MORRISON, THOMAS FLETCHER, capitaine de marine marchande, fermier et homme politique, né le 22 février 1808 à Londonderry, Nouvelle-Écosse, fils de Joseph A. Morrison, fermier, et d’Isabella Fletcher ; en 1838, il épousa Hannah Faulkner, puis, en 1844, Margaret Brown Fletcher ; décédé le 23 juillet 1886 à Folly Village, Nouvelle-Écosse.
La famille de Thomas Fletcher Morrison avait quitté l’Irlande pour aller s’établir en Nouvelle-Angleterre vers 1720 et, en 1760, le grand-père de Morrison, le capitaine John Morrison, déménagea du New Hampshire pour venir s’installer dans une ferme dans le district de Cobequid (Colchester), qu’il représenta à l’Assemblée. Thomas Fletcher Morrison reçut une éducation scolaire très réduite, mais grâce à des cours particuliers il s’initia à la navigation et, pendant plus de 25 ans, il s’adonna au cabotage comme capitaine de marine marchande. Quand il laissa la navigation, il fit de l’agriculture sa principale activité bien qu’il exerçât aussi des fonctions de moindre importance comme celles d’agent d’immigration et d’inspecteur de navires et qu’il s’occupât d’œuvres sociales, particulièrement à l’église presbytérienne locale.
Élu à l’Assemblée provinciale en qualité de député libéral du canton de Londonderry en 1855 et réélu dans la division nord de Colchester en mai 1859, Morrison siégea jusqu’en 1863. Selon un observateur, son premier discours « jeta l’Assemblée dans la consternation » ; bon nombre de députés pensèrent que l’acteur anglais David Garrick « était ressuscité d’entre les morts et s’était installé à Londonderry ». Sa voix de stentor, ses histoires amusantes, son ton animé et son style oratoire pompeux le distinguaient des autres. Un auditeur pensait que Morrison tenait son style de « l’excentrique éloquence de la chaire du père Taylor » qu’il avait entendu à Boston, ou peut-être du « style oratoire déclamatoire, vociférateur et dément des charlatans de la tempérance. Un autre croyait que son timbre de voix venait du long et constant exercice de celle-ci au milieu des mugissements du vent et du déferlement des vagues. » De toute façon, il ne tarda pas à mériter le sobriquet de « Rolling Billows » (flots agités). Homme au franc-parler, il ne se serait pas laissé conter des balivernes par quiconque. Comme nouveau député, il déclara au premier ministre James William Johnston* qu’il « s’attend[ait] autant à voir le tigre féroce changé en doux agneau par la pression morale d’un alligator que [de le voir, lui,] défendre les libertés [...] du peuple ».
Morrison ne se porta pas candidat en 1863 et il ne faisait pas partie de l’Assemblée lorsque la question de la confédération fut soulevée, mais il appuya énergiquement les adversaires de ce projet dans la presse avant d’être élu de nouveau à l’Assemblée en septembre 1867. Comme il soutenait que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique était inconstitutionnel, il s’exposa à l’Assemblée aux sarcasmes du leader de ceux qui étaient favorables à la Confédération, Hiram Blanchard*, qui invita les légistes de la couronne britannique à devenir des disciples de Morrison et à profiter de sa vaste connaissance du droit constitutionnel. Mais bien qu’il demeurât inflexiblement opposé à la Confédération, Morrison refusa, en bon membre de parti qu’il était, de se joindre aux adversaires acharnés de la Confédération, tels que le docteur George Murray et William Kidston, qui accusaient le gouvernement libéral provincial « d’accept[er] la situation ». À quelques reprises, Morrison laissa entendre que la Confédération s’écroulerait d’elle-même parce qu’elle constituait une création artificielle ; le plus souvent, il préconisa que les « meilleures conditions de 1869 » de Joseph Howe* fussent considérées comme un premier acompte sur la somme due par le gouvernement fédéral à la Nouvelle-Écosse et qu’à la suite d’autres versements, on consultât le peuple. Dans le cas où les gens n’accepteraient pas la situation, on enverrait alors des délégués en Grande-Bretagne réclamer l’abrogation à cor et à cri pour réveiller même « le stupide ministère endormi [...] de Downing Street ». Avant les élections provinciales de 1871, Morrison dépeignit cette « pauvre vieille Nouvelle-Écosse, dans l’étreinte froide, glaciale et despotique du Canada, blessée, déchirée et saignée par tous les pores » et souhaita que pas un seul partisan de la Confédération ne fût élu.
