McKERROW (MacKerrow), PETER EVANDER, historien et leader communautaire, baptisé le 19 février 1841 à Antigua (Antigua et Barbuda), fils de Peter McKerrow, cordonnier, et de Susannah Evanson ; le 10 février 1863, il épousa à Halifax Mary Elizabeth Thomas (décédée en 1897) ; mort de tuberculose le 22 décembre 1906 à ce dernier endroit.

Peter Evander McKerrow se disait d’ascendance écossaise par son père mais, hormis ce renseignement, on ne sait pas grand-chose de sa famille. Ainsi que la plupart des jeunes Antillais qui immigrèrent en Nouvelle-Écosse au xixe siècle, McKerrow arriva à Halifax comme marin, et il possédait apparemment une bonne instruction, acquise à l’école primaire. Ses premières années en Nouvelle-Écosse furent marquées par son intégration dans la famille Thomas, dirigée par James Thomas, qui était Gallois, et son épouse Hannah Saunders, une Néo-Écossaise d’origine africaine. Non seulement McKerrow épousa-t-il la fille aînée des Thomas, mais il ouvrit avec eux un commerce de chapeaux et de fourrures, la Thomas and Company, qui eut pignon sur la rue Barrington jusqu’en 1894. L’autre grande influence que les Thomas exercèrent sur lui fut d’ordre religieux. En 1874, McKerrow commença à fréquenter l’église African Baptist, où James Thomas, qui était Blanc, figurait parmi les principaux prédicateurs depuis 1857 (il le demeurerait jusqu’à sa mort en 1879).

Reconnu comme le plus éloquent de tous les leaders laïques noirs de Halifax durant les 25 dernières années du xixe siècle, McKerrow en fut aussi l’un des plus actifs et des plus respectés. Cette réputation, il se la taillerait par son ardeur au travail, par son dévouement envers sa famille et son Église, par les postes de direction qu’il occuperait dans les sections noires des organisations séculières internationales blanches, et par sa participation, durant les années 1870, au premier mouvement pour la défense des droits des Noirs.

L’emploi qu’il occupait dans l’entreprise familiale donna à McKerrow les moyens de faire instruire sa fille et ses quatre fils (d’autres enfants étaient morts en bas âge). Ses trois premiers fils le suivirent dans le commerce de fourrures, à la comptabilité, et le cadet étudia la médecine à Montréal avant d’émigrer dans le Massachusetts. Après la dissolution de la Thomas and Company, McKerrow travailla avec son fils aîné, James Thomas, qui ouvrit un commerce de fourrures sur la rue Granville. Quand James Thomas partit s’établir dans le centre du Canada vers 1900, Peter McKerrow prit peut-être sa retraite, ou suivit l’exemple de son beau-frère William B. Thomas et alla travailler comme salarié dans un commerce de fourrures dirigé par des Blancs.

Les activités de McKerrow dans son Église furent celles d’un laïque dévoué. Contrairement à son beau-père et à deux de ses beaux-frères, McKerrow n’avait pas été ordonné, ni autorisé à prêcher. Néanmoins, à titre de secrétaire de l’African Baptist Association de la Nouvelle-Écosse de 1875 à 1905, il livrait un message annuel aux membres. Administrateur et diacre de l’église Cornwallis Street de Halifax, il fut aussi durant longtemps surintendant de son école du dimanche. En 1895, McKerrow publia à Halifax A brief history of the coloured Baptists of Nova Scotia and their first organization as churches, A.D. 1832 [...], se signalant ainsi comme le premier historien noir de la province. Cet ouvrage, qui montrait les diverses origines de l’Église baptiste et les influences qu’elle avait reçues d’Afrique, de Grande-Bretagne, des États-Unis et des Antilles, contribua à confirmer le caractère multi-ethnique des institutions culturelles noires de la province.

Tant dans les organisations religieuses que dans les organisations séculières, McKerrow préférait l’intégration raciale aux structures distinctes ou parallèles, au moins au niveau où se décidaient les lignes d’action. Il préconisa donc, mais sans succès, la fusion de l’African Baptist Association et de la Maritime Baptist Convention. Il accordait aussi beaucoup d’importance à son rôle de représentant des loges noires aux grands conseils intégrés de la région : l’Union Lodge No. 18 des francs-maçons, dans laquelle il était entré en 1866 et dont il publierait la chronique dans un opuscule en 1906, et la Morning Glory Lodge de l’Independent Order of Good Templars, une société de tempérance. McKerrow occupa, à un moment ou à un autre, tous les grands postes de direction de ces deux loges noires, et adhéra au mouvement qui réussit à empêcher que leurs conseils provinciaux ne se façonnent selon les règles ségrégationnistes en vigueur aux États-Unis.

Quoiqu’il ait appuyé le principe de fonctionnement des loges et de l’Église selon lequel les Noirs étaient « égaux mais à part », ou qu’il s’en soit accommodé, McKerrow refusait la ségrégation dès qu’il était question d’éducation, celle-ci étant alors, pour lui comme pour bien d’autres, le meilleur moyen pour améliorer les conditions de vie de la population « de couleur » de la Nouvelle-Écosse. Après s’être opposé en 1872 au Bureau des commissaires d’écoles de Halifax à propos du traitement infligé à son fils aîné, McKerrow poursuivit sa bataille durant deux décennies en signant des pétitions, en faisant partie de délégations et en participant à des assemblées publiques en faveur de l’égalité d’accès aux écoles publiques pour les Néo-Écossais d’origine africaine. Il soutenait que, puisqu’ils avaient les mêmes devoirs que les Blancs, les citoyens noirs devaient aussi avoir les mêmes droits [V. Jane Bruce]. Ses prises de position contre les écoles séparées en 1876 et ses écrits en général témoignent d’un profond respect pour la vieille Angleterre, « cette terre dont les lois ont tant fait pour la race africaine », de l’affranchissement des esclaves à l’encouragement de la participation noire aux organisations communautaires.

Vers la fin du siècle, Peter Evander McKerrow avait néanmoins reconnu que l’héritage états-unien des Noirs comportait aussi des aspects positifs, puisque les États-Unis offraient des possibilités d’instruction et d’emploi qui n’existaient pas en Nouvelle-Écosse. Voyant les jeunes Noirs instruits, dont ses trois fils, quitter cette province en mauvaise santé économique, il attribua la rareté des chances d’avancement pour les Noirs à la discrimination en milieu de travail, un problème beaucoup plus insoluble à l’époque que celui de la ségrégation dans les écoles ou dans les associations communautaires.

Judith Fingard

Un exemplaire de l’opuscule de Peter Evander McKerrow intitulé A few scattering webs of memory in the semi-centennial history of Union Lodge, no 18, R.N.S., AF & AM ([Halifax, 1906]) est conservé dans les dossiers sur la franc-maçonnerie aux PANS, MG 20, 2130, no 34. Une nouvelle édition de l’histoire de McKerrow sur son Église, préparée par Frank Stanley Boyd Jr avec l’aide de Mary I. Allen Boyd, a paru à Halifax en 1976 sous le titre McKerrow : a brief history of the coloured Baptists of Nova Scotia, 1783–1895.

AN, RG 31, C1, 1871, 1881, 1891, Halifax (mfm aux PANS).— National Archives of Antigua Barbuda (St John’s, Antigua), Anglican church records, St Peter’s parish, reg. of marriages, 1835 ; Ecclesiastical Dist. of All Saints, reg. of baptisms, 1841.— PANS, MG 20, 2012, no 2 ; 2130, no 34 ; 2218 ; Places, Halifax, Board of School Commissioners, minutes, vol. 4–9 (mfm) ; Snow Funeral Home Ltd., burial reg., 1906 (mfm) ; RG 14, Ser.R, Halifax City, Lockman/Maynard Street ; RG 32, 165, no 10.— Acadian Recorder, 4 juin 1879, 8 déc. 1880, 22, 24 déc. 1906.— Daily Echo (Halifax), 27 déc. 1906.— Halifax Herald, 24 juin 1892, 25 déc. 1906.— Maritime Baptist (Saint-Jean, N.-B.), 16 janv. 1907.— Morning Chronicle (Halifax), 27 juill. 1877, 26 déc. 1906.— Morning Herald (Halifax), 8 juill. 1880.— African Baptist Assