PADDON, HENRY LOCKE, médecin et missionnaire, né le 9 août 1881 à Thornton Heath (Londres), fils de Henry Wadham Locke Paddon et de Catherine Van Sommer ; le 1er octobre 1913, il épousa à Indian Harbour, Labrador, Mina Gilchrist, et ils eurent quatre fils ; décédé le 24 décembre 1939 à Haverford, Pennsylvanie.
Henry Locke Paddon, surnommé Harry, fut animé d’un zèle missionnaire dès son enfance. Sa mère mourut juste après sa naissance et son père, pensionné de l’armée, s’épuisa à s’occuper de quatre jeunes enfants. Harry et l’une de ses sœurs furent envoyés à Wimbledon (Londres) afin que leur grand-père, James Van Sommer, homme dévot, se charge de les élever. Peu de temps après, Harry entra à la Woodbridge Grammar School, dans le Suffolk. Ayant exprimé à l’âge de huit ans son désir de devenir missionnaire, il distribuait des opuscules religieux aux pêcheurs de Sheringham pendant ses vacances d’été, au nom de la Children’s Special Service Mission. À l’âge de 13 ans, il accéda à la Repton School, où il fit des études classiques et excella au football et au cricket. En 1900, il entra au University College d’Oxford pour suivre une formation en histoire, mais il n’obtint son diplôme qu’en 1906.
Une fois Oxford derrière lui, Paddon passa quelque temps auprès de la flotte de pêche de la mer du Nord en tant que missionnaire de la Royal National Mission to Deep Sea Fishermen, qui équipait des navires-hôpitaux pouvant demeurer en service pendant des semaines. Ce type de pratique du christianisme était à la mesure de sa ferveur religieuse. Il avait aussi attiré Wilfred Thomason Grenfell, premier surintendant de la mission, qui, en 1892, avait été le premier à étendre les œuvres de l’organisme jusqu’à Terre-Neuve et sur la côte du Labrador. Paddon, qui avait entendu parler Grenfell à la Repton School, résolut de devenir médecin et, à l’hiver de 1907, il entra au St Thomas’s Hospital de Londres. Toujours passionné de sport, il fut capitaine de l’équipe de football de cet hôpital en 1908 et, au cours de la saison de cricket suivante, il affronta l’équipe du St Bartholomew’s Hospital et remporta l’Inter-Hospital Cup.
Après avoir obtenu sa qualification en chirurgie et en médecine, Paddon reçut confirmation, en février 1911, de sa nomination au Guest Hospital de la ville de Dudley, située dans les West Midlands. Il était sur le point d’entreprendre une carrière médicale classique, mais il démissionna un an plus tard. Remué par les expériences qu’il avait vécues en mer du Nord, il avait accepté une invitation de la Royal National Mission to Deep Sea Fishermen à travailler dans son hôpital d’Indian Harbour, sur la côte du Labrador.
Une fois installé au Labrador, en 1912, Paddon affronta une crise de santé publique causée par un nombre élevé de cas de tuberculose et de mortalité infantile. Néanmoins, il apprécia le Nord et ses exigences physiques. Les pêcheries du Labrador lui permirent d’entrer en contact avec des milliers de Terre-Neuviens itinérants durant le printemps et l’été. Lorsqu’ils partirent, à la fin de la saison, il adopta un mode de travail qu’il conserverait pendant ses premières années, où il était plein d’ardeur : à l’automne, il se déplaça vers l’intérieur des terres pour soigner la population blanche et métisse du lac Melville et, à l’hiver, il traversa le nord du Labrador en traîneau à chiens pour se rendre dans les villages côtiers.
