MOULTON, JEREMIAH, officier de milice, membre du Conseil du Massachusetts, né à York, Massachusetts (aujourd’hui dans le Maine), en 1688, le plus jeune des fils de Joseph Moulton et de Hannah (?) Littlefield, décédé à York, le 20 juillet 1765.
Le père de Jeremiah Moulton était tavernier et un citoyen éminent d’York ; en 1692, cette localité était l’un des derniers établissements de la partie sud du Maine à subsister après les attaques répétées des Français et des Indiens. Tôt cette année-là, des Indiens attaquèrent par surprise les villes du Maine qui demeuraient encore. C’étaient les Indiens de la rivière Kennebec auxquels s’étaient joints une assez importante bande de Pentagouets dont un certain nombre étaient des convertis du père Louis-Pierre Thury* et qu’avaient encouragés les promesses de présents, d’armes et de munitions du gouverneur de l’Acadie, Joseph Robinau* de Villebon. Le 25 janvier (ancien style), ils tombèrent à l’improviste sur York et envahirent tout à l’exception des quartiers fortifiés où logeait la garnison. Ils tuèrent ou firent prisonniers à peu près la moitié de la population ; parmi les victimes il y avait le premier pasteur d’York, le distingué Shubael Dummer. Joseph Moulton, sa femme, et un certain nombre de ses invités furent tués et quelques-uns des enfants de Moulton furent faits prisonniers ; Jeremiah, qui avait quatre ans, était du nombre. C’était un garçonnet décidé, et il se débattit si bien qu’il réussit pendant un moment à échapper à ses ravisseurs ; on lui permit finalement de se réfugier dans un des cantonnements de la garnison.
Durant les quelques années qui suivirent, Jeremiah vécut chez un parent à York et apprit le métier de géomètre ; il épousa Hannah Ballard (?) de Portsmouth, New Hampshire, qui devait lui donner huit enfants. Il servit également dans la milice, s’élevant du rang de sergent au grade de capitaine. Il acquit dans la colonie, à l’occasion des guerres indiennes dites de Lovewell ou de Dummer (1722–1727), la réputation d’être un chef énergique, compétent et populaire lors des expéditions de patrouille. Le but principal vers lequel convergèrent tous les efforts de la colonie au cours de cette guerre était la capture du père Sébastien Rale* ; ce Français à la personnalité controversée était missionnaire auprès de la tribu des Canibas de la rivière Kennebec. Héros et martyr pour la plupart des historiens canadiens-français, il fut, par contre, aux yeux des auteurs anglais de l’époque et même d’après, le mauvais génie des Indiens du Maine. L’influence qu’il exerçait sur les Indiens en faisait fatalement la cible des colons anglais, furieux des attaques dont avaient été l’objet leurs établissements frontaliers. Entre 1721 et 1724 on tenta à quatre reprises de s’emparer du missionnaire ; le capitaine Jeremiah Moulton joua un rôle important dans au moins deux de ces tentatives, y compris la dernière, celle qui réussit.
En août 1724, une expédition soigneusement mise au point s’ébranla ; elle comprenait 200 soldats des troupes coloniales qui partirent du fort Richmond (Richmond, Maine) pour remonter la rivière Kennebec. Ils firent une brève halte à Ticonic (Winslow, Maine) où ils laissèrent leurs baleinières et une garde de 40 hommes puis ils continuèrent à pied vers le nord, en direction de Narantsouak (Norridgewock, aujourd’hui Old Point, Madison, Maine). Le capitaine Johnson Harmon avait pris la tête de l’attaque et Moulton commandait en second. Parmi les attaquants il y avait bon nombre de soldats d’York qui, à l’instar de Harmon, de Moulton et d’autres officiers avaient été présents lors du coup de main de 1692 ; ils avaient eu des parents tués ou faits prisonniers quand ils n’avaient pas eux-mêmes été emmenés en captivité. Ils arrivèrent à portée de fusil de Narantsouak vers midi le 12 août et ils se divisèrent en deux groupes d’environ 80 hommes chacun. Le capitaine Harmon, qui avait choisi d’attaquer en passant par les champs de maïs de la tribu, ne rencontra aucun Indien et rata tout l’engagement. Le capitaine Moulton mena ses hommes directement dans le village. Ceux-ci avaient été avertis de demeurer silencieux et avaient reçu la consigne sévère de ne pas tirer tant que les ennemis n’auraient pas déchargé leurs armes. Les guerriers indiens, au nombre de 50 ou 60, pris par surprise, sortirent à la course de leurs maisons en tirant au hasard en direction des assaillants ; un tir discipliné leur répondit. Les Indiens firent feu de nouveau puis battirent en retraite pour aller retrouver les femmes et les enfants dont ils avaient tenté au début de couvrir la fuite. La plupart des hommes de Moulton s’élancèrent à leur poursuite et les pourchassèrent jusque dans la rivière et dans la forêt. Le vieux chef Mog* et le père Rale étaient restés au village pour faire face aux assaillants. Au moment où il faisait feu d’une hutte, Rale fut abattu par le lieutenant Richard Jaques, gendre de Harmon, allant ainsi à l’encontre des ordres de Moulton qui voulait que le missionnaire fût pris vivant. Narantsouak fut mis à sac, puis incendié, et les morts scalpés.
