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OSBORN, SHERARD, officier de marine, explorateur de l’arctique, écrivain, né en Angleterre, le 25 avril 1822, fils d’Eliza Todington et d’Edward Osborn, lieutenant-colonel dans l’armée des Indes, décédé à Londres, le 6 mai 1875.
Le 30 septembre 1837, Sherard Osborn fut proposé comme volontaire de première classe dans la marine royale par le capitaine William Warren. Sa carrière commença par deux voyages au long cours. Le premier, qu’il effectua de 1838 à 1843, sur le navire de Warren, le Hyacinth, le conduisit en Extrême-Orient. Au Siam (Thaïlande), il prit part à une campagne contre les pirates malais, et, à Canton et à Chang-Hai, il participa à la première guerre britannique contre la Chine. Au cours du second voyage, de 1844 à 1848, il se rendit dans le Pacifique, à bord du Collingwood. Il fut promu au grade de lieutenant le 4 mai 1846. Entre ces deux voyages, il passa quelques mois comme second-maître sur l’Excellent, à Portsmouth, où il étudia l’artillerie. Au cours de ces années, il acquit une grande expérience ; ses officiers supérieurs l’encouragèrent à cultiver ses talents ; il considérait Warren, en particulier, comme un exemple d’officier consciencieux et de chef sympathique.
Quand il quitta le Collingwood, Osborn reçut le commandement d’un petit steamer, le Dwarf, sur lequel il patrouilla dans les eaux côtières de l’Irlande, au cours de l’insurrection de 1848. Les autorités locales en Irlande et son commandant en chef le félicitèrent chaudement pour les services qu’il avait rendus. En 1849, on le recommanda auprès de l’amirauté en raison de la bravoure « au-dessus de tout éloge [qu’il avait montrée] en restant sur son navire, le Dwarf, en perdition sur une mer démontée ».
Il retourna en Angleterre en 1849, où l’inquiétude avait atteint son paroxysme, par suite de l’échec de sir James Clark Ross* en 1848–1849 dans sa tentative de retrouver l’expédition de sir John Franklin*. Osborn prit part immédiatement à la campagne en faveur d’une autre expédition et s’offrit comme volontaire. L’amirauté décida d’envoyer quatre vaisseaux commandés par le capitaine Horatio Thomas Austin* et Osborn reçut le commandement du Pioneer, un steamer de 430 tonnes.
L’expédition prit la mer au printemps de 1850 et, au cours de l’été, elle aida à découvrir et à explorer l’emplacement des premiers quartiers d’hiver de Franklin, dans l’île Beechey. En septembre, les navires furent cernés par les glaces et forcés d’hiverner au large de l’île Griffith, dans le détroit de Barrow. Très près de là se trouvaient deux autres expéditions, l’une commandée par sir John Ross*, l’autre par William Penny*, ancien patron d’un baleinier et familier des mers polaires, devenu bientôt l’un des amis intimes d’Osborn. Au printemps de 1851, Osborn partit à la tête d’un convoi de traîneaux, vers le sud-ouest jusqu’à la pointe occidentale de l’île du Prince-de-Galles. Au cours de ce voyage de 500 milles, il ne découvrit aucune nouvelle côte et d’autres convois couvrirent des distances beaucoup plus grandes encore. La contribution la plus importante d’Osborn à l’expédition fut son éternelle bonne humeur et son adresse à manœuvrer le Pioneer ; Osborn montra ainsi la supériorité de la vapeur sur la voile pour naviguer à travers les glaces. Il écrivit un récit du voyage, Stray leaves from an Arctic journal [...], qui fut populaire et dans lequel sa jovialité fuse à chaque page. Pourtant, dans l’ensemble, l’expédition ne fut pas une expérience heureuse pour Osborn. Il différait souvent d’opinion avec Austin et, lorsque ce dernier se disputait avec Penny, Osborn faisait peu d’efforts pour cacher qu’il respectait davantage Penny. Lorsque l’expédition retourna en Angleterre, à l’automne de 1851, Osborn fut le seul officier dont Austin ne recommanda pas la promotion. Certains de ses amis, dont Penny, écrivirent à l’amirauté pour protester et lady Franklin [Griffin] se montra, dit-on, fort affectée. Quant à Osborn, il conserva son calme et reçut la nouvelle avec cette longanimité provocante qui lui était propre : « Je suis encore jeune et j’ai devant moi suffisamment de temps et d’espace pour gagner une commission de capitaine de vaisseau, malgré le capitaine Austin ou tout autre menteur galonné. » Pendant que le débat suivait son cours, Osborn épousa, le 8 janvier 1852, Helen Harriet Gordon Hinxman.
Entre-temps, l’amirauté décida de renvoyer dans l’arctique les quatre navires d’Austin avec un vaisseau supplémentaire, le North Star, et elle donna de nouveau à Osborn le commandement du Pioneer. Sir Edward Belcher reçut le commandement de l’escadre.
Lorsqu’ils atteignirent le détroit de Barrow, au cours de l’été de 1852, les navires prirent des directions différentes. Le capitaine Henry Kellett partit pour l’île Melville avec deux navires et le North Star resta à l’île Beechey pour servir de base navale. Belcher sur l’Assistance et Osborn sur le Pioneer remontèrent le détroit de Wellington jusqu’au détroit de Northumberland, au nord-ouest de l’île Devon, où ils hivernèrent. Au printemps de 1853, Osborn partit en traîneau avec un officier de l’Assistance, George Henry Richards*, le long dé la côte nord de l’ale Bathurst et de la côte nord-est de l’île Melville, les deux encore inexplorées. Il se sépara alors de Richards et, sur le chemin du retour, explora la côte est de l’île Bathurst. Ce voyage au cours duquel il parcourut plus de 900 milles, dura du 10 avril au 15 juillet. Pendant les mois de juillet et d’août, les deux navires naviguèrent vers le sud, mais les glaces les forcèrent de nouveau à passer l’hiver dans le détroit de Wellington. En septembre 1853, le navire ravitailleur Phœnix apporta à Osborn la nouvelle, datée du 30 octobre 1852, lui annonçant sa promotion au grade de commandant. Le Phœnix lui amena également son frère Noel qui passa l’hiver en qualité de second-maître sur le North Star. En 1854, malgré l’indignation d’Osborn, Belcher ordonna d’abandonner tous les navires de son escadre, à l’exception du North Star ; les hommes retournèrent en Angleterre à bord de ce dernier et des navires ravitailleurs Phœnix et Talbot.
Ce voyage fut sans doute le plus décourageant de tous ceux qu’Osborn avait entrepris jusqu’alors. Plusieurs des officiers se trouvèrent en butte aux humiliations et aux manières dictatoriales de Belcher, mais personne n’en a autant souffert qu’Osborn. En 1853, il se plaignit à Belcher d’être maltraité et lui proposa de porter un de leurs différends devant l’amirauté. Dès lors, toute la fureur de Belcher retomba sur Osborn. Dans son journal intime qu’il écrivit de 1853 à 1854, Richards ne trouvait guère à parler d’autre chose que des « injures et des insultes » que Belcher infligeait à Osborn et de la « haine maladive » qu’il témoignait à ce dernier. Richards félicitait Osborn pour « la façon admirable dont il avait tout supporté », mais il ne fait aucun doute que la bonne humeur d’Osborn fut soumise à rude épreuve.
Au retour de l’expédition et pour une courte durée, Osborn reçut le commandement de la garde côtière à Norfolk, pendant qu’il recouvrait la santé. Il commença également l’édition du journal dans lequel Robert McClure, qui était allé à la recherche de Franklin sur l’Investigator, faisait le récit de son expédition. L’ouvrage fut publié en 1856, sous le titre : The discovery of the north-west passage [...]. Au début de 1855, Osborn reçut le commandement du Vesuvius et partit pour la guerre de Crimée où, le 18 août 1855, il fut promu capitaine ; puis il fut décoré de l’ordre du Bain, de l’ordre impérial du Medjidié, et fait officier de la Légion d’honneur.
Le triomphe qu’il connut à son retour de Crimée en 1856 fut bientôt assombri, lorsque sa femme, qui lui avait donné deux filles, le quitta. Osborn a affirmé sur un ton de défi que, « en s’enfuyant, sa femme l’avait bien débarrassé ». (Aucun document ne prouve qu’ils divorcèrent jamais.) Il est pourtant bien évident qu’Osborn fut affligé par ce départ. Il était en mauvaise santé à l’époque et, cette fois, il laissa percer son désespoir : « J’ai l’impression que ma carrière dans la marine est terminée, écrivait-il à Penny. J’avais autrefois un but et une ambition honorables, il n’en reste plus rien à présent. Je vis seulement comme un égoïste et ce n’est nullement ce que je veux. » Pourtant il n’avait pas encore 35 ans lorsqu’il écrivit ces lignes et sa longue carrière remplie de prouesses navales et de dévouement à son pays était à peine commencée.
En 1857, il commanda le Furious et escorta une flotte de canonnières jusqu’en Chine, où la Grande-Bretagne était de nouveau en guerre. Une fois la paix conclue, Osborn prit une part active à l’expansion du commerce européen en Chine et au Japon. Selon le témoignage de lord Elgin [Bruce*], ambassadeur de Grande-Bretagne en Chine, Osborn accomplit « un exploit sans précédent dans l’histoire de la marine » en remontant le fleuve Yang Tsé Kiang sur une distance de 600 milles, à bord du Furious, pour prouver que ce fleuve était navigable par des navires marchands beaucoup plus petits. Sa santé s’altéra au cours de cette période et, en 1859, il fut envoyé en Angleterre pour cause de maladie. Pendant trois années, pour arrondir ses revenus, il fut obligé de préparer certains de ses journaux de voyage en vue de leur publication et d’écrire des articles sur les questions navales, sur la politique chinoise et sur l’exploration de l’arctique, dans le Blackwood’s Magazine. Il fit également des articles pour la Royal Geographical Society dont il était fellow depuis 1856.
En 1861, il retourna dans la marine ; par la suite, commença pour lui une période d’activités variées. Il commanda le Donegal au large de la côte du Mexique. En 1863, à la tête d’une flotte de navires, il se rendit à Pékin où il essaya vainement d’obtenir la coopération du gouvernement chinois pour supprimer la piraterie. En 1865–1866, il était agent de la Great Indian Peninsular Railway Company à Bombay ; de 1867 à 1873, il fut administrateur délégué de la Telegraph Construction and Maintenance Company qui installa un cable télégraphique sous-marin à partir de Grande-Bretagne jusqu’aux Indes et en Australie. Il se présenta, mais sans succès, au parlement britannique en 1868. En juin 1870, il fut élu fellow de la Royal Society et promu contre-amiral le 29 mai 1873.
Toutefois, à cette époque, il avait toujours présent à l’esprit l’exploration polaire et il mena avec succès une campagne destinée à provoquer chez le public britannique un regain d’intérêt pour l’arctique. En janvier 1865, il présenta à la Royal Geographical Society une étude préconisant l’exploration, en passant par le détroit de Smith, de la région entourant le pôle nord. Il plaida sa cause à maintes reprises et gagna progressivement des appuis précieux jusqu’au moment où, au mois d’août 1874, le gouvernement accepta de financer l’entreprise ; ainsi l’expédition de 1875–1876 vit le jour. Osborn, que sa santé empêchait de prendre part au voyage, travailla pendant neuf mois avec Francis Leopold McClintock* et Richards au sein du comité de l’amirauté sur l’arctique qui conseillait ceux qui préparaient l’expédition. Le 3 mai 1875, il se rendit à Portsmouth pour rencontrer l’équipage et le commandant de l’expédition, George Strong Nares. Trois jours plus tard, il mourut à Londres. C’était peu de temps avant le départ de l’expédition que, plus que quiconque, il avait rendue possible.
Sherard Osborn fut l’un des officiers de marine les plus doués de son époque. Ceux qui l’ont connu ont fait l’éloge de ses remarquables capacités professionnelles, de son courage et de son caractère déterminé. Ils ont parlé de la sagesse de son jugement, de son enthousiasme chaleureux et de son éternelle bonne humeur. Il était admiré des autres officiers et de tous ceux qui servaient sous ses ordres. Il avait des opinions bien arrêtées et la diplomatie parvenait rarement à l’empêcher de les exprimer. C’était là un trait de son caractère qui le fit entrer en conflit, non seulement avec Austin et Belcher, mais aussi parfois avec ses amis les plus chers. Lady Franklin, par exemple, fut profondément affectée, parce qu’il considéra toujours Robert McClure, et non pas son mari, comme le découvreur du passage au nord-ouest. Aux prouesses d’Osborn dans l’exploration de l’arctique, s’ajoutent d’autres réalisations : il était un bon administrateur, un auteur prolifique dans plusieurs domaines, un passionné de géographie et une autorité reconnue dans les questions chinoises. Mais il fut par-dessus tout un officier de marine extrêmement doué et un maître de la navigation sous toutes ses formes.
SPRI, ms 116/57/1–10 (dix lettres de Sherard Osborn à William Penny, 1850–1856) ; ms 768 (journal personnel de George Henry Richards à bord de l’Assistance, 17 août 1853 – 28 mai 1854).— Additional papers relative to the Arctic expedition under the orders of Captain Austin and Mr. William Penny, 87–103 (G. B., Parl., Command paper, 1852, [1 436], L : 269–935).— Further papers relative to the recent Arctic expeditions in search of Sir John Franklin and the crews of H.M.S. Erebus and Terror (Great Britain, Admiralty, Londres, 1855), 187–261.— [McClure], Discovery of the north-west passage (Osborn).— Sherard Osborn, Stray leaves from an Arctic journal ; or, eighteen months in the polar regions, in search of Sir John Franklin’s expedition, in the years 1850–51 (Londres, 1852) ; On the exploration of the north polar region, Proceedings of the Royal Geographical Society, IX (1865) : 42–70 ; On the exploration of the north polar region, Proceedings of the Royal Geographical Society, XII (1868) : 92–112 ; The routes to the north polar region, Geographical Magazine (Londres), I (1874) : 221–225.— Obituary, Geographical Magazine, II (1875) : 161–170.— Times (Londres), 10 mai, 14 mai 1875.
Clive A. Holland, « OSBORN, SHERARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/osborn_sherard_10F.html.
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Auteur de l'article: | Clive A. Holland |
Titre de l'article: | OSBORN, SHERARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |