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PARISEAU (Parizeau), ESTHER, dite Joseph du Sacré-Cœur, sœur de la charité de la Providence, bâtisseuse, architecte et artisane, née le 16 avril 1823 à Saint-Martin (Laval, Québec), fille de Joseph Pariseau et de Françoise Rousseau ; décédée le 19 janvier 1902 à Vancouver, Washington.
Joseph Pariseau, carrossier bien connu dans son milieu pour ses qualités d’artisan et sa sagesse, initie très tôt sa fille Esther aux secrets de son métier. Celle-ci est aussi douée pour le travail du bois que pour les tâches domestiques, telles que la couture, la broderie, le filage, le tissage et la cuisine, que sa mère lui enseigne.
Le 26 décembre 1843, Esther Pariseau opte pour la vie religieuse et demande son admission dans la nouvelle communauté des Sœurs de la charité de la Providence que vient de fonder Émilie Tavernier*. Treizième candidate à être admise, Esther Pariseau franchit les étapes du postulat et du noviciat. Elle fait deux stages de formation, l’un à l’Hôtel-Dieu de Montréal pour apprendre à soigner les malades, l’autre à la Congrégation de Notre-Dame, où elle s’initie, entre autres, à la confection d’ornements liturgiques et à la broderie fine.
Esther Pariseau fait profession le 21 juillet 1845 sous le nom de sœur Joseph du Sacré-Cœur. Au cours des premières années de sa vie religieuse, elle travaille à l’atelier de fabrication de cierges et à la pharmacie, et exécute des travaux de couture ou des ouvrages en cire. Elle devient officière chez les pensionnaires et infirmière des religieuses. Elle est promue conseillère et assistante. Ses talents variés lui valent d’être choisie, le 3 octobre 1856, pour ouvrir et diriger une mission des Sœurs de la Providence dans le diocèse de Nesqually, dirigé par Mgr Augustin-Magloire Blanchet*.
Mère Joseph du Sacré-Cœur et ses compagnes arrivent à Vancouver (Washington) en décembre de la même année, après un voyage de plus d’un mois. Rien n’a été prévu pour elles. Les religieuses doivent se réfugier dans le grenier de la modeste résidence de l’évêque. Grâce au talent et au courage de mère Joseph du Sacré-Cœur, les religieuses font bâtir une maison de bois qui doit servir de couvent et d’école ; elles s’y installent dès février 1857. Très tôt, les sœurs accueillent des orphelins et des vieillards, puis commencent à visiter les pauvres et à soigner les malades à domicile. Au printemps de 1858, elles ouvrent l’hôpital Saint-Joseph. Au fil des besoins et des maigres moyens des sœurs, les maisonnettes se multiplient et forment le « faubourg de la Providence ». Au début des années 1860, les religieuses étendent leurs soins aux aliénés.
En septembre 1863, après avoir ouvert une mission à Walla Walla, mère Joseph du Sacré-Cœur entreprend un long voyage à Montréal, où elle apprend la sculpture et la statuaire. Elle en repart avec le nécessaire pour ouvrir un moulin à carder ; un nouveau contingent de religieuses l’accompagne, comme ce sera le cas à tous ses voyages subséquents. À son retour à Vancouver le 23 septembre 1864, elle mène aussi deux grandes quêtes afin de renflouer sa mission ; la première dure une quinzaine de jours, la deuxième plusieurs mois chez les mineurs de la région et rapporte la jolie somme de 3 000 $.
En 1866, mère Joseph du Sacré-Cœur quitte son poste de supérieure. Elle est alors chargée de la construction et du financement des missions de l’Ouest. En 1873, on l’autorise à entreprendre la construction de l’académie de la Providence, à Vancouver, le plus grand immeuble de brique de la région à l’époque (classé aujourd’hui monument historique). Cette immense maison réunit sous un même toit les diverses œuvres de la communauté.
Les demandes se multiplient. Les sœurs acceptent, en 1874, de construire un hôpital à Portland, en Oregon. Mère Joseph du Sacré-Cœur travaille aux plans et en surveille l’exécution. Deux ans plus tard, elle revient à la maison mère, à Montréal, où elle espère obtenir de l’aide. Elle retourne ensuite aux États-Unis, où elle doit relever d’autres défis : la construction de l’hôpital de la Providence à Seattle (Washington), du collège des Saints-Anges et de l’hospice Sainte-Marie, à Vancouver. En 1880, elle dresse les plans et surveille l’édification des hôpitaux de Walla Walla et d’Astoria, en Oregon. Suivent la même année, la construction de l’école Saint-Michel, à Olympia (Washington) et celle de la Providence Saint-Martin, à Frenchtown (Montana). Toujours en 1880, elle achève la chapelle de la maison de la Providence des Saints-Anges, à Vancouver, où elle se réserve la fabrication des moulures, de même que la sculpture des autels et des colonnes.
Mère Joseph du Sacré-Cœur s’offre un certain répit au cours duquel elle effectue un troisième séjour à la maison mère de Montréal. Elle y fait connaître les besoins des missions de l’Ouest et sollicite du secours.
Sans relâche, mère Joseph du Sacré-Cœur poursuit sa mission de bâtisseuse. En 1885, elle construit l’académie du Sacré-Cœur à Missoula (Montana), et l’année suivante, l’hôpital du Sacré-Cœur à Spokane (Washington), l’hôpital Sainte-Claire de Fort Benton (Montana), et l’académie Saint-Joseph, à Sprague (Washington). En 1887, Olympia réclame à son tour un hôpital qui sera dédié à saint Pierre. Au printemps de 1888, mère Joseph du Sacré-Cœur fait un autre voyage au Canada, suivi à l’automne par la construction de l’hôpital Saint-Jean-de-la-Croix à Port Townsend (Washington) et, en 1890, de celui de la mission Saint-Eugène dans la région de Kootenay, en Colombie-Britannique.
À cette époque, on réclame partout les sœurs de la Providence. Sitôt les missions acceptées, mère Joseph du Sacré-Cœur étudie les besoins et entreprend la construction des bâtiments nécessaires. Ainsi sont érigés, en 1891, l’hôpital de la Providence, à Wallace, en Idaho, et l’hôpital Sainte-Élisabeth à Yakima, dans l’État de Washington. À l’occasion du 400e anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, en 1892, Great Falls, au Montana, réclame la construction de l’hôpital Columbus, et mère Joseph du Sacré-Cœur est une fois de plus mise à contribution. Elle ne recule devant aucun défi. L’année 1893 est marquée par l’édification de l’hôpital Saint-Ignace, à Colfax, dans l’État de Washington, des travaux d’agrandissement à l’hôpital de Seattle et les démarches préliminaires à la construction de l’hôpital Saint-Paul, à Vancouver, en Colombie-Britannique.
Mère Joseph du Sacré-Cœur est nommée conseillère provinciale en 1894. L’année suivante, ses compagnes fêtent son jubilé d’or. Pendant trois jours, on la comble de cadeaux et d’hommages venant à la fois du Canada et des États-Unis. La jubilaire ne cesse pas pour autant d’être active. Elle est chargée de remettre en bon état la ferme dont dépend largement la survie de la mission de Vancouver.
C’est une mère Joseph du Sacré-Cœur très préoccupée par la situation financière de tous les établissements qu’elle a érigés que l’on retrouve à Montréal en 1898. Pendant un an, elle réclame des recrues pour les missions de l’Ouest et quête pour elles. Elle brode un voile de tabernacle en or fin, qui est présenté à Mgr Paul Bruchési* en 1900, à l’occasion du centenaire de la naissance d’Émilie Tavernier. Enfin, elle fait construire l’orphelinat de la Providence à New Westminster, en Colombie-Britannique, ce qui clôt sa carrière de bâtisseuse.
Aveugle d’un œil, mère Joseph du Sacré-Cœur ne s’apitoie pas sur son sort. On la retrouve portant secours à des prisonniers. En 1900, elle se rend à Cranbrook afin de prodiguer ses conseils aux constructeurs de l’hôpital Saint-Eugène. La même année, elle adresse ses commentaires au conseil général sur les constitutions de la communauté, que Rome vient d’approuver. Elle monte une bibliothèque et entreprend la mise sur pied d’un musée à l’intention des élèves. Ses forces déclinent, mais, en février 1901, on la consulte sur les nouveaux projets d’aménagement des hôpitaux de Spokane et de Seattle, dans l’État de Washington.
L’état de santé de mère Joseph du Sacré-Cœur se détériore rapidement. Elle meurt le 19 janvier 1902 et est inhumée à Seattle. Les témoignages de sympathie affluent de partout. Celui de la supérieure générale, mère Marie-Antoinette [Blanchard*], les résume tous : « Mère Joseph avait de ces conceptions hautes, de ces inspirations fécondes qui ressortent du génie : Travaux incessants, sacrifices incalculables, entreprises immenses, rien ne coûtait à son activité et à sa généreuse initiative. Elle exerça une influence extraordinaire dans l’Église de l’Ouest. »
En 1953, l’American Institute of Architects déclare mère Joseph du Sacré-Cœur « Première architecte de la côte Ouest » ; la West Coast Lumbermen’s Association la reconnaît comme « la première artisane blanche à travailler le bois sur la côte Ouest ». Le 1er mai 1980, on dévoile une statue de mère Joseph du Sacré-Cœur au capitole de Washington dans la galerie de la Chambre des représentants. Elle figure aussi au capitole d’Olympia, dans l’État de Washington.
Arch. des Sœurs de la charité de la Providence (Montréal), Chroniques de la Providence des Saints-Anges, Vancouver, Wash., I (1857–1890)–II (1890–1922).— A brief historical sketch of the academy (Vancouver, 1977).— Eighteen fifty-nine to nineteen eighty four, 125 years of corporate caring (Seattle, Washington, 1984).— The good work of Mother Joseph (Seattle, 1986).— J. P. Greeley, Mother Joseph (Seattle, 1980).— C. F. McGrasson et al., The bell and the river (Palo Alto, Californie, 1956).— Sœur Mary James, « Tribut à mère Joseph du Sacré-Cœur », le Petit Journal de la Providence (Montréal), 26 (1929), suppl. janv.–févr. : 149–156.— J.-G. Morin, « Pionnière de la civilisation au Nord-Ouest américain », Sainte Anne de Beaupré (Sainte-Anne-de-Beaupré, Québec), 104 (1976) ; 80s.— Mother Joseph, Marcus Whitman (Washington, 1980).
Huguette Lapointe-Roy, « PARISEAU (Parizeau), ESTHER, dite Joseph du Sacré-Cœur », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pariseau_esther_13F.html.
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Auteur de l'article: | Huguette Lapointe-Roy |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |