MORSE, ROBERT, ingénieur militaire, né le 29 février 1743/1744 dans la paroisse de Lamyatt, Angleterre, fils du rector de l’endroit, Thomas Morse ; en 1785, il épousa Sophia Godin, et ils eurent une fille, Harriet, qui épousa James Carmichael-Smyth* ; décédé le 20 janvier 1818 à Londres.
Comme il arriva à plusieurs diplômés de la Royal Military Academy de Woolwich (maintenant partie de Londres) pendant les années 1750, Robert Morse acquit sa première expérience pratique lors des raids timides de 1758 sur les côtes françaises. Après avoir servi aux Antilles, entre autres affectations, il fit partie du contingent britannique stationné en Westphalie (République fédérale d’Allemagne) de 1761 à 1763, puis travailla à la construction d’ouvrages défensifs sur les côtes anglaises. Ingénieur en chef aux Antilles de 1773 à 1779, il dut retourner aux ouvrages de défense côtiers, en Angleterre, après la perte, aux mains des Français, en 1779, des îles possédées par les Britanniques.
C’est pendant le séjour de Morse en Westphalie que sa carrière prit un tournant différent de celle de beaucoup de ses collègues. Possédant une grande expérience pratique, il semble avoir compris par ailleurs que le chauvinisme dédaigneux et solitaire de ces derniers n’était pas le meilleur moyen d’obtenir de l’avancement. Il était bien au fait des droits et privilèges des ingénieurs, mais un simple coup d’œil sur sa vie permet de conclure qu’il n’ignorait pas les avantages d’avoir des relations et qu’il en usait adroitement. Il apparaît comme un ingénieur doté d’une formation professionnelle et d’une grande expérience, qui sut combiner le prestige professionnel et les qualités sociales pour faire de sa carrière une réussite peu commune. En Westphalie, il avait servi comme aide de camp du marquis de Granby et, tant à cet endroit qu’en Angleterre, il varia ses occupations, passant de ses fonctions d’ingénieur à des emplois d’adjoint au quartier-maître général au sein de l’état-major.
Les brefs contacts de Morse avec le Canada commencèrent à New York où il servait, en 1782, comme ingénieur en chef sous les ordres de sir Guy Carleton. Ce dernier semble l’avoir favorisé et avoir appuyé sa démarche en vue de sa promotion au grade de lieutenant-colonel, obtenue en 1783. À l’été de cette année-là, les plans mis au point pour l’évacuation de New York étaient bien engagés, et il semblait évident que la situation future de la Nouvelle-Écosse et de ses moyens de défense serait importante pour les intérêts britanniques de l’après-guerre en Amérique du Nord. Peut-être parce qu’il ne voulait pas faire confiance au gouverneur de la Nouvelle-Écosse, John Parr*, Carleton voulut avoir une évaluation indépendante de la situation de la province ; il y envoya Morse, avec le mandat d’en « acquérir une connaissance générale [...] et d’en examiner le système de défense militaire, de même que les points forts et les avantages naturels ». Morse fut chargé d’étudier d’une façon spéciale les moyens de protéger la navigation, les pêcheries et les voies de communication avec le Canada, tout en portant une attention particulière au havre de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), au détroit de Canso et à la délicate région de la rivière Sainte-Croix, où la question des frontières était une cause de préoccupations.
Morse partit de New York à la fin de juillet 1783 et arriva à Halifax en août, au moment où, à New York, l’exode atteignait son sommet. Il se lança immédiatement dans une exploration, qui dura sept semaines, de la région des baies de Fundy et de Passamaquoddy, à bord d’un brigantin armé, le Maria. Comme il fallait s’y attendre, il fit remarquer à Carleton que ses relations avec Parr n’étaient « pas telles qu’[il] aurait pu le désirer ». Parr n’avait entendu parler pour la première fois de la mission de Morse qu’à l’arrivée à Halifax de celui-ci, et il ne fait guère de doute que le gouverneur, grognon et assiégé de toutes parts, vit dans le mandat de l’ingénieur militaire une nouvelle intrusion de Carleton, qu’il détestait. Parr s’imagina que Morse le croyait coupable de réserver, à son propre usage, des terres sur la baie de Passamaquoddy et, en juin 1785 encore, il suppliait son protecteur, lord Shelburne, de n’accorder aucun crédit aux histoires que Morse pourrait répandre à Londres dans ce sens.
Morse dut consacrer à sa mission beaucoup plus de temps que prévu, car il eut à affronter, en tant qu’ingénieur, la tâche supplémentaire de mettre de l’ordre dans le chaos qui régnait dans le domaine des approvisionnements de la garnison de la Nouvelle-Ecosse, à Halifax. Pendant l’hiver de 1783–1784, il s’employa à inspecter les fortifications de la province, donnant des conseils aux commandants locaux sur la réparation des casernes et prenant des notes pour son futur rapport. Il reçut à cette époque le titre d’ « ingénieur royal commandant en Amérique du Nord » et, en conséquence, il apparut, sur les rôles officiels, comme stationné à Québec ; mais ce titre était accordé à l’ingénieur le plus haut gradé au Canada, et il n’existe aucune preuve que Morse se rendît effectivement à Québec.
Morse termina son rapport peu après le mois de juillet 1784, l’intitulant « A general description of the province of Nova Scotia, and a report of the present state of the defences [...] ». On ignore s’il l’écrivit en Nouvelle-Écosse ou s’il l’acheva après son départ pour l’Angleterre en octobre 1784, et même s’il le soumit à Carleton, depuis longtemps rentré au pays.
La carrière subséquente de Morse se résume en une longue suite de promotions. Colonel en 1788 et cinq ans ingénieur commandant à Gibraltar (1791–1796), il devint membre du prestigieux Tower Committee du Board of Ordnance. Ingénieur en chef intérimaire de la Grande-Bretagne, il réorganisa, semble-t-il, entièrement le Board of Ordnance : le poste d’ingénieur en chef fut aboli, et celui d’inspecteur général des fortifications créé. Morse fut le premier titulaire de cette dernière fonction, de 1802 à 1811. Aussi longtemps qu’on ne disposera pas d’une bonne histoire des Royal Engineers, il sera impossible de savoir si Morse prit ses fonctions à la légère ou s’il gouverna ce corps avec une main de fer, quoique de loin. Il parvint au grade de général en 1808 et, lorsqu’il prit sa retraite en 1811, il reçut par ordre royal un généreux supplément de pension. On semble cependant avoir vite oublié les services qu’il rendit. La nécrologie parue dans le Gentleman’s Magazine mentionnait simplement ceci : « 28 janvier. À Devonshire Place, Général Morse. » Morse fut enseveli dans l’église de Marylebone, à Londres.
L’importance de Morse dans l’histoire du Canada provient de sa « Général description », et le fait qu’il a été reconnu est peut-être attribuable à la publication de ce rapport par Douglas Brymner* dans le Rapport des Archives publiques du Canada de 1884. Brymner note que Morse avait « suggéré l’union des provinces Maritimes avec le Canada, l’île du Cap-Breton devant être le siège du gouvernement ». Certes, il y a beaucoup de considérations intéressantes dans ce rapport, et la clarté du style de Morse en facilite énormément la lecture. Ses descriptions des lieux et des particularités de la nature sont alertes et émaillées de faits, et ses notes sur l’histoire naturelle ont un ton de vérité. Les Néo-Écossais pourraient ne pas aimer ses descriptions de leur climat, mais elles sont très pertinentes. Morse analyse brièvement la complexité, du point de vue géographique, de la dispute au sujet du tracé de la frontière avec le Maine à la rivière Sainte-Croix. Il se montre sympathique envers les Loyalistes, dont il attribue les problèmes en partie au « manque de prévision et de sagesse » des autorités (provinciales, vraisemblablement) ; et il a une piètre opinion de la loyauté et du caractère des habitants préloyalistes de la province. Il est sur un terrain plus familier quand il aborde les ouvrages de défense et, comme il était à prévoir, il critique la fausse économie qui consistait à consacrer sans cesse de l’argent à des réparations temporaires, tout en négligeant de construire des fortifications durables. Les 13 plans annexés à son rapport sont des versions remaniées de plans faits par de précédents ingénieurs royaux, à l’exception d’un beau plan de Halifax, qui fut confectionné pour Morse par Charles Blaskowitz.
Le rapport se termine sur la suggestion d’« unir ces provinces au Canada », mentionnée par Brymner. Robert Morse recommande en outre que l’on « emploie un homme capable de présider à cet ensemble [...] un homme intègre et compétent, et d’une grande compréhension ». Pensait-il à Guy Carleton ?
APC, MG 11, [CO 217] Nova Scotia A, 105 : 25, 27 ; MG 23, A4, 88. Parr à lord Shelburne, 27 juin 1785 (copies dactylographiées).— BL, King’s mss 208–209, Robert Morse, « A general description of the province of Nova Scotia, and a report of the present state of the defences [...] » (publié aussi dans APC Report, 1884 : xxvii-lix).— PRO, PRO 30/55, nos 5583, 8538, 8540, 9521, 9535 (copies dactylographiées aux APC).— Annual Reg. (Londres), 1808 (nouv. éd., 1820) : 175.— Douglas Brymner, « Report on historical archives », APC Report, 1884 : xi.— Gentleman’s Magazine, janv.-juin 1818 : 91, 377.— Winslow papers (Raymond), 294.— DNB.— Roll of officers of the Corps of Royal Engineers from 1660 to 1898 [...], R. F. Edwards, édit. (Chatham, Angl., 1898), 8.— Whitworth Porter et al., History of the Corps of Royal Engineers (9 vol. parus, Londres et Chatham, 1889– ; réimpr. des vol. 1–3, Chatham, 1951–1954), 1 : 98, 183s., 189, 198 ; 2 : 94, 204.
Maxwell Sutherland, « MORSE, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/morse_robert_5F.html.
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Auteur de l'article: | Maxwell Sutherland |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
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