Après cette opération, le capitaine Moulton continua de prendre part à des expéditions de reconnaissance. Après la guerre, tout en demeurant officier de milice, il retourna à la vie civile. Il fut nommé juge, shérif du comté d’York, membre du Conseil du Massachusetts et titulaire de divers autres postes. Il exploita aussi des fermes et des moulins et fut du nombre de ceux qui fondèrent la ville qui sera connue plus tard sous le nom de Sanford, Maine. Au cours de la guerre de la Succession d’Autriche, Moulton, devenu colonel et l’un des militaires les plus expérimentés, reprit du service actif ; il commanda un des trois régiments du Massachusetts lors de l’expédition contre Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), en 1745. En avril de cette année-là il débarqua avec les troupes de la Nouvelle-Angleterre à Canseau (Canso) et, de là, au début de mai, à la tête d’un détachement du New Hampshire, il alla prendre puis raser Port-Toulouse (St Peters, N.-É.). Il participa régulièrement aux délibérations du conseil de guerre à Louisbourg et, après la chute de la ville, il resta avec les troupes d’occupation. Il ne retourna pas dans le Maine avant le mois de décembre 1745 ; peu après, on le nomma juge de la cour d’enregistrement et d’examen des testaments, pour le comté d’York.
La première femme de Moulton mourut en 1760 ; en 1762 il épousa madame Mary Lord. Il demeura jusqu’à sa mort, en 1765, un citoyen d’York actif et respecté. D’après un historien du Maine, « peu d’hommes de ce temps, dans cette province, ont joui à un tel point de la confiance populaire, ou ont été appelés à occuper tant de postes de confiance et de responsabilité [... C’était] un homme au jugement sûr, doué d’un caractère exceptionnel ».
La description de l’attaque de Narantsouak dans cette biographie est fondée en grande partie sur des sources provenant de la Nouvelle-Angleterre qui, à quelques exceptions près, semblent beaucoup plus exactes que les sources françaises, malgré leur partialité à l’égard du père Rale. La principale source française est une lettre du père Pierre de La Chasse, en date d’octobre 1724, reproduite dans JR (Thwaites), LXVI : 231–247. Parmi les principales sources provenant de la Nouvelle-Angleterre, il y a deux récits tirés de journaux, le New-England Courant (Boston), 17–24 août 1724, et le Boston News-Letter, 20–27 août 1724. Ces récits s’inspirent du témoignage sous serment du capitaine Harmon devant le Conseil du Massachusetts et attribuent à celui-ci le mérite du succès de l’attaque. Le récit de Moulton est incorporé à Hist. of Mass.-Bay (Mayo), II : 234–238, de Thomas Hutchinson. Celui-ci, historien prudent, eut de longues conversations avec Moulton au sujet de l’affaire. On trouvera un autre compte rendu de l’époque en consultant Hist. of wars with eastern Indians (1726), 102–104, de Penhallow. [a. r. s.]
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Alice R. Stewart, « MOULTON, JEREMIAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/moulton_jeremiah_3F.html.
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Auteur de l'article: | Alice R. Stewart |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
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Date de consultation: | 1 décembre 2024 |