MORTON, JAMES, brasseur, manufacturier, entrepreneur et homme politique, né probablement à Killylea, comté d’Armagh (Irlande du Nord), le 29 août 1808 ; il se maria et sept enfants lui survécurent ; décédé le 7 juillet 1864, à Kingston, Haut-Canada.

James Morton arriva à Kingston en 1824, probablement en qualité d’apprenti commis auprès de Thomas Molson qui établit une brasserie et une distillerie dans cette localité la même année. En 1831, Morton s’associa à Robert Drummond dans une nouvelle brasserie. Quand Drummond mourut, en 1834, il acheta ses intérêts à ses exécuteurs testamentaires et poursuivit l’exploitation de l’entreprise sous le nom de Kingston Brewery and Distillery.

Grâce à l’entraînement minutieux reçu de Molson, Morton était devenu un homme d’affaires averti. Ses produits, en particulier le Morton’s Proof Whisky, étaient réputés pour leur qualité ; il était personnellement populaire à Kingston, et son commerce prospérait. Après 1845, il entreprit d’investir dans l’immeuble et se porta acquéreur de nombreux immeubles de rapport à Kingston et dans les environs, et même jusqu’à Hamilton vers l’ouest. Il bâtit, sur un terrain qu’il avait acheté à Trenton, une grande scierie où il produisait plus de 700 000 pieds de bois de construction par année, dont la majeure partie était exportée aux États-Unis. Il établit également une cour à bois et un quai à Kingston. Apparemment pour que sa brasserie et sa scierie n’aient plus à dépendre des compagnies locales de navigation, il acquit des intérêts dans la navigation sur les Grands Lacs et, en 1855, il était propriétaire et armateur de sept ou huit cargos.

Il s’intéressa pour la première fois à la construction des chemins de fer en 1853 ou 1854. Il entra alors, en qualité d’associé commanditaire, dans la modeste entreprise de construction Valentine and Hall, à Kingston. Celle-ci, en concurrence avec Samuel Zimmerman*, tentait d’obtenir le contrat de construction du chemin de fer reliant Woodstock à Port Dover et Port Burwell sur le lac Érié. Grâce à Valentine and Hall, Morton fit la connaissance d’un ingénieur du nom de Hand et, avec ce dernier, il construisit la section de Kingston du Grand Tronc, terminée en octobre 1856. Vers 1854, Hand et Morton avaient acheté l’usine Tutton and Duncan, de Kingston, qui fabriquait des moteurs de navires à vapeur. Ils agrandirent l’usine, la rebaptisèrent Kingston Locomotive Works et entreprirent de construire des locomotives. Hand quitta bientôt l’entreprise et Morton poursuivit le travail seul.

En 1858, Morton atteignit le sommet de sa prospérité. Il acheta une maison appelée St Helen’s de Thomas Kirkpatrick et la transforma pour en faire Mortonwood, une des plus belles résidences de Kingston. Mais en 1860 Morton fit faillite. C’est une nouvelle entreprise dans les chemins de fer qui fut la cause de ses difficultés et aussi l’effondrement du système financier du Haut-Canada lors de la dépression de 1857.

