MIGISI (qui veut dire « aigle » ; ses lettres étaient généralement signées Michel d’Aigle Dokis), chef sauteux, né vers 1818 dans les environs du lac Nipissing, Haut-Canada ; il eut des fils et des filles ; décédé le 25 avril 1906 dans la réserve indienne Dokis, Ontario.

Un compte rendu des antécédents de Migisi donné au département des Affaires indiennes par un employé anglophone indique qu’il était le fils d’un trafiquant de fourrures canadien-français, « Michael » d’Aigle, et d’une femme de la nation des Sauteux, Louise Obtagashio. Peu de temps après sa naissance, sa mère quitta son père pour aller vivre avec un autre Canadien français, Michel Restoul, parfois appelé Washusk, avec qui elle eut deux autres fils. Les trois garçons seraient les fondateurs de la bande indienne Dokis, et Migisi en serait le premier chef.

Migisi fut élevé comme un Sauteux. Il ne reçut pas d’instruction en règle et comme il parlait peu l’anglais, il aurait besoin d’un traducteur lorsque, plus tard, il aurait à communiquer avec les représentants du département des Affaires indiennes. Selon la tradition de la bande, il acquit le sobriquet de Dokis en raison de son habitude de dire duckies pour le pluriel de duck quand il était enfant. Jeune homme plein d’initiative, il établit un poste de traite sur la rive nord du lac Nipissing avec ses demi-frères Francis et Joseph Washusk. Les trois firent aussi concurrence à la Hudson’s Bay Company en apportant des marchandises par canot jusqu’au lac Temagami à partir du lac Nipissing.

Lorsque William Benjamin Robinson* rencontra à Sault-Sainte-Marie, en 1850, des groupes de Sauteux de la région du lac Huron pour négocier un traité, il reconnut Dokis comme chef de bande. En retour de la cession d’un vaste territoire allant de Penetanguishene à la baie Batchawana, chaque bande de Sauteux obtint une réserve et d’autres avantages. Dokis choisit l’île Okikendawt de la rivière French et une péninsule adjacente. D’une superficie d’environ 61 milles carrés, la réserve fut confirmée et enregistrée en 1853 après un arpentage effectué sous l’œil vigilant de Dokis. Son choix de territoire s’avéra heureux. C’est là que se trouvaient certains des plus beaux peuplements de pin rouge, de pin blanc, de pruche et de diverses essences de bois dur du Nord. Le terrain était plat et aucun point ne se trouvait à plus d’un mille et demi de la rivière French ou de son affluent, la Memesagamesing.

Dans les années 1880, on assista au dernier assaut sur le peuplement de pin blanc qui recouvrait autrefois l’est de l’Ontario. Un territoire forestier de la valeur de celui où se trouvait la réserve Dokis ne pouvait échapper à la convoitise des entrepreneurs forestiers. Le traité Robinson-Huron et la loi de 1876 sur les Indiens permettaient au gouvernement fédéral de vendre ou de louer des peuplements au nom des Indiens, mais seulement avec le consentement de la majorité des hommes adultes de la bande. Alors que de nombreuses bandes du nord de l’Ontario étaient prêtes à abandonner leur pin contre une somme égale au prix de vente fixé par le gouvernement provincial pour des concessions forestières sur des terres de la couronne, Dokis et sa bande refusèrent pendant plus de 20 ans de vendre leur bois à quiconque. L’obstination de Dokis souleva la colère des entrepreneurs forestiers, des représentants du département des Affaires indiennes et des hommes politiques, qui tous, à force d’arguments, de pots-de-vin, de menaces et de mensonges, tentèrent de soustraire le peuplement de pin à l’autorité du chef.

La première tentative sérieuse en vue d’obtenir la cession du bois de la réserve eut lieu en 1888. Thomas Walton, le surintendant régional des Affaires indiennes, organisa un vote au sein de la bande par l’entremise du chef. Malgré la possibilité de recevoir un revenu annuel individuel estimé à 4 $ provenant de l’intérêt sur l’investissement du produit de la vente et de droits de coupe subséquents, les membres de la bande refusèrent. En réponse à l’argument selon lequel la colonisation rapide de la région exposait le peuplement de pin au risque d’incendie, le chef Dokis répondit : « Si c’[est] la volonté de la Providence qu’il brûle alors que le bois brûle. » Walton fut amené à conclure que « des considérations sentimentales plutôt que financières guidaient [la] conduite [des Indiens] » et maugréa contre l’influence « de nature tyrannique » que le chef exerçait sur la bande.

Chaque année, la valeur du bois de la réserve augmentait. Selon deux évaluations faites en 1893 (sans l’autorisation du chef), le prix de vente en encan public pouvait être estimé à 250 000 $, ce qui aurait procuré à chaque membre de la bande un revenu annuel d’environ 131 $. Pourtant, guidée par le chef Dokis, la bande ne changerait pas de position. « L’action de la bande dans cette question illustre [...] l’incapacité des Indiens d’administrer leurs propres affaires », écrivit Walton à son supérieur. Il recommanda que le département « recherche ou assume un pouvoir exceptionnel pour disposer de leur bois sans leur consentement ». Le département ne suivit pas ce conseil, mais ses tentatives ultérieures de négocier la cession avec la bande se virent opposer un refus ferme.

Le 25 avril 1906, Dokis mourut. Son dernier geste de chef fut d’exiger de son fils et héritier Michael le serment qu’il « léguerait le bois à ses enfants comme lui-même l’avait fait ». Michael mourut deux mois après son père et fut remplacé comme chef par son frère Alexander. Ce dernier n’avait pas le même ascendant sur la bande que son père avait eu ; par conséquent, l’agent des Affaires indiennes, George P. Cockburn, prenant avantage de la division et contournant le chef, organisa un vote sur la cession le 7 janvier 1908. Huit membres de la famille Washusk et trois de celle des Migisi votèrent pour ; Alexander et cinq autres Migisi votèrent contre. La vente aux enchères, tenue à Ottawa le 27 juin, ainsi que la location de terrains et des droits de coupe devaient rapporter à la bande, qui comptait alors 81 personnes, une recette nette de 1,1 million de dollars, et assurer à chacun des membres un revenu mensuel de 50 $. La bande devint celle où la richesse par personne était la plus élevée du Canada.

Les qualités de Dokis n’étaient pas passées inaperçues, même parmi les employés du département des Affaires indiennes. George L. Chitty, inspecteur de bois, écrivait en 1898 qu’il était « profondément honnête et sincère dans ses déclarations, et [sensible à] ces qualités chez d’autres ». Il décrivait Dokis à l’âge de 80 ans comme « droit, actif et bien conservé, d’aspect doux et raffiné », et le considérait comme « un homme sensé de grande expérience parmi les Indiens et les Blancs ». Le goût de l’épargne et de l’indépendance que le chef légua à ses descendants a permis aux Dokis, qui exploitent judicieusement leurs ressources, de demeurer un peuple fier et prospère.

James T. Angus

AN, RG 10, 2217–2219.— Ottawa Evening Journal, 27 avril 1893.— J. T. Angus, A Deo victoria : the story of the Georgian Bay Lumber Company, 1871–1942 (Thunder Bay, Ontario, 1990) ; « How the Dokis Indians protected their timber », OH, 81 (1989) : 181–199.— Canada, Indian treaties and surrenders [...] [1660–1906] (3 vol., Ottawa, 1891–1912 ; réimpr., Toronto, 1971), 1 : 149–151.

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James T. Angus, « MIGISI (Michel d’Aigle Dokis) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/migisi_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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