McLANE (McLean, M’Lane), DAVID, marchand, peut-être originaire de l’Ayrshire, Écosse, pendu à Québec le 21 juillet 1797, à l’âge d’environ 30 ans.

De l’été de 1789 à avril 1793, la Révolution française est célébrée dans la presse à Québec et à Montréal, par les Canadiens aussi bien que par les Anglais, les uns comme adeptes des Lumières, les autres heureux de voir les Français se donner enfin un régime parlementaire. Bien qu’opposé à la Révolution, le clergé canadien n’en laisse rien paraître publiquement.

À partir du moment où la Révolution déclare la guerre à la Grande-Bretagne, la situation change radicalement et les autorités entreprennent de mener un combat avant tout psychologique. Proclamations contre la sédition, harangues, adresses, discours du gouverneur ou des autres administrateurs sont publiés chaque semaine par la presse de Québec et de Montréal. Plusieurs de ces textes sont ensuite réunis en brochures et distribués, aux frais du gouvernement, aux magistrats, capitaines de milice, juges de paix et autres notables, enjoignant à chacun de dénoncer ceux qui tiennent des propos séditieux. En même temps, la chambre d’Assemblée suspend l’habeas corpus le 2 mai 1797 et ordonne aux étrangers – surtout aux Français – de quitter la colonie. Le clergé dénonce de son côté les « horreurs » de la révolution parricide et satanique par ses mandements, ses lettres circulaires, ses prônes et ses sermons.

Dès l’automne de 1793, s’installe chez les Anglais la peur de voir arriver la flotte française de Saint-Domingue (île d’Haïti), peur qui renaîtra chaque automne jusqu’en 1797. Et durant ce temps, on pourchasse des émissaires français insaisissables. Le refus des Canadiens de s’inscrire sur les rôles de milice selon la nouvelle loi de 1794, par crainte d’être appelés loin de chez eux, et les incidents qui se produisent en 1796 contre la loi de voirie, qui oblige les habitants à payer de leur personne, de leurs attelages et de leurs outils pour la construction des chemins, portent les Anglais à croire que les Canadiens sont manipulés par des espions. Il fallait donc découvrir ces dangereux émissaires : on trouva David McLane, marchand de Providence, Rhode Island.

À Montréal, le 1er décembre 1796, William Barnard déclare sous serment qu’il a rencontré McLane au Vermont en juillet précédent, puis à Montréal, et que celui-ci a admis vouloir fomenter la révolution au Canada. À Québec, le 10 mai 1797, John Black*, constructeur de navires et député, déclare à un membre du Conseil exécutif qu’il a le jour même rencontré Charles Frichet, qui lui a confié qu’un général français caché dans les bois désirait le voir. Black a ainsi rencontré David McLane, qui lui aurait exposé son projet de subversion. Il proposait de renverser le gouvernement britannique en recrutant, en plus de sept ou huit personnes d’influence, dont Black, autant de Canadiens que possible qui, aidés d’hommes recrutés aux États-Unis, attaqueraient par surprise la garnison de Québec, armés de piques longues de huit pieds. Le soir même, McLane est arrêté dans la maison de Black qui avait dénoncé l’Américain aux autorités. Le 14 juin, la cour adjoint à McLane pour sa défense George Germaine Sackville Francklin, fils de Michæl Francklin, et George Pyke*, tous deux avocats depuis quelques mois seulement. Le 7 juillet, le procès s’ouvre devant 12 jurés anglais. Les avocats de la couronne sont le procureur général Jonathan Sewell* et Alexis Caron. Six témoins à charge comparaissent, dont Charles Frichet et John Black, qui tous incriminent l’accusé. Celui-ci, dans sa déclaration, dit n’être venu au Canada que pour y vendre du bois. La défense n’ayant fait entendre aucun témoin, Pyke fait ressortir l’absurdité du projet prêté à McLane et l’absence de preuves. Francklin allègue pour sa part qu’il convient de se méfier de deux des témoins à charge, Frichet et Black, qui sont des complices. Le jury, après avoir délibéré une demi-heure, déclare McLane coupable. Les avocats de la défense demandent alors que le jugement soit cassé puisque McLane, en sa qualité d’étranger, ne peut être accusé de trahison. La demande est rejetée et le juge en chef de la province, William Osgoode*, condamne David McLane à être pendu et éviscéré vivant, pour avoir ensuite la tête et les membres séparés du corps. Il est exécuté le 21 juillet au milieu d’une grande foule, hors les murs de la ville, assisté de deux pasteurs protestants. Il était déjà mort lorsque le bourreau lui trancha la tête et l’éviscéra et son corps ne fut pas dépecé. Les témoins à charge auraient reçu des terres pour le prix de leur collaboration, en particulier John Black. Charles Frichet, illettré et peu doué, est condamné à la prison à vie pour avoir omis de dénoncer l’émissaire américain, mais il obtient son pardon et est aussitôt remis en liberté.

