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McLEAN, WILLIAM JAMES (Big Bear), trafiquant de fourrures, né le 27 octobre 1841 dans l’île Lewis, Écosse, fils d’Angus McLean et d’Ann McRae ; le 23 août 1866, il épousa au fort Simpson (Fort Simpson, Territoires du Nord-Ouest) Helen Hunter Murray, fille d’Alexander Hunter Murray*, et ils eurent six filles, dont Amelia Anne, et six fils ; décédé le 12 novembre 1929 à Winnipeg.
William James McLean entra à la Hudson’s Bay Company en 1859, à l’âge de 18 ans. Il travailla jusqu’en 1864 à titre d’apprenti commis, successivement à York Factory (Manitoba), à Lower Fort Garry (Manitoba) et au fort Norman (Fort Norman, Territoires du Nord-Ouest). Muté en 1864 au fort Liard (Fort Liard, Territoires du Nord-Ouest), il y passa au rang de commis en chef. De 1873 à 1882, il fut affecté au fort Qu’Appelle (Fort Qu’Appelle, Saskatchewan), où il fut promu chef de poste et prit part à la conclusion du traité no 4 [V. David Laird*]. Après avoir servi en 1882–1883 au fort Ellice (Fort Ellice, Manitoba), il occupa en 1883–1884 la fonction de chef de poste à Île-à-la-Crosse (Saskatchewan), sur la rivière aux Anglais (fleuve Churchill). En 1884–1885, il travailla au fort Pitt (Fort Pitt), sur la rivière Saskatchewan. Bien que nouveau venu au fort Pitt lorsque survinrent les troubles de 1885, il avait donc une solide expérience du Nord-Ouest et de la négociation avec les peuples autochtones.
Les événements à cause desquels McLean acquit le surnom de Big Bear McLean se succédèrent à un rythme accéléré d’avril à juin 1885. Tôt le matin du 3 avril, le conseiller agricole George Gwynn Mann et d’autres personnes venues chercher refuge au fort Pitt racontèrent à McLean que, la veille au matin, au lac La Grenouille (lac Frog, Alberta), neuf colons étaient tombés sous les balles de certains membres de la bande de Cris dirigée par Gros Ours [Mistahimaskwa*]. Sans tarder, McLean s’organisa pour que les résidents du fort Pitt, y compris l’inspecteur Francis Jeffrey Dickens* et 23 agents de la Police à cheval du Nord-Ouest, barricadent le fort et le défendent en cas d’attaque (« Je n’ai pas dormi deux heures [par période de] vingt-quatre heures », écrirait McLean). Rien ne se passa jusqu’au 13 avril. Ce jour-là, Gros Ours et environ 250 Cris se présentèrent au fort et demandèrent que McLean s’entretienne avec les chefs le lendemain. McLean accepta « dans l’espoir d’être de quelque utilité au pays et à ceux qui avaient le malheur de se trouver dans une situation si précaire avec [lui] à Pitt ».
Les pourparlers s’engagèrent sur un ton cordial. Selon McLean, tant les Cris des Plaines que les Cris des Bois déclarèrent que, sans s’opposer le moindrement à la présence de la Hudson’s Bay Company sur leurs terres (en fait, ils ne souhaitaient pas qu’elle parte), ils voulaient chasser « le gouvernement » et « ses » auxiliaires, les « Habits rouges », c’est-à-dire la Police à cheval du Nord-Ouest. McLean tenta de les convaincre que lutter contre le gouvernement et les colons était à la fois « sans espoir » et « dangereux ». Esprit Errant [Kapapamahchakwew*], qui était armé et s’exprimait au nom des Cris des Plaines, souligna que les paroles de McLean venaient trop tard et qu’il devait leur obéir et rester dans leur campement. McLean nota dans son premier rapport : « [Je] me sentais misérable et impuissant, bourrelé de remords parce que je m’étais fait prendre, seulement quelques heures après avoir cru et espéré arriver à convaincre les Indiens de leurs erreurs et de leur folie. » Les négociations furent interrompues par deux éclaireurs de la Police à cheval du Nord-Ouest et un civil qui pénétrèrent au galop dans le campement. L’inspecteur Dickens les avait envoyés la veille à la recherche des hommes de Gros Ours. Croyant à une attaque, les Cris ripostèrent : ils tuèrent l’un des hommes et en blessèrent un autre, tandis que le troisième s’enfuyait. Esprit Errant dit à McLean qu’il devait jurer de rester avec les Cris, l’assura que sa vie n’était pas en danger et que personne ne ferait de mal à sa famille, et précisa : « Je sais que vous êtes un homme de parole. » McLean accepta et négocia de son mieux afin de protéger les autres personnes du fort, obligées elles aussi de venir au campement des Cris, et de permettre à Dickens et à ses hommes de partir en toute sécurité. Une note adressée le 14 avril par Gros Ours à John A. Martin, sergent de la Police à cheval du Nord-Ouest, et reproduite dans le récit de William Bleasdell Cameron*, Blood red the sun, suggère que les Cris avaient déjà décidé de laisser les policiers s’en aller. Ceux-ci descendirent la rivière Saskatchewan à bord d’un chaland construit en toute hâte dans les jours précédents. La famille de McLean, les fonctionnaires de la Hudson’s Bay Company et tous ceux qui s’étaient réfugiés au fort Pitt se rendirent au campement de Gros Ours. Les rapports de McLean sur ces événements révèlent qu’il se sentait impuissant, mais continuait de chercher à obtenir des concessions pratiques.
McLean, sa femme Helen (enceinte de leur dixième enfant) et leurs neuf enfants restèrent chez les Cris jusqu'à la mi-juin et furent libérés par les Cris des Bois, qui avaient rompu avec les Cris des Plaines. À ce moment-là, toutes les autres personnes qui avaient été détenues au campement de Gros Ours avaient été libérées ou s'étaient enfuies. Le 24 juin, les McLean rentrèrent enfin au fort Pitt. Pendant leur captivité, ils avaient survécu aux batailles de Butte-aux-Français (Frenchman Butte) et du lac Loon, qui avaient opposé les Cris aux policiers lancés à leur poursuite. Selon ses rapports, McLean collabora avec divers autochtones amicaux – des Cris des Bois et des Cris du mont Riding – pour empêcher les hommes de Gros Ours de rejoindre Poundmaker [Pītikwahanapiwīyin*] à Battleford et Louis Riel* à Batoche.
À l’issue de ces événements, McLean dut expliquer, dans les réclamations adressées par la Hudson’s Bay Company au gouvernement canadien, dans quelle mesure il était responsable de la perte du fort Pitt (qui avait été pillé, puis incendié). Sa version des faits diffère de celle de l’inspecteur Dickens, qui n’était pas reconnu pour sa compétence. Selon McLean, la première fois que les Cris se présentèrent au fort Pitt, le 13 avril, Dickens convint avec lui de l’importance d’accéder à leur demande et d’aller tenir des pourparlers dans leur campement. Lorsque McLean fut arrivé au campement, les Cris lui dirent que la présence de la Police à cheval du Nord-Ouest mettait en péril toutes les personnes présentes au fort Pitt et qu’ils incendieraient le fort si les policiers ne quittaient pas les lieux. Dans ses rapports, McLean laisse entendre que Dickens manqua de jugement en envoyant des éclaireurs inexpérimentés qui n’arrivèrent pas à suivre les mouvements des Cris et qui, en faisant irruption dans le campement, compromirent le succès des négociations. Mme McLean aida Dickens à surmonter son indécision en recommandant d’utiliser le chaland de la Hudson’s Bay Company et en attendant que les policiers soient hors de danger avant de se rendre au campement des Cris.
D’après Dickens, la Police à cheval du Nord-Ouest refusa d’abord de quitter le fort Pitt à moins que les Cris ne se dispersent. Sans consulter personne, McLean accepta des pourparlers, de sorte qu’il se trouva pris au piège au campement cri, où sa famille et d’autres civils consentirent à le rejoindre. Comme il ne restait plus de civils à protéger, Dickens était libre de « veiller à la sécurité de [ses] propres hommes » et de quitter le fort. Selon lui, « la pusillanimité de M. Maclean » était la cause de « la reddition des civils ». Certains journaux de l’époque blâmèrent aussi McLean. Pour les colons de fraîche date et les gens qui n’avaient pas l’habitude de traiter avec les autochtones (Dickens était réputé pour son manque de tact dans ces relations), négocier avec eux était déjà une concession. Par contre, pour McLean, trafiquant chevronné de la Hudson’s Bay Company, rencontrer les Cris et discuter avec eux devait être tout à fait naturel. Les Cris, pour leur part, respectaient son point de vue (même s’ils n’étaient pas toujours disposés à suivre ses conseils) et croyaient en sa parole.
Après les événements de 1885, William James McLean devint chef de poste au fort Alexander, au Manitoba. Ensuite, de 1886 à sa retraite en 1892, il fut affecté à Lower Fort Garry et chargé de surveiller la traite dans le district du lac Winnipeg. En 1893, le lieutenant-gouverneur du Manitoba, John Christian Schultz*, lui confia une mission confidentielle, à savoir réaliser une étude sur le district du Keewatin. McLean fit rapport sur la consommation d’alcool et l’activité criminelle (toutes deux faibles), sur la situation des peuples autochtones non visés par un traité, sur les incendies de forêt et sur la réglementation des pêches. La diminution rapide du nombre d’animaux à fourrure, qui menaçait la survie des autochtones, l’inquiétait particulièrement. McLean recommanda de proposer au Parlement un système qui assurerait la protection de l’orignal, de l’ours et du castor, non seulement dans le Keewatin, mais dans tout le Nord-Ouest. Des lettres adressées à son frère Duncan en 1899 indiquent que, en mettant à profit son expérience passée et les relations qu’il avait nouées avec les autochtones du temps où il était commis de la Hudson’s Bay Company au fort Liard, il guida une équipe qui allait chercher de l’or au Yukon. En 1901, McLean présenta devant la Société historique et scientifique de Manitoba un exposé intitulé « Notes and observations of travels on the Athabasca and Slave lake regions in 1899 ». Dans cet exposé, il ne fait brièvement mention qu’une seule fois d’« énormes gisements minéraux » ; il met surtout l’accent sur le rude paysage de la partie nord-est du Grand lac des Esclaves (si lointain et silencieux, fait-il remarquer, que la « nature [semble] avoir cessé d’exister »), sur la « profusion » de poissons et sur la chasse au caribou pendant leur migration estivale annuelle à travers la région. Aux ruines du fort Reliance (Reliance, Territoires du Nord-Ouest), McLean songe à l’histoire des explorateurs dans la région et imagine un futur où les « sportifs et [les] touristes » de l’Europe et des États-Unis en feraient « un lieu de villégiature annuel ». On ne sait guère ce qu’il fit par la suite. Selon la nécrologie parue dans le Beaver en décembre 1929, il travaillait pour le ministère des Affaires indiennes à Winnipeg au moment de son décès.
Les « Notes and observations of travels on the Athabasca and Slave lake regions in 1899 » de William James McLean ont été publiées dans Man., Hist. and Scientific Soc., Trans. (Winnipeg), no 58 (1901).
AM, ACBH, D.20/35/1b, ff.134–158 ; E.218.— Bob Beal et R. [C.] Macleod, Prairie fire : the 1885 North-West rebellion (Edmonton, 1984 ; réimpr., Toronto, 1994).— W. B. Cameron, Blood red the sun (éd. rév., Calgary, 1950).— F. J. Dickens, « Report of Inspector Dickens, North-West Mounted Police », dans Settlers and rebels : being the official reports to Parliament of the activities of the Royal North-West Mounted Police Force from 1882–1885 (Toronto, 1973), 78–80.— Robert Watson, « Late chief trader W. J. McLean », Beaver (Winnipeg), outfit 260 (déc. 1929) : 315s.
Lally Grauer, « McLEAN, WILLIAM JAMES (Big Bear) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mclean_william_james_15F.html.
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Auteur de l'article: | Lally Grauer |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |