NAU, LOUIS, prêtre catholique, né le 15 septembre 1799 à Lanoraie, Bas-Canada, et baptisé le jour suivant dans la paroisse Sainte-Geneviève-de-Berthier (à Berthierville, Québec), fils de Charles Nau, cultivateur, et de Louise Pagé ; décédé en ou après 1843.

De condition modeste sans être pauvres, les Nau habitent l’extrémité sud de la seigneurie de La Noraye, qui sera annexée en 1802 à la nouvelle paroisse Sainte-Élisabeth, dans le diocèse de Joliette. Ils passent pour des gens très religieux ; en initiant très tôt leurs enfants à la prière et à la pratique régulière des sacrements, ils souhaitent avoir un prêtre dans leur famille. Le jeune Louis est sans doute des garçons celui qui montre le plus de dispositions à cet égard, mais comme il n’y aura pas d’école dans sa paroisse avant 1810 il ne pourra terminer ses études primaires qu’à l’âge de 18 ans. Ce n’est donc qu’en 1817 que ses parents, avec la bénédiction de leur curé Joseph-Benjamin Keller, pourront l’envoyer étudier au petit séminaire de Montréal.

Le séjour de Louis Nau dans cette institution n’est pas sans laisser certaines traces chez l’adolescent. Dans ce milieu de prêtres sulpiciens, il est sans doute nourri de traditions monarchistes et gallicanes. Il est même témoin en 1821 des luttes menées par ses professeurs contre Mgr Jean-Jacques Lartigue. Non seulement ceux-ci refusent-ils son autorité, mais ils soutiennent de plus que l’érection d’un nouveau diocèse est contraire aux lois canoniques. Le climat d’indépendance qui règne à cette époque au petit séminaire de Montréal contribue sûrement à favoriser chez Nau l’expression de sentiments contestataires.

Ses études classiques terminées en 1825, Nau opte pour la prêtrise et, à l’automne, il fait son entrée au grand séminaire de Montréal. Sitôt installé, il se voit confier une tâche d’enseignement au séminaire de Saint-Hyacinthe. C’est là que Mgr Lartigue lui confère la tonsure le 26 février 1826. L’année suivante, Nau poursuit ses études théologiques au grand séminaire de Québec et, le 25 mars 1829, Mgr Bernard-Claude Panet*, archevêque de Québec, l’ordonne prêtre.

À sa sortie du grand séminaire, l’abbé Nau est considéré comme un bon sujet, fort respectueux des règles de son état. La première note rédigée au moment de son ordination ne laisse planer aucun doute à ce sujet : on le dit pieux, zélé, soumis à ses supérieurs, prêt à servir la cause religieuse à laquelle il est profondément attaché. Mgr Panet le juge aussi un bon candidat, dévoué au bien et doté d’une foi profonde. Ses supérieurs ignorent alors l’envers de sa personnalité : Louis Nau est également un être entêté, opiniâtre, sans tact, sans mesure et qui supporte très mal la contradiction.

Nommé vicaire à Saint-Jacques-de-l’Achigan (Saint-Jacques) en septembre 1829, Nau se met à dos en moins de trois mois le curé de l’endroit, Jean-Romuald Paré. Jugeant qu’il existe une incompatibilité de caractère entre les deux hommes, Mgr Panet, au début de l’année 1830, change Nau de cure et le fait vicaire à Maskinongé. Là encore, le curé du lieu, Louis Marcoux, ne tarde pas à se plaindre de son comportement. Mis au courant de ce nouveau problème en janvier 1831, Mgr Lartigue témoigne qu’il a quand même confiance en Nau, puisqu’il lui trouve un poste de vicaire à Saint-Benoît (Mirabel). Puis en octobre il lui donne les pouvoirs de vicaire à Saint-Hyacinthe. L’évêque de Montréal ne le laisse là que quelques mois, car il veut en faire depuis longtemps un curé de campagne.

Le 27 février 1832, Nau devient officiellement curé de la paroisse Sainte-Madeleine (à Rigaud). Un mois seulement après son entrée en exercice, ses marguilliers lui reprochent d’être arrogant et de vouloir administrer seul les biens de la fabrique. Le conflit s’envenime et s’étend à toute la paroisse lorsque, en 1833, Nau menace de poursuivre en justice tous les paroissiens qui ne paieront pas les frais rattachés au culte. À la fin de l’année, des pétitions qui exigent le rappel immédiat du curé sont envoyées à l’évêque de Montréal. En outre, certaines des ouailles de Nau lui font un charivari et n’hésitent pas à le pendre en effigie devant son presbytère. Souhaitant éviter le pire, Mgr Lartigue somme Nau de quitter les lieux. En janvier 1834, à la suite des sollicitations répétées de Mgr Joseph Signay, archevêque de Québec, il envoie Nau à Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville. Entier et intransigeant, celui-ci fait d’abord fi des ordres de l’évêque, et ce n’est que cinq mois plus tard qu’il s’installera dans sa nouvelle paroisse. Un premier affrontement vient donc d’opposer Mgr Lartigue, qui considère que ce prêtre est un éternel importun, et Nau, qui ne veut plus faire acte de soumission à son évêque.

Mais c’est le conflit qu’il vivra à Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville qui lancera Nau dans une lutte sans précédent contre l’évêque de Montréal et fera de lui un prêtre maudit. À peine installé, Nau voit encore son autorité contestée par ses marguilliers. De plus, en 1834 et en 1835, on l’accuse entre autres choses d’avoir injurié le seigneur du lieu, Jean-Baptiste-René Hertel* de Rouville, et de s’en être pris en chaire à plusieurs gens de la paroisse. La querelle qui l’oppose au seigneur lui vaut même un sévère avertissement de la part de l’évêque. Dans un tel contexte, les rapports avec ses ouailles ne peuvent que se détériorer rapidement. Des pétitions sont encore envoyées à l’évêque de Montréal, notamment en 1836, et une fois de plus on pend Nau en effigie. Irrité et las de ces querelles, Mgr Lartigue s’empresse de réagir. En août de cette année-là, il ordonne à son curé de se rendre à la paroisse Saint-Valentin où il vient de le nommer. Mais Nau est décidé à ne pas laisser sa cure et il en prend possession devant notaire, ce que voyant Mgr Lartigue nomme, à la fin de septembre, Pierre Lafrance curé de cette paroisse sans se soucier de savoir si Nau l’a quittée. L’ancien curé tire de ces incidents le sentiment d’être persécuté, tandis que l’évêque en sort convaincu d’avoir affaire à un esprit rebelle. Désormais, les deux hommes refuseront de faire quelque concession que ce soit.

Dans la paroisse, les événements se précipitent. Le 24 octobre, le nouveau curé ordonne à Nau de quitter le presbytère où il s’est barricadé, mais en vain. Puis le 3 novembre, à l’évêché de Montréal, Nau comparaît devant un tribunal ecclésiastique qui le suspend de ses fonctions sacerdotales. Malgré cette condamnation, il se réinstalle dans son presbytère, déterminé plus que jamais à exercer ses fonctions et à ne rien céder à Lafrance. Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville devient alors le lieu d’un affrontement comme on n’en a jamais vu ; des clans se forment et défendent les intérêts de l’une ou l’autre partie. L’affaire éclate dans les journaux et ne tarde pas à faire du bruit dans les milieux religieux et laïques. Au début de l’année 1837, certains collaborateurs de Mgr Lartigue et du curé Lafrance décident de prendre d’assaut le presbytère. Armés de pieux et de bâtons, ils réussissent à chasser le curé rebelle, qui parvient quand même à se cacher chez l’un de ses amis de la paroisse.

Dans les circonstances, Nau ne voit plus qu’un moyen de lutter contre Mgr Lartigue et le curé Lafrance, et c’est d’avoir recours aux tribunaux civils. En apportant par des écrits sa caution au milieu patriote, il réussit à s’attirer les faveurs des avocats Louis-Hippolyte La Fontaine* et Amable Berthelot qui acceptent de le défendre. En février 1837, ceux-ci en appellent aux tribunaux civils. Ils engagent deux poursuites à la Cour du banc du roi, l’une au montant de £2 000 contre Mgr Lartigue pour avoir suspendu Nau de ses fonctions sacerdotales, l’autre, de £600, contre Lafrance pour avoir usurpé les fonctions curiales à Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville. Quelques mois plus tard, La Fontaine apporte un nouvel appui au curé rebelle en publiant à Montréal une brochure intitulée Notes sur l’inamovibilité des curés dans le Bas-Canada. Informé de la publication, Mgr Lartigue ne tarde pas à réagir en rédigeant la même année Mémoire sur l’amovibilité des curés en Canada. Cette cause judiciaire sert alors de plus en plus de prétexte à des affrontements entre le parti patriote et les autorités ecclésiastiques.

Un an plus tard, les juges James Reid, George Pyke* et Jean-Roch Rolland* rendent leur jugement. Considérant que Nau n’a ni titre ni possession de cette cure, ils rejettent ses demandes et lui signifient de payer les frais judiciaires. En dépit de cet échec cuisant, Nau n’est pas homme à se laisser abattre. Au cours de l’année 1839, il se dit même prêt à continuer la lutte et à en appeler de cette sentence. Mais, ruiné financièrement, il se voit contraint de renoncer à tout nouveau recours judiciaire, d’autant plus que les dirigeants patriotes l’ont abandonné, peut-être à la suite de dépositions sous serment qu’il a faites aux dépens de certains de ses paroissiens en 1838 et 1839.