Peu après son arrivée à Indian Harbour, Paddon eut droit à toute l’intensité de la première visite de Grenfell, qu’il décrivit ainsi :
[Il nous] bombard[ait] de questions et de suggestions, aid[ait] à [pratiquer] une opération, célébr[ait] un office improvisé pour les patients, [...] rédige[ait] des lettres ou écri[vait] un chapitre de quelque livre, partage[ait] les chagrins et les joies de chaque nouveau venu, toujours complètement détaché de tout autre centre d’intérêt, test[ait] de nouveaux champignons sur des « volontaires » réticents, prêch[ait] les vertus de la farine de blé entier à une veuve septuagénaire pendant que son propre repas refroidissait […] Lorsque [Grenfell] ne trouvait plus rien à faire ou à dire, il partait en coup de vent à quarante milles vers l’anse pour chasser l’oie [...] Sa Mecque était un marécage d’une superficie d’environ cent milles carrés, avec une rivière et d’innombrables oiseaux aquatiques.
En retour, Grenfell pensait le plus grand bien de son confrère entièrement dévoué, qui savait lire le latin.
Au cours de ce premier été, la vie de Paddon fut transformée lorsqu’il fit la connaissance de Mina Gilchrist, infirmière du Nouveau-Brunswick. Il n’avait jamais accordé beaucoup de temps à l’amour, mais dès septembre 1912, il était prêt à l’épouser ; c’est ce qu’il fit en 1913, après avoir attendu pendant huit mois qu’elle termine sa suppléance à l’hôpital de Grenfell, situé à St Anthony, à Terre-Neuve. Tout en s’installant dans sa vie de famille, le couple saisit toute l’étendue de sa tâche lorsqu’il se déplaça entre son poste d’été d’Indian Harbour et l’hôpital temporaire qui se trouvait à l’intérieur des terres, dans un camp de bûcherons abandonné de Mud Lake. Comme Grenfell et d’autres médecins coloniaux avant lui, Paddon allait déjà au delà du simple exercice de sa profession pour étudier le contexte social des maladies. À la fin d’un congé qu’il passa en Angleterre en 1914–1915, il alla travailler à l’hôpital d’hiver de North West River, centre de la traite des fourrures au Labrador.
Déjà à cette époque, Paddon avait une conception de la médecine sociale. Il était déterminé à traiter les Labradoriens sur leur territoire. Dès l’automne de 1919, à la suite de l’épidémie de grippe espagnole, Paddon et Henry Gordon, prêtre anglican à Cartwright, avaient amassé suffisamment d’argent pour construire un pensionnat à Muddy Bay afin d’y accueillir des orphelins. Puis, en 1921, Paddon s’installa en permanence à l’hôpital de North West River et commença à cultiver la terre pour son propre usage et pour donner l’exemple aux habitants de l’endroit. Pour combattre le scorbut et la malnutrition, une des principales causes de décès chez les enfants, il encouragea la consommation de légumes, de baies fraîches, de farine de blé entier et d’huile de foie de morue. À peine commençait-il à constater les progrès de sa lutte aux maladies de la nutrition que, au début de 1924, tandis qu’il se trouvait aux États-Unis pour étudier et trouver du financement, l’hôpital fut détruit par un incendie. Malgré le désir de l’International Grenfell Association d’abandonner North West River et de regrouper ses services à St Anthony – les Paddon eurent toujours le sentiment que leur travail recevait peu de soutien –, Harry Paddon était décidé à faire reconstruire l’hôpital ; il y parvint au mois d’octobre.
En 1927, Paddon élabora un nouveau plan de réforme sociale, qui consistait en un réseau de chalets destinés au traitement de la tuberculose. Semblable à son projet d’école, pour lequel il avait imaginé un ensemble de petites résidences plutôt que des dortoirs, ce plan prévoyait la construction de maisons en rondins comprenant des quartiers pour le personnel et pour les patients. Ces quartiers seraient autosuffisants et posséderaient chèvres, huile de morue, poulets et jardins, ainsi que le matériel nécessaire à la fabrication de filets de pêche et de jouets, aux travaux d’aiguille et au tissage. La Hudson’s Bay Company aiderait à l’administration, et Paddon avait trouvé en Nouvelle-Angleterre un donateur qui contribuerait financièrement au projet. Un an plus tard, il mit en service le Maraval, un navire-hôpital de 60 tonnes destiné à la visite des villages du littoral durant l’été. En 1930, Paddon remonta à son bord la côte du Labrador jusqu’à Nain en compagnie d’un spécialiste en soins des yeux, des oreilles et de la gorge venant de Cincinnati, en Ohio, et d’un médecin de la mission morave du Labrador, laquelle était généralement défavorable aux interventions du personnel de Grenfell.