Isaac Buchanan*, de Hamilton, avait acquis la mainmise sur les chartes pour la construction d’un chemin de fer reliant Hamilton à Windsor et qui devait s’appeler le Great South Western Railway ; toutefois, il avait subi de lourdes pertes dans ses transactions. Apparemment, Morton consentit à la fin des années 1850, en dépit des conseils de son ami et ancien avocat, John Alexander Macdonald*, à acheter les chartes de Buchanan et, par conséquent, obtint également les contrats de construction y ayant trait. Après bien des lenteurs et de nombreuses querelles au sujet des clauses de la transaction, Buchanan poursuivit Morton en justice en 1859 et £50 000 lui furent accordées en dommages-intérêts. Morton était dans l’impossibilité de payer cette somme et l’action en justice ruina son crédit, qui d’ailleurs n’était plus très solide. L’économie de la province était fondée sur un système de crédit à long terme consenti au moyen de traites bancaires et de billets à ordre qui n’avaient pas de garanties subsidiaires en valeurs négociables. La dépression, qui débuta en 1857 à la fin de la guerre de Crimée, et la diminution des investissements étrangers dans les chemins de fer canadiens furent la cause de l’effondrement de ce mode de crédit. Les traites des débiteurs de Morton, qu’il avait déposées à la Bank of Upper Canada pour ne pas être à découvert, perdirent toute valeur. Morton aurait pu intenter des actions en justice contre ses débiteurs et avoir gain de cause, mais il aurait alors ruiné ceux-là mêmes qui achetaient sa bière, son whisky, son bois, et ses locomotives, et il se serait retrouvé propriétaire du seul actif de ses débiteurs : des propriétés immobilières lourdement hypothéquées et pour lesquelles il n’y avait aucun marché. De plus, il avait endossé des emprunts pour de nombreux amis qui étaient eux-mêmes en faillite et il était maintenant dans l’obligation de rembourser ces emprunts. En 1859, sa dette à la seule Bank of Upper Canada s’élevait à $250 000.

Par suite des difficultés que connaissait Morton, la banque limita son crédit. Il lui devint impossible de payer ses créanciers, dont plusieurs le poursuivirent en justice avec succès. Mais la banque hésitait à intenter des poursuites à ses débiteurs dans des temps aussi difficiles. Dans le but d’obtenir certaines garanties de la part de Morton, le nouveau caissier (directeur général) de la banque, Robert Cassels*, l’obligea à hypothéquer tous ses biens mais à poursuivre l’exploitation de ses entreprises. Il fut aussi forcé, en 1861, de louer sa distillerie, la seule entreprise qui lui rapportait de l’argent comptant, à trois administrateurs de la banque pour la somme de $20 000 par an. De cette somme, Morton recevait $3 000 par an, et le solde servait à payer sa dette à la banque. Les autres créanciers de Morton vendirent à l’enchère plusieurs locomotives et les meubles de Mortonwood. Toutefois, la banque acheta les meubles et cela lui permit de continuer à vivre dans sa splendide maison.

La popularité de Morton se maintenait à Kingston. Grâce à l’influence de Macdonald, il fut élu à l’Assemblée dans le comté de Frontenac, en 1861, ayant remporté la victoire sur sir Henry Smith. Sa santé commençait à se détériorer cependant, et il n’occupa son siège à la chambre qu’en de rares occasions. Il ne se présenta pas aux élections de 1864 et mourut plus tard au cours de la même année.

James Morton représente bien ces premiers entrepreneurs industriels canadiens qui connurent la notoriété après 1845, mais qui, dès 1867, avaient fait faillite. Ils tentèrent d’exploiter leurs entreprises dans un système financier et de crédit adapté à une économie agricole et commerciale dont les plus importants hommes d’affaires étaient des commerçants qui exportaient des produits de base comme le bois et le blé, et importaient des produits manufacturés. Les grands établissements financiers qui, par l’accumulation du capital, auraient rendu possibles les opérations d’un entrepreneur industriel comme Morton n’étaient pas encore nés.

M. L. Magill

APC, MG 24, D16 ; MG 26, A, p.94 994.— QUA, Kirkpatrick-Nickle legal records.— J. of Education for U.C., XVII (1864) : 105s.— Daily British American (Kingston, Ont.), 8, 11 juill. 1864.— Merrill Denison, The barley and the stream ; the Molson story ; a footnote to Canadian history (Toronto, 1955).— Anne MacDermaid, The visit of the Prince of Wales to Kingston in 1860, Historic Kingston (Kingston, Ont.), 21 (mars 1973) : 50–61.— M. L. Magill, James Morton of Kingston-brewer, Historic Kingston, 21 (mars 1973) : 28–36.

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M. L. Magill, « MORTON, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/morton_james_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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