Morrison qui passait surtout pour un censeur n’en présenta pas moins le projet de loi qui introduisit en 1870 le scrutin secret lors des élections. D’abord hostile à cette mesure, il espéra ensuite que ce mode de scrutin réduirait l’influence des partisans de la Confédération lors des élections provinciales. Il fut déçu cependant de ce que le Conseil législatif eût supprimé les cartes de couleur qui permettaient aux illettrés de voter sans aide. La première application du scrutin secret à une élection partielle en 1870 n’avait pas comblé les attentes des adversaires de la Confédération et, en 1871 et 1873, ils votèrent à l’Assemblée, contre l’avis de Morrison, pour son abolition. Le Conseil législatif rejeta cependant les résolutions de l’Assemblée en ces deux occasions. Morrison défendit une prérogative de l’Assemblée, en dénonçant sévèrement une proposition des conservateurs visant à retirer aux comités de l’Assemblée, pour la remettre aux tribunaux, la prérogative de juger les litiges électoraux, surtout parce que cette mesure conférait des pouvoirs discrétionnaires aux juges favorables à la Confédération. Ce débat donna lieu au discours le plus célèbre de Morrison dans lequel celui-ci invoqua la raison, la liberté et le patriotisme pour éviter que l’Assemblée provinciale ne tombât sous la coupe de juges irresponsables : « Génie de la Raison, où êtes-vous ? Avez-vous fui ces assises et permis au despotisme et à la folie de régner à votre place ? Génie de la Liberté, vers quel lieu vous êtes-vous enfui ? Vous êtes-vous réfugié dans les sombres recoins du front de la montagne pour y cacher votre tête jusqu’à ce que cette tourmente despotique se dissipât [...] Génie du Patriotisme [...] regagnez votre poste. »
Réélu en 1871, Morrison arriva bon dernier à l’élection du comté de Colchester en 1874. Toutefois, le gouvernement libéral de Philip Carteret Hill* le nomma conseiller législatif en janvier 1876 et, selon un observateur, « l’histoire des dernières années de sa vie est celle du Conseil législatif ». Cela se révéla particulièrement exact entre 1879 et 1882 car, si Arthur McNutt Cochran dirigeait nominalement les libéraux à la chambre haute, Morrison formula la plus grande partie des critiques contre les gouvernements conservateurs de Simon Hugh Holmes* et de John Sparrow David Thompson* ; il attaqua avec succès les projets de loi gouvernementaux tels celui sur la consolidation des dettes de 1879 et ceux sur les ponts de 1881 et 1882. Mais même Morrison ne réussit pas à amener ses confrères libéraux à défaire le principal projet de loi présenté en 1882, celui qui avait trait à l’unification des chemins de fer. Pour Morrison, le conseil avait pour rôle de fournir « une réflexion pondérée et sans passion » afin d’aller jusqu’à sonder les intentions les plus secrètes du gouvernement et à exercer une surveillance minutieuse de sa politique financière et de la bonne marche de celle-ci. Il contribua ainsi à donner au conseil une image partisane qui ne devait plus s’estomper.
Lorsque les libéraux reprirent le pouvoir en août 1883, Morrison devint membre du Conseil exécutif et, à la mort de Cochran un an plus tard, il devint également leader du gouvernement au Conseil législatif. À ce titre, il défendit avec vigueur les demandes du gouvernement de la Nouvelle-Écosse à Ottawa en vue d’obtenir de meilleures conditions financières pour la province aux abois ; il soutenait parfois une opinion de son cru, selon laquelle le gouvernement fédéral devait à la Nouvelle-Écosse plus de $800 000 d’indemnités compensatoires pour dettes. Pendant les dernières années de sa vie, ses échanges sur cette question avec un autre conseiller de Colchester, le conservateur Samuel Creelman*, animèrent les débats du conseil.
Fils de ses œuvres et autodidacte, Morrison se mit très au fait, voire connut à fond de nombreuses facettes des affaires publiques. Considéré comme un « original », il fut trop partisan pour être un novateur. Cependant, son style oratoire pompeux le rendit sans aucun doute unique dans les annales de la législature de la Nouvelle-Écosse.
N.-É., House of Assembly, Debates and proc., 1856–1863 ; 1868–1874 ; Legislative Council, Journal of proc., 1876–1886.— Acadian Recorder, 26 juill. 1856.— Morning Chronicle (Halifax), 24 juill. 1886.— Canadian biog. dict., II : 495s.— [Benjamin] Russell, « Reminiscences of a legislature », Dalhousie Rev., 3 (1923–1924) : 5–16.
J. Murray Beck, « MORRISON, THOMAS FLETCHER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/morrison_thomas_fletcher_11F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
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