En 1935, après la retraite de sir Wilfred Thomason Grenfell, qui était la figure de proue de sa mission et qui en demeura le surintendant, la nouvelle Commission de gouvernement de Terre-Neuve [V. Frederick Charles Munro Alderdice] prit des dispositions pour établir son rôle dans la prestation des services de santé ruraux. En fait, elle conféra à l’International Grenfell Association l’autorité sur le Labrador, depuis Blanc-Sablon, localité frontière du Québec, jusqu’à Indian Harbour, et sur presque toute la péninsule nord de Terre-Neuve. Grâce à cette décision, les Paddon purent tourner leur attention vers la construction de leur propre maison, mais lorsqu’ils y élurent domicile, d’autres inquiétudes surgirent concernant l’avenir de North West River. La commission, impatiente d’implanter une usine de pâte à papier, promit d’accorder un permis de coupe de bois sur une vaste superficie du Labrador à Bowater-Lloyd, fabricant de papier de Grande-Bretagne. Paddon s’alarma des changements qui pourraient s’ensuivre ; des rumeurs disaient notamment que la compagnie fournirait ses propres services médicaux et scolaires. Même après que cette entente fut tombée à l’eau, Paddon continua de craindre que les terrains de la mission ne se transforment en lotissement urbain.
À l’automne de 1939, Paddon et Mina partirent retrouver leurs fils en Pennsylvanie, mais Paddon contracta une infection bactérienne en chemin. Il mourut la veille de Noël ; sa femme retourna à North West River avec ses cendres et elle dirigea la mission pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ses efforts lui valurent le titre d’officier de l’ordre de l’Empire britannique. Son fils aîné, William Anthony*, qui servit dans la Réserve des volontaires de la Marine royale canadienne en tant que médecin militaire, revint après la guerre pour reprendre le travail de son père. De 1981 à 1986, il occupa la fonction de lieutenant-gouverneur de Terre-Neuve, qui comprenait le Labrador, où Harry Paddon s’était battu si longtemps sans obtenir la moindre attention du gouvernement.
De son quartier général de North West River, Henry Locke Paddon avait introduit de nombreuses innovations en matière de traitement de la tuberculose et des maladies de carence, et il fonda des établissements pour l’amélioration de l’éducation et de la vie publique. Ce faisant, il devint l’un des bâtisseurs des temps modernes du Labrador.
Henry Locke Paddon est l’auteur de « Forty days with fleeters and single-boaters », Toilers of the Deep : A Record of Mission Work amongst Them (Londres), 21 (1906) : 236–237. Son travail au Labrador est raconté dans The Labrador memoir of Dr Harry Paddon, 1912–1938, Ronald Rompkey, édit. (Montréal et Kingston, Ontario, 2003).
Pour rédiger cette biographie, nous avons consulté des documents dans des archives privées. Raymond Lloyd (Tetbury, Angleterre) possède deux manuscrits non publiés : Raymond Lloyd, « Jessie Marian Paddon, 1877–1958 : the story of her forebears, background and early life » (1986) et J. M. Paddon (Lloyd), [Narrative of her early life, 1883–1902] (1947–1954). Sheila Paddon (North West River, Labrador) conserve des papiers de la famille Paddon et dans la famille de Richard Locke Paddon fils se trouvent les papiers de Richard Paddon. Nous les avons consultés, ainsi que RPA, MG 63.
Ronald Rompkey, « PADDON, HENRY LOCKE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/paddon_henry_locke_16F.html.
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Auteur de l'article: | Ronald Rompkey |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2013 |
Année de la révision: | 2013 |
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