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PERKINS, SIMEON, homme d’affaires, fonctionnaire, juge, homme politique, officier de milice et auteur d’un journal, né le 24 février 1734/1735 à Norwich (Connecticut), quatrième des 16 enfants de Jacob Perkins et de Jemima Leonard ; le 12 juin 1760, il épousa à Norwich Abigail Backus, et ils eurent un fils, puis le 10 septembre 1775, à Liverpool, Nouvelle-Écosse, Elizabeth Young, veuve de John Headley, et de ce mariage naquirent six filles et deux fils ; décédé le 9 mai 1812 à sa résidence de Liverpool.
Simeon Perkins descendait de John Parkyns, qui, venu d’Angleterre, arriva à Boston en 1631. Ses parents, comme l’affirma le chef méthodiste de la Nouvelle-Écosse, William Black*, étaient « de respectables membres de l’Église presbytérienne ou congrégationaliste, qui ne négligèrent pas d’instruire leur fils dans les grandes et importantes doctrines de la foi chrétienne » ; Perkins allait rester, toute sa vie, très religieux. De toute évidence, il reçut une bonne instruction, puis fut mis en apprentissage chez son cousin germain Jabez Huntingdon, membre d’une famille de Norwich bien connue dans le domaine des affaires et de la vie publique.
À l’époque de son premier mariage, Perkins s’associa à son beau-père et à un autre cousin ; en mai 1762, il partit pour la Nouvelle-Écosse, afin d’y établir le commerce de la compagnie dans la ville nouvelle de Liverpool. Il ouvrit immédiatement un magasin et s’intéressa directement à la pêche. Marchand entreprenant dans le sens le plus large du mot, Perkins ne s’occupait pas seulement de l’approvisionnement de ses concitoyens, mais aussi d’exploitation forestière et de commerce avec des marchés extérieurs comme les Antilles, les Treize Colonies, Terre-Neuve et l’Europe, de construction de navires et de plusieurs autres opérations reliées à ces activités. En outre, le 24 avril 1766, il obtint un permis de traite avec les Indiens de la Nouvelle-Ecosse. L’activité commerciale de Perkins, pendant la quinzaine d’années qui précéda la Révolution américaine, comprenait d’étroites relations avec la Nouvelle-Angleterre, où il avait des parents, des amis et des associés dans le commerce. Liverpool était essentiellement une communauté de la Nouvelle-Angleterre vivant en Nouvelle-Écosse, et les entreprises de Perkins étaient une réplique, sur une plus petite échelle, du commerce de cette province. Au cours de ces années, Perkins visita sa terre natale à trois reprises : en novembre 1762, pour faire rapport à ses associés et pour tirer des plans d’avenir ; en novembre 1767, et pour une période d’un an et demi, à une époque où Liverpool traversait des temps difficiles ; finalement, au printemps de 1775, moment où des frictions croissantes entre la mère patrie et les colonies suscitaient de l’inquiétude.
Comme les tiraillements tournaient à la crise, la charge de lieutenant-colonel de la milice du comté de Queens, que Perkins détenait depuis 1772, revêtit une importance ‘particulière. Il n’eut guère de succès, toutefois, en tentant de persuader les hommes de Liverpool de faire du service dans la milice. Si tous, sauf un, prêtèrent le serment d’allégeance pendant l’hiver de 1775–1776, ils hésitaient à appuyer la cause britannique. Perkins lui-même n’était pas immunisé contre le désir, commun à bien des habitants de la Nouvelle-Écosse, de garder des liens avec ses amis et ses parents de la Nouvelle-Angleterre. Il y fit même un commerce clandestin, fut surpris une fois au moins, et ses marchandises saisies. Les incursions de corsaires américains vinrent cependant changer la situation. Plutôt que d’offrir une résistance active, les gens de Liverpool avaient tenté de dissuader les corsaires de les attaquer ; mais les incursions les incitèrent à prendre en main leur propre défense. L’incident le plus grave survint le 13 septembre 1780, quand deux corsaires surprirent le fort, dont ils s’emparèrent, faisant prisonnières les troupes qui y étaient en garnison pour protéger la ville. Les habitants furent d’abord « découragés et nullement disposés à résister ». Mais Perkins machina la capture d’un des capitaines américains, puis avec prudence et diplomatie, et grâce à la milice, dès lors « sous les armes et déterminée à se battre », il s’arrangea pour rentrer en possession du fort et pour que fussent libérés les prisonniers de chaque parti. En quelques heures, « tout [fut] remis dans son état antérieur, sans effusion de sang ». Liverpool ne fut plus ennuyé par les corsaires pendant le reste de la guerre. Perkins allait de nouveau s’occuper, plus tard, de la sécurité de la région, pendant les guerres de la Révolution française et les guerres napoléoniennes. Sous sa direction, une batterie fut construite à Liverpool en 1793, l’on distribua des armes et des munitions, et une garde de 36 hommes fut mise sur pied. Sous son commandement aussi, la milice du comté de Queens fut périodiquement rassemblée, exercée et passée en revue.
Pendant ces périodes de guerre, Perkins s’engagea personnellement dans la course. Il avait fait partie, en 1779, d’un groupe de marchands de Liverpool qui acheta et arma le schooner Lucy, premier corsaire de Liverpool, puis, de 1798 à 1801, il eut des intérêts financiers dans cinq des six navires que la ville envoya en course. Mais, dans ces entreprises, la chance variait : si, au début de 1799, on réussit en une occasion à faire cinq prises qu’on estimait devoir rapporter plus de £26 000 à Perkins et à ses associés, d’autres sorties furent cette même année moins payantes, et un corsaire fit naufrage. En 1801, les perspectives avaient empiré à ce point que Perkins et ses associés décidèrent de vendre leurs corsaires aux enchères. Toutefois, Perkins s’intéressa quelque temps à d’autres entreprises de cette sorte en 1803 et 1805.
La pêche, le commerce et la course demandaient des navires : d’où l’intérêt de Perkins pour l’exploitation forestière et la construction navale. Le 7 mai 1765, il lança le Nabby et le Polly, deux schooners qu’il avait construits à Liverpool, et, en juin 1766, il accepta d’acheter le quart d’un autre schooner, en construction à Port Medway. La Révolution américaine le frappa durement, car cinq de ses navires tombèrent aux mains de corsaires, mais les choses s’améliorèrent plus tard. De 1789 à 1810, il posséda, en entier ou en partie, au moins 20 navires construits à Liverpool et dans les environs.
Pendant nombre d’années, Perkins fut un homme en vue tant dans les affaires locales que dans celles de la province. Au début de 1764, il avait été nommé juge de paix et juge de la Cour inférieure des plaids communs. Il siégea pendant 46 ans à cette cour, de même qu’à la Cour des sessions trimestrielles. Choisi comme greffier des propriétaires en 1770, il détint ce poste jusqu’en 1802 ; il servit aussi pendant longtemps comme greffier municipal et trésorier du comté. En 1772, il fut nommé commissaire de la voirie. De 1777 à 1807, il fut magistrat chargé des testaments et successions pour le comté de Queens ; de 1780 à 1790, greffier adjoint à la Cour de vice-amirauté ; et, pendant nombre d’années, custos rotulorum. Lieutenant-colonel de la milice du comté de 1772 à 1793, il fut colonel et commandant de 1793 à 1807. Perkins fut aussi, pendant plus de 30 ans, membre de la chambre d’Assemblée, comme député de la circonscription de Queens de 1765 à 1799, à l’exception des années 1768 et 1769. Même s’il n’assista qu’à 11 des 40 sessions, il pouvait, pendant ses absences, rendre service grâce à ses relations à Halifax. Comme député, Perkins fit un travail efficace, quoique de façon plutôt discrète, au cours d’une période marquée tant par les problèmes de la paix que par ceux de la guerre. Bien que, selon William Black, il fût « lent à parler [...], on a dit de lui qu’il manifesta beaucoup de sagesse et d’intégrité en tranchant des questions importantes ».
Simeon Perkins est bien connu pour le journal volumineux et complet qu’il tint régulièrement du 29 mai 1766 au 13 avril 1812, si l’on excepte la période du 22 novembre 1767 au 15 juin 1769, qu’il passa au Connecticut, et l’année 1771, où rien n’y est inscrit ; pour la période du 5 mars 1806 au 29 novembre 1809, le document a été perdu. Quand le journal fut légué à la ville de Liverpool, en 1899, on le décrivit comme « l’un des documents les plus précieux et les plus intéressants, peut-être, à voir le jour dans la province ». C’est, en effet, une mine de renseignements pour l’étude des institutions économiques, politiques et sociales ; il jette de la lumière non seulement sur la vie d’une communauté mais aussi sur une région qui joua un rôle considérable dans le commerce triangulaire de l’Atlantique Nord et qui occupa une place importante dans l’évolution du Second Empire britannique. Largement dépourvu de traits d’esprit ou de vues profondes, le journal est un compte rendu des événements quotidiens dans un établissement de pionniers qui, constamment préoccupés de leur survie, avaient peu de temps pour les plaisirs mondains. Perkins inscrivait soigneusement les naissances, les mariages et les décès, observait fidèlement le temps qu’il faisait, et commentait tous les événements dignes de mention qui survenaient tant à Liverpool que dans des lieux plus éloignés. Ce qu’il écrivait, en 1782, en apprenant les rumeurs de la fin des hostilités, – « nous espérons la paix [... pour] que nos nations ne puissent plus subir ce terrible arrêt d’avoir à se dévorer l’une l’autre » – était le reflet des sentiments d’un grand nombre de Néo-Écossais dont les amis et les parents vivaient en Nouvelle-Angleterre. Perkins s’intéressa beaucoup aux affaires religieuses, et, sur le tard, passa du congrégationalisme au méthodisme. Il fut assez impressionné par Henry Alline*, en 1783, pour noter dans son journal qu’il y avait un certain temps qu’il n’avait vu « une telle image de l’Esprit de Dieu se mouvoir parmi le peuple ». L’année suivante, toutefois, les fidèles New Light furent exclus des assemblées régulières de l’Église, parce qu’Alline, selon les mots de Perkins, « niait les articles fondamentaux de la religion chrétienne ». Le journal fournit également quelques aperçus propres à nous éclairer sur la guerre en mer, aussi bien que des commentaires de Perkins sur les pertes que lui firent subir ses propres compatriotes, tout en montrant à quel point les forces commerciales et militaires influèrent sur l’état de la Nouvelle-Écosse. Ce journal a été publié en cinq tomes par la Champlain Society. La maison de Perkins, à Liverpool, construite en 1766–1767 et agrandie en 1781 et 1792, a été conservée comme l’une des maisons historiques de la Nouvelle-Écosse.
Les originaux du journal de Simeon Perkins sont déposés à la ville de Liverpool, N.-É. ; des microfilms et des transcriptions se trouvent aux PANS sous la cote MG 1, 749–752. Ce journal a été publié sous le titre de The diary of Simeon Perkins [...], H. A. Innis et al., édit. (5 vol., Toronto, 1948–1978).
Arch. privées, Seth Bartling (Liverpool), R. J. Long, « The annals of Liverpool and Queen’s County, 1760–1867 » (1926) (copie dactylographiée, Dalhousie Univ. Library, Halifax ; mfm aux PANS).— PANS, MG 1, 748A, 851 ; MG4, 77 ; MG20, 215, no 10 ; RG 1, 40 ; 48 ; 51–54 ; 165 ; 168 ; 171–172 ; 221, doc. 40 ; 287 ; 378 ; 499 1/2 ; RG 5, A, 3, 6, 8, 10.— N.-É., General Assembly, Acts (Halifax) ; House of Assembly, Journal and proc., 1765–1799.— Norwich, Conn., Vital records of Norwich, 1639–1848 (Hartford, Conn., 1913), 370.— Naval Chronicle, 5 (janv.-juin 1801) : 174s. ; publié de nouveau avec des commentaires dans Provincial : or Halifax Monthly Magazine (Halifax), 2 (1853) : 337–339.— Nova Scotia Royal Gazette (Halifax), 3 juin 1812.— Epitaphs from the old cemeteries of Liverpool, Nova Scotia, Charles Warman, compil. (Boston, [1910]).— G. A. Perkins, The family of John Perkins of Ipswich, Massachusetts (3 part. en 1, Salem, Mass., 1889).— C. B. Fergusson, Early Liverpool and its diarist (Halifax, 1961).— Liverpool privateering, 1756–1815, J. E. Mullins, compil., F. S. Morton, édit. ([Liver pool, 1936]).— A. [McK.] MacMechan, There go the ships (Toronto, 1928).— J. F. More, The history of Queens County, N.S. (Halifax, 1873 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972).— J. E. Mullins, Some Liverpool chronicles ([Liver-pool], 1941).— Murdoch, Hist. of N.S.— R. R. McLeod, « Old times in Liverpool, N.S. », Acadiensis (Saint-Jean, N.-B.), 4 (1904) : 96–118.— Morning Chronicle (Halifax), 28 nov. 1899.— G. E. E. Nichols, « Notes on Nova Scotian privateers », N.S. Hist. Soc., Coll., 13 (1908) : 130.
Charles Bruce Fergusson, « PERKINS, SIMEON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/perkins_simeon_5F.html.
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Auteur de l'article: | Charles Bruce Fergusson |
Titre de l'article: | PERKINS, SIMEON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |