MILLS, THOMAS WESLEY, médecin, physiologiste, vétérinaire et éducateur, né le 22 février 1847 à Brockville, Haut-Canada, fils de James Mills et d’Alice Welch ; il épousa d’abord une prénommée Eleanor (décédée en 1901), et ils eurent une fille, puis en septembre 1903, Kate Samuels ; décédé le 13 février 1915 à Londres.

Biologiste polyvalent et novateur, Thomas Wesley Mills fut le premier physiologiste professionnel du Canada. Au University College de Toronto, où il s’inscrivit en arts en 1867, il manifesta un fort penchant pour la philosophie, ce qui ne l’empêcha pas de se joindre au cercle d’études scientifiques de James Bovell* à la Toronto School of Medicine. Dans ce cercle, il était réputé pour son esprit curieux et critique. Après avoir obtenu sa licence en 1871 (il décrocherait une maîtrise ès arts l’année suivante), il enseigna durant deux ans à l’école secondaire d’Elora pour payer ses études futures. Ensuite, il partit pour Montréal afin de faire carrière comme violoniste classique, mais il rencontra un ancien condisciple de Toronto, William Osler, professeur au McGill College, qui le convainquit d’étudier la médecine. Entré à la faculté de médecine de McGill en 1876, il y reçut un diplôme avec grande distinction en 1878.

Durant les deux années suivantes, Mills fit sa résidence au City Hospital de Hamilton, en Ontario. Sa passion pour la musique l’amena à se spécialiser en laryngologie, discipline qu’il étudia en Angleterre auprès de Morell Mackenzie. Pendant ce même séjour en Angleterre, il passa un certain temps au University College de Londres, au laboratoire de physiologie de John Scott Burdon-Sanderson et d’Edward Albert Schafer. En 1881, il rentra à Montréal en vue de pratiquer la laryngologie, mais Osler intervint encore une fois et le prit à titre privé comme démonstrateur de physiologie à la faculté de médecine. Au bout de trois ans, Mills abandonna sa pratique de laryngologue pour se consacrer entièrement à la recherche et à l’enseignement en physiologie.

Ce fut probablement par l’intermédiaire d’Osler que Mills noua bon nombre des relations qui lui permirent de faire d’excellentes études supérieures. En 1882–1883, il était de nouveau au University College de Londres ; il travailla également avec Henry Newell Martin, étudiant de Thomas Henry Huxley, dans les laboratoires de biologie de la Johns Hopkins University à Baltimore (où il ferait une deuxième période d’études en 1885). À son retour à Montréal en octobre 1883, McGill l’engagea officiellement comme démonstrateur de physiologie et d’histologie appliquées. Mills passa une bonne partie du printemps de 1884 à Strasbourg (France), avec les éminents physiologistes Felix Hoppe-Seyler et Friedrich Goltz, et à Berlin (avec Osler), au laboratoire du chimiste et physiologiste Hugo Kronecker, dont les recherches sur le cœur influencèrent beaucoup ses premières publications. Quand Osler quitta Montréal pour Philadelphie en 1884, Mills enseigna la physiologie à sa place ; d’abord chargé de cours, il devint professeur en 1886, puis accéda en 1891 à la chaire Joseph Morley Drake de physiologie.

Avant tout homme de science et éducateur scientifique, Mills enseignait dans une faculté où la physiologie était considérée comme une science préclinique plutôt que comme une fin en soi. Mills, quant à lui, soutenait que la médecine était de la biologie appliquée et qu’il fallait l’enseigner comme telle. À cause de ses opinions, il avait des différends avec ses collègues et, quelquefois, avec ses étudiants. Aucun d’entre eux ne pouvait correspondre à son idéal : « que tous les étudiants de médecine [...] soient des philosophes de la médecine et [...] se plongent dans les mystères de la psychologie et de la philosophie ». Parmi les manuels qu’il produisit pour ses cours à McGill figurait une longue série de travaux conçus pour un laboratoire universitaire de physiologie qui était le premier du genre au Canada. Mills innova aussi en intégrant, à l’enseignement de la physiologie, des expériences sur des animaux vivants ; il élevait d’ailleurs ses propres animaux de laboratoire sur le terrain de sa maison à Westmount. En outre, son approche de la physiologie était résolument comparative. Il enseigna la physiologie et la cynologie au Montreal Veterinary College, future faculté de médecine comparative et de science vétérinaire de McGill, dont il obtint en 1890 un doctorat en médecine vétérinaire. Dès 1885, il avait fondé la Society for the Study of Comparative Physiology, affiliée au collège vétérinaire. Au fil du temps, ses publications portèrent de plus en plus sur la physiologie animale.

