles sont construites pour les enfants de la communauté italienne.
Outre l’effervescence créée par cette nouvelle situation, Perrault doit en découdre avec certains commissaires qui l’ont dans leur collimateur. D’entrée de jeu, sa nomination comme directeur général des écoles a suscité une confrontation entre deux commissaires. À partir de 1913, le commissaire Pierre-Eugène Lafontaine*, héraut des idées réformistes, ne cache pas son désir de voir un autre directeur général, moins conservateur, à la place de Perrault. Celui-ci réussit toutefois à rallier la confiance de la majorité des commissaires.
De 1908 à 1915, la CECM intègre une demi-douzaine de petites circonscriptions scolaires de l’île de Montréal, ce qui porte à 61 le nombre d’écoles qui relèvent d’elle. « Ces annexions, écrit Perrault dans son rapport pour l’année 1914–1915, ont grevé la Commission des écoles catholiques de Montréal d’une dette de 820 776 $. L’examen des livres de ces municipalités scolaires a prouvé – dans la plupart des cas – que l’administration financière avait été longtemps en souffrance. » À la fin de décembre 1916, le gouvernement de sir Lomer Gouin acquiesce aux demandes des réformistes montréalais concernant la centralisation scolaire et fait adopter un projet de loi qui prévoit l’annexion de 23 autres circonscriptions scolaires à la CECM. Le territoire de la ville de Montréal est divisé en quatre districts. Les écoles de chacun des districts – elles sont plus de 160 au total – sont régies par une commission composée de six membres, dont la principale tâche est d’ordre pédagogique. L’administration financière de la CECM est du ressort d’un Bureau central composé de sept membres. Le poste de directeur général est aboli, et Perrault doit remettre sa démission. Il devient cependant l’un des sept membres du Bureau central, présidé par Mgr Émile Roy. Premier instituteur à occuper un poste de commissaire à la CECM, il représente une nouvelle classe d’administrateurs d’expérience. En 1919, le commissaire Lafontaine est élu président du Bureau central et devient ainsi le premier laïque à occuper ce poste. L’animosité qui existe entre Perrault et lui n’est peut-être pas étrangère au fait que l’ancien directeur général annonce qu’il se retirera à la fin de son mandat de quatre ans.
Après avoir quitté la CECM en 1921, Joseph-Narcisse Perrault part en voyage en Europe. Il continue cependant à s’occuper des intérêts des instituteurs et institutrices de Montréal en restant leur délégué à la commission administrative qui gère leur fonds de pension. Il s’éteint à Montréal le 26 novembre 1927.
BCM-G, RBMS, Notre-Dame de Montréal, 30 nov. 1927.— Commission scolaire de Montréal, Secrétariat général, Secteur de la gestion des doc. administratifs et des arch., Dossier personnel de J.-N. Perrault, école Montcalm, renseignements sur les professeurs pour l’année scolaire 1889–1890 ; lettres de J.-N. Perrault à MM. les membres de la Commission des écoles catholiques de Montréal, 9 mars 1908, 23 nov. 1915 ; Fonds U.-E. Archambeault, lettre de U.-E. Archambeault à G. Duhamel, 27 avril 1889 ; Livre des délibérations des commissaires, 23 nov. 1915 ; Rapports financiers de la CECM, 1914–1916.— Le Devoir, 28 nov. 1927.— La Presse, 28 nov. 1927.— « Diplômes octroyés par l’école normale Jacques-Cartier », Journal de l’Instruction publique (Montréal), 2 (1882) : 194 ; 3 (1883) : 227.— Robert Gagnon, Histoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal ; le développement d’un réseau d’écoles publiques en milieu urbain ([Montréal], 1996), 39–76, 94, 100–118, 128–131 ; Histoire de l’école Le Plateau (1856–1996) ([Montréal], 1997), 13–24.— Notice sur les écoles administrées par la Commission des écoles catholiques de Montréal (Montréal, 1915), 34.
Robert Gagnon, « PERRAULT, JOSEPH-NARCISSE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/perrault_joseph_narcisse_15F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Gagnon |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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