L’affaire McLane horrifia certes les populations et fit grand bruit. Le gouvernement fit imprimer 2 000 exemplaires des minutes du procès par William Vondenvelden* et apporta une aide financière à John Neilson* qui publia deux éditions du résumé du procès après y avoir consacré de longs articles dans la Gazette de Québec. Dès l’automne, une brochure relata aux Américains le procès et le châtiment barbare infligé à McLane. Le gouvernement américain, au courant de cette affaire, préféra ne pas intervenir afin de préserver ses relations avec la Grande-Bretagne. L’année suivante, l’abbé Augustin de Barruel, l’un des théoriciens français de la contre-révolution, entendait prouver par l’affaire McLane « l’universalité des succès de la secte, expliqué par l’universalité de ses complots ». Les procédures et les minutes du procès prirent même place en 1819 dans la collection des grands procès compilés par Thomas Bayly Howell, et la cause fit l’objet de débats chez les juristes anglais et américains du xixe siècle.

Le projet prêté à McLane comporte de nombreuses invraisemblances et les historiens canadiens-anglais, sauf Douglas Brymner* et William Kingsford*, autant que les historiens canadiens-français, ont en général convenu que McLane était davantage un pauvre fou qu’un conspirateur. Cette affaire constitue un bel exemple de ce qui se passe en temps de guerre, lorsque la peur panique, l’action psychologique et la surenchère font perdre la tête aux uns et poussent les autres à la dénonciation payante.

Claude Galarneau

Les minutes du procès. Publiées par William Vondenvelden, forment un ouvrage de 127 pages intitulé The trial of David McLane for high treason, at the city of Quebec, in the province of Lower-Canada ; on Friday, the seventh day of July, A.D. 1797 : taken in short-hand, at the trial (Québec, 1797). John Neilson publia un résumé du procès en anglais et en français. La brochure en français comporte 22 pages et s’intitule le Procès de David M’Lane pour haute trahison, devant une Cour spéciale d’oyer et terminer à Québec, le 7me ,juillet, 1797 (Québec, 1797). Quant à l’opuscule publié aux États-Unis, il a pour titre The trial, condemnation and horrid execution of David M’Lean, formerly of Pennsylvania, for high [...] (Windham, Ohio, 1797). On pourra consulter également [Augustin de] Barruel, Abrégé des mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme (Londres, 1798), et A complete collection of state trials and proceedings for high treason and other crimes and misdemeanors from the earliest period to the 1783. T. B. Howell, compil. (33 vol., Londres, 1809–1826), XXVI : no 622. [c. g.]

ANQ-Q, AP-P-1 061, 68s.-APC, MG 11, [CO42] Q, 78, pp.135–144.— Archives du ministère des Affaires étrangères (Paris), Corr. politique, États-Unis, 49, ff.146, 155–165.— APC Rapport, 1891, xxxii-xli ; note D, 57–85.— T.-P. Bédard, Histoire de cinquante ans (1791–1841), annales parlementaires et politiques du Bas-Canada, depuis la constitution jusqu’à l’Union (Québec, 1869).— Thomas Chapais, Cours d’histoire du Canada (8 vol., Québec et Montréal, 1919–1934), II.— Robert Christie, A history of the late province of Lower Canada, parliamentary and political,.from the commencement to the close of its existence as a separate province [...] (6 vol., Québec et Montréal, 1848–1855), I.— Galarneau, La France devant l’opinion canadienne.— F.-X. Garneau, Hist. dit Canada (1845–1848), III.— William Kingsford, The history of Canada (10 vol., Toronto et Londres, 1887–1898), VII.— J.-F. Perrault, Abrégé de l’histoire du Canada [...] (5 parties en 4 vol., Québec, 1832–1836), II.

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Claude Galarneau, « McLANE (McLean, M’Lane), DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mclane_david_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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