Dorénavant, la lutte se poursuivra sur le terrain religieux. Au début de l’année 1842, un ami de Nau, le notaire Charles Têtu, de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, fait paraître Analyse et Observations sur les droits relatifs aux évêques de Québec et de Montréal, et au clergé du Canada. Imbu d’idées gallicanes, il soutient que les évêques n’ont aucun droit de regard sur les cures et les bénéfices ecclésiastiques. Même si Nau n’en est pas l’auteur officiel, il est clair qu’il a participé à la rédaction de ce texte. En février et mars de la même année, il écrit dans les journaux : il y médite de vieilles doctrines gallicanes et accorde ouvertement son appui à la brochure du notaire Têtu. Il croit ainsi pouvoir susciter un débat fécond chez ses confrères ecclésiastiques sur la question de l’inamovibilité des curés et sur l’exercice de l’autorité au sein de l’Église. Sans doute souhaite-t-il aussi renforcer un certain courant de mécontentement qui agite depuis une vingtaine d’années les rangs du bas clergé contre certaines formes trop absolues de l’autorité épiscopale. Néanmoins, cet espoir demeurera vain. Isolé, déshonoré, marqué à jamais, Nau n’a d’autre choix que la soumission ou l’exil. On ne peut dire s’il a songé à ce moment-là à défroquer. Était-ce seulement possible ou même pensable à cette époque ? Les pressions sociales, les structures mentales et juridiques étaient telles qu’un prêtre ne pouvait faire ce geste. Il semble cependant qu’une entente soit intervenue au cours de l’été de 1842 entre Mgr Ignace Bourget*, le nouvel évêque de Montréal, et le curé rebelle. Après une explication de vive voix entre les deux hommes, Nau aurait consenti à rédiger un acte de soumission à ses supérieurs et, en retour, l’évêque de Montréal lui aurait offert une cure importante. Mais cet accord sera sans lendemain. En 1843, Nau choisit définitivement l’exil aux États-Unis et jamais plus on n’entendra parler de lui.

Triste destinée que celle de Louis Nau ! La vie de ce personnage de second rang renié par une majorité des siens témoigne en quelque sorte du sort tragique que pouvaient connaître ceux qui refusaient de se soumettre à l’autorité ecclésiastique. Néanmoins, Nau avait couru à sa propre perte en refusant tout compromis avec ses supérieurs.

Richard Chabot

Le cahier de délibération de la fabrique de la paroisse Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, 1798–1840, contient en date du 3 juill. 1834 une note de l’abbé Louis Nau à ses marguilliers. Nau les attaque de façon virulente, notamment pour la manière dont ils administrent les biens de la fabrique.  [r. c.]

AAQ, 210 A, XIV : 324, 328 ; XVI : 236.— ACAM, 420.095 ; RLL, VI : 19, 107, 236.— ANQ-M, CE5-1, 16 sept. 1799 ; CN6-4, 27 oct. 1836.— ANQ-Q, E17/45, nos 1676, 3601, 3603a.— Arch. de la chancellerie de l’évêché de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, Québec), XVII.C.41, 17 nov. 1837–17 nov. 1839. Le dossier de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville pour l’année 1836 et une partie de l’année 1837 étant disparu soudainement et mystérieusement, nous n’avons pu le consulter  [r. c.].— Arch. de la chancellerie de l’évêché de Valleyfield (Valleyfield, Québec), Sainte-Madeleine (Rigaud), corr., 20 mai 1832, 4 janv. 1834.— Arch. de l’évêché de Joliette (Joliette, Québec), Cartable Saint-Roch-de-l’Achigan, 3 nov. 1829, 18 févr. 1830.— ASSH, A, Fg-41, 2.1.30–32, 35–36.— L.-H. La Fontaine, Notes sur l’inamovibilité des curés dans le Bas-Canada (Montréal, 1837).— [J.-J. Lartigue], Mémoire sur l’amovibilité des curés en Canada (Montréal, 1837).— Charles Têtu, Analyse et Observations sur les droits relatifs aux évêques de Québec et de Montréal, et au clergé du Canada (Montréal, 1842).— L’Aurore des Canadas, 11 févr., 4 mars 1842.— Le Canadien, 18, 21 nov. 1836.— La Minerve, 24 nov. 1836.— J.-J. Lefebvre, « le Curé Louis Nau (fl. 1799–1843) », SCHEC Rapport, 24 (1956–1957) : 65–90.— Honorius Provost, « le Régime des cures au Canada français : l’inamovibilité », SCHEC Rapport, 22 (1954–1955) : 85–103.

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Richard Chabot, « NAU, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/nau_louis_7F.html.

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Auteur de l'article:    Richard Chabot
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    1 décembre 2024