MOORE, JOHN THOMAS, homme d’affaires, comptable et homme politique, né le 3 juillet 1844 dans le canton de Markham, Haut-Canada, fils de William Kerr Moore et d’Isabella Moore ; le 23 août 1871, il épousa à Galt (Cambridge, Ontario) Annie Addison, et ils eurent une fille et deux fils, puis le 3 juin 1914, à Montréal, Alice Rogers Forbes, veuve ; décédé le 5 juin 1917 à Toronto.

John Thomas Moore fréquenta l’école à Berlin (Kitchener, Ontario), où sa famille s’était installée peu après sa naissance et où son père fit une belle carrière en affaires. Registrateur adjoint du comté de Waterloo de 1864 à 1870, il partit ensuite pour Toronto, où il fit quelques études de médecine et de droit. Ambitieux et impatient, il abandonna ces deux voies, se retrouva dans les assurances et se qualifia comme comptable (en 1890–1891, il serait président de l’Institute of Chartered Accountants of Ontario). Il fréquentait assidûment l’église Metropolitan, le principal temple méthodiste de la ville. C’est notamment à cause de ses relations avec des membres de sa congrégation que, dans ses années de maturité, le Nord-Ouest canadien deviendrait son principal lieu d’activité.

En 1880, la Missionary Society of the Methodist Church of Canada envoya son secrétaire-trésorier, le révérend Alexander Sutherland*, évaluer dans quelle mesure il fallait intensifier l’effort missionnaire dans le Nord-Ouest. Sutherland conclut que les Églises chrétiennes évangéliques se devaient de régénérer spirituellement la société à partir de cette région et qu’une véritable occasion de le faire s’offrait à elles. Il intéressa à son projet d’autres éminents méthodistes et, ensemble, ils fondèrent en 1882 la Saskatchewan Land and Homestead Company Limited. Le président en était John Jacob Withrow*, et l’administrateur délégué, Moore – alors commis principal chez Scott and Walsmley, courtiers d’assurances à Toronto. Envoyé dans le Nord-Ouest cet été-là, Moore en revint animé d’un optimisme qui ne le quitterait plus.

L’entreprise obtint trois grandes concessions foncières : une à Crescent Lake (Saskatchewan), une au « coude » de la Saskatchewan-du-Nord et une autre le long de la rivière Red Deer (Alberta). Le 27 mars 1883, Moore conduisit le premier groupe de colons par train spécial à Crescent Lake. En 1884, il était en Angleterre, où il donnait des conférences sur le Canada et recrutait des colons. La même année, il publia à Toronto un panégyrique sur les terres de la compagnie, The settlers’ guide to homesteads in the Canadian north-west. Cependant, moins d’un an plus tard, la rébellion du Nord-Ouest interrompait l’immigration pour un certain temps. Les ventes de terres n’augmentèrent pas au xixe siècle et les administrateurs, semble-t-il, échangèrent une bonne partie de leurs actions contre des terrains. Même si Moore continuait de travailler au développement, les affaires étaient si calmes qu’il conclut à la nécessité de se trouver d’autres sources de revenus. La croissance soudaine de la construction résidentielle à Toronto dans les années 1880 lui en donna l’occasion. En 1890, il fit partie du groupe qui forma la Toronto Belt Land Corporation Limited en vue de promouvoir les nouvelles banlieues : Moore Park, Forest Hill, Fairbank et Fairbank Junction. Toutefois, la demande avait beaucoup été surestimée, et l’entreprise fit faillite avant que ne soit achevé, en 1892, le Toronto Belt Line Railway, qui donnait accès aux banlieues et dont Moore était vice-président.

À l’aube du xxe siècle, le marché immobilier était actif dans l’Ouest. En 1901, Moore partit travailler pour la Saskatchewan Land and Homestead Company Limited à Red Deer, tout en laissant sa famille à Moore Park. Pourtant, l’année suivante, au moment même où le marché atteignait un sommet, il annonça la liquidation de l’entreprise. La cause apparente en était la saisie d’une hypothèque par la succession d’Edward Leadlay, un des fondateurs de la compagnie, mais en fait, Moore tentait de s’approprier les terres de l’entreprise. Accusé de fraude, il fut exonéré de tout blâme en 1905, mais la compagnie finit par le mettre à la porte.

Moore et d’autres hommes d’affaires de Red Deer avaient lancé la Western Telephone Company en 1902 et la Western General Electric Company en 1903. Toutes deux obtinrent du conseil municipal une concession de 25 ans. Moore les réorganisa en 1904 sous le nom de Western General Electric Company Limited. Cette société commença de fournir de l’électricité plus tard la même année et des services téléphoniques en 1905. Par la suite, Moore devint favorable à l’étatisation du réseau de téléphone. Au moment où le gouvernement provincial fit son entrée dans ce secteur, en 1907, la Western General Electric devançait la Compagnie canadienne de téléphone Bell dans la région, grâce à de meilleures techniques et à des tarifs plus bas. En 1920, elle vendrait ses intérêts dans la téléphonie à la province.

Par ailleurs, Moore fut éditeur et rédacteur en chef de l’Alberta Advocate de Red Deer en 1905–1906 et membre du conseil d’administration, puis président de l’Alberta Central Railway Company, constituée juridiquement en 1901. À l’origine, il avait organisé cette société en vue de desservir les terres de la Saskatchewan Land and Homestead Company qui se trouvaient à l’est et à l’ouest de Red Deer. Toutefois, dans ses premières années d’existence, elle ne fit guère que solliciter des prolongations de sa charte et des subventions gouvernementales. En 1908, les libéraux fédéraux lui octroyèrent des fonds pour construire la ligne qui relierait Red Deer à Rocky Mountain House et aux terrains houillers de l’Ouest. Deux ans plus tard, sir Wilfrid Laurier inaugura les travaux. Entre-temps, dans des campagnes électorales, Moore avait fait miroiter les emplois que créerait le chemin de fer. En 1905, quand l’Alberta devint une province, il fut élu député de Red Deer à l’Assemblée législative. Comme il avait été échevin à Toronto en 1883–1884, il avait une certaine expérience de la politique. On le considérait comme un puissant orateur. De l’avis de ses contemporains, son meilleur discours fut celui dans lequel il mit en évidence les avantages de choisir Red Deer comme capitale provinciale. Partisan du gouvernement libéral d’Alexander Cameron Rutherford*, il subit la défaite aux élections de 1909.

Moore et sa famille avaient quitté Toronto en 1905 et leur maison, Avoca Vale, avait été louée, puis vendue. Après la mort de sa première femme, Annie Addison, en 1911, Moore retourna à Moore Park, bâtit une deuxième maison qu’il appela aussi Avoca Vale et se mit à cultiver des roses. Il commanda d’abord 15 000 plants en Irlande. Un jardinier, originaire d’Écosse, s’en occupait en permanence. Moore fut nommé président honoraire de la Rose Society of Ontario au moment de l’organisation de cette association, en 1913, et il en était le principal donateur. En 1914, il affirmait avoir 100 000 roses dans son jardin. La même année, à la veille de son second mariage, un incendie détruisit Avoca Vale. Les roses échappèrent au désastre, mais Moore perdit une grande part de son optimisme et de son exubérance. Selon ses contemporains, il n’était plus que l’ombre de lui-même. À l’issue d’un an de maladie, il succomba à une crise cardiaque en 1917.

John Thomas Moore mourut plus ou moins comme il avait vécu, au milieu des litiges et des difficultés financières. Son testament reflète tout à fait son mauvais caractère et sa mesquinerie. Il légua tous ses biens à sa deuxième femme, à la condition qu’elle verse une petite somme à sa fille, et ne donna rien à ses garçons. Comme tout son actif fut transféré au bénéfice de ses créanciers – transfert que ses enfants tentèrent en vain d’empêcher par des poursuites judiciaires –, son testament ne servit à peu près à rien. Par contre, Red Deer continua de prospérer et les roses d’Avoca Vale de fleurir.

Philip Creighton

John Thomas Moore est l’auteur de The settlers’ guide to homesteads in the Canadian north-west (Toronto, 1884).

AO, RG 22-305, n34423 ; RG 80-5-0-19, 18 : f.216.— Red Deer and District Arch. (Red Deer, Alberta), C-IV-2 (Saskatchewan Land and Homestead Company fonds) ; S-11-3-5 (E. L. Meeres fonds), boxes III–V.— Globe, 25 août 1871, 11 sept. 1911, 6 juin 1914, 6 juin 1917.— Red Deer Advocate, 15 mai 1914, 4 févr. 1967.— World (Toronto), 6 juin 1917.— Donna Baker, Moore Park : an introductory history ([Toronto], 1984).— B. E. Batchelor, « The agrarian frontier near Red Deer and Lacombe, Alberta, 1884–1914 » (thèse de ph.d., Simon Fraser Univ., Burnaby, C.-B., 1978).— [A. W.] Cashman, Singing wires : the telephone in Alberta (Edmonton, 1972).— CPG, 1909.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— M. J. Dawe, Red Deer : an illustrated history (Burlington, Ontario, 1989).— Michael Kluckner, Toronto : the way it was (Toronto, 1988).

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Philip Creighton, « MOORE, JOHN THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/moore_john_thomas_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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