Mills publia un certain nombre d’articles proprement médicaux, mais ce n’est là qu’un aspect mineur de son œuvre, et leur quantité chuta à compter de 1890. Ses principaux écrits portaient sur la physiologie animale (sujet dominant dans la période 1884–1892), la psychologie animale (1892–1906) et les aspects physiologiques de la musique, la production de la voix surtout (1906–1915). Parmi ses textes de physiologie, on trouve notamment des études sur l’innervation du cœur chez les reptiles et les poissons de même que sur les sécrétions glandulaires et digestives. Il publia en 1889, à New York et à Londres, A text-book of animal physiology [...], paru en édition révisée en 1890 sous le titre A text-book of comparative physiology [...]. Il fit son entrée en psychologie comparative en 1887, en présentant devant la Société royale du Canada une communication sur les habitudes et l’intelligence des écureuils. Suivirent des études sur la psychologie du développement et la localisation du cortex cérébral, et surtout The nature and development of animal intelligence, paru à New York en 1898. Ses recherches sur la formation du comportement étaient novatrices, comme son idée de faire des expériences sur les animaux en les plaçant dans des conditions proches de celles de leur milieu naturel plutôt que dans des cages. Il mettait l’accent sur la valeur des études fondées sur l’observation et sur l’importance des différences individuelles, et il en tira des implications pour la théorie de l’évolution. Bien que contesté par le psychologue américain Edward Lee Thorndike et d’autres, Mills est reconnu comme l’un des pionniers de l’étude de la formation du comportement. Il figura parmi les premiers membres additionnels nommés à l’assemblée inaugurale de l’American Psychological Association en 1892. Il réalisa toutes ses recherches en collaboration étroite avec le Montreal Veterinary College ; apparemment, il avait enfin trouvé en la personne du directeur de cet établissement, Duncan McNab McEachran*, un collègue avec qui ses relations étaient satisfaisantes. Deux de ses publications, parues à New York, soit How to keep a dog in the city (1891) et The dog in health and disease [...] (1892), témoignent de son intérêt pour les applications de la science vétérinaire.

La première étude de Mills sur la physiologie de la production de la voix parut en 1884 dans le Journal of Physiology de Londres, mais sa renommée hors des cercles médicaux en tant que spécialiste dans ce domaine est fondée sur Voice production in singing and speaking [...], paru à Philadelphie et à Londres en 1906. Une quatrième édition de Voice production parut en 1913 et une sixième édition après sa mort. Mills enseigna l’hygiène de la voix au McGill Conservatorium of Music et, à compter de 1899, au département de musique du Royal Victoria College.

Elu à la Société royale du Canada en 1890, Mills fut président de la section iv en 1896 et en 1903. Il fut aussi président de la Société d’histoire naturelle de Montréal en 1894 et membre de nombreuses sociétés médicales et scientifiques.

Thomas Wesley Mills subit une prostatectomie en 1906 et prit sa retraite en 1910 pour des raisons de santé. Installé à Londres avec sa deuxième femme, la cantatrice australienne Kate Samuels, il y mourut d’une crise cardiaque en 1915. Ceux qui le connaissaient le mieux, Osler en particulier, le tenaient pour un scientifique de génie, mais admettaient franchement qu’il était dépourvu d’humour, bourru, sentencieux et d’un pharisaïsme assez querelleur. Ses relations avec la faculté de médecine ne furent jamais heureuses. Il se sentait incompris et sous-estimé par la plupart de ses collègues, et ses recherches, en raison de leurs sujets, furent de moins en moins susceptibles de produire des résultats directement applicables en médecine. Jamais il ne forma une véritable équipe de laboratoire ni une lignée d’étudiants. Fait significatif, la faculté lui adjoignit en 1892 un assistant, William Stairs Morrow, qui non seulement était populaire auprès des étudiants, mais faisait de la recherche sur le pouls veineux, sujet qui intéressait la médecine et que l’avènement de l’électrocardiographie, une dizaine d’années plus tard, rendrait encore plus pertinent. À cause de son isolement et de l’éparpillement de ses sujets de recherche, Mills fit une carrière scientifique assez indéfinie dont l’importance demeure encore difficile à évaluer.

Faith Wallis

Le laboratoire, la bibliothèque et le matériel de recherche de Thomas Wesley Mills ont été détruits par un incendie qui a rasé la faculté de médecine de la McGill University en 1907. Les McGill Univ. Libraries conservent 86 albums de coupures de journaux annotées sur des événements politiques et culturels (notamment sur des opéras et des pièces de théâtre) que Mills a ressemblées pendant sa retraite (Dept. of Rare Books and Special Coll., ms coll., MS 218). Les procès-verbaux de la faculté de médecine permettent de retracer la carrière de Mills à McGill (McGill Univ. Arch., RG 38). Ce dernier a fait partie à un moment donné du comité pédagogique de la faculté, dont les procès-verbaux se trouvent aussi sous la cote RG 38. Les procès-verbaux de la Montreal Medico-Chirurgical Soc. (McGill Univ. Libraries, Osler Library, MS544/38/65/S/4) et ceux de la Natural Hist. Soc. of Montreal (McGill Univ. Libraries, Blacker-Wood Library, Montreal Natural Hist. Soc. Arch.) indiquent que Mills a fait partie de ces deux organismes. Un certain nombre d’annonces parues dans la presse de l’époque sont conservées dans les albums de l’université (McGill Univ. Arch., RG 49).

On a trouvé peu de correspondance rédigée par Mills. Il y a quelques lettres dans les papiers William Drysdale (McGill Univ. Libraries, Dept. of Rare Books and Special Coll., ms coll., MS 416), les papiers John William Dawson (McGill Univ. Arch., MG 1022) et ceux de William Peterson, directeur de McGill (RG 2, c.16). Il existe une lettre du docteur sir William Osler au docteur Herbert Stanley Birkett concernant le décès de Mills (McGill Univ. Libraries, Osler Library, Acc. 326/1.6) et une autre adressée au docteur Francis John Shepherd dans les papiers Harvey William Cushing (Acc. 417/13/116). Pour avoir de l’information sur l’enseignement de la physiologie à McGill, voir les documents compilés par le docteur Frank Campbell MacIntosh (Acc. 894).

En plus des monographies rédigées par Mills et mentionnées dans la biographie, les suivantes sont dignes de mentions : Outlines of lectures on physiology [...] (Montréal, 1886) ; Class laboratory exercises in physiology (Montréal, 1903). On trouve deux bibliographies incomplètes des articles écrits par Mills : SRC, Mémoires, 1er sér., 12 (1894), proc. : 60s. et Science and technology biblio. (Richardson et MacDonald). Les articles suivants, non répertoriés dans une ou l’autre des bibliographies, ont rapport à la biographie : de nombreux articles dans A reference handbook of the medical sciences [...], A. H. Buck, compil. (9 vol., New York, 1885–1893) ; « Valedictory address delivered to the graduates in medicine of McGill University, April 1st, 1889 », « Address to the graduating class in medicine of McGill University » et « A critical estimate of the medical education of the day [...] », Montreal Medical Journal, 17 (1889) : 721–736, 35 (1906) : 465–475 et 39 (1910) : 168–196 respectivement ; « Note » et « Some considerations bearing on the surgeon, the patient, the student, and the nurse […] », British Medical Journal (Londres), janv.–juin 1903 : 846s. et janv.–juin 1910 : 682–686, respectivement ; « The Montreal Veterinary College and its founder and principal », Journal of Comparative Medicine and Surgery (Philadelphie), 9 (1888) : 78–84 ; « Animal electricity », dans An international system of electro-therapeutics [...], H. R. Bigelow et al., édit. (Philadelphie, 1894).

Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), 5 (1915) : 338–341 (notice nécrologique).— H. W. Cushing, The life of Sir William Osler (2 vol., Oxford, Angleterre, 1925 ; réimpr., Londres et New York, 1940).— Mary Cyr, « Books on old violins and 19th-century playing from the bequest of T. Wesley Mills », Fontanus (Montréal), 3 (1990) : 35–44.— D. A. Dewsbury, Comparative psychology in the twentieth century (Stroudsburg, Pa, 1984).— Lancet (Londres), 27 févr. 1915 : 466 (notice nécrologique).— « The retirement of Wesley Mills », Montreal Medical Journal, 39 (1910) :196–199.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Faith Wallis, « MILLS, THOMAS WESLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mills_thomas_wesley_14F.html.

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Auteur de l'article:    Faith Wallis
Titre de l'article:    MILLS, THOMAS WESLEY
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    28 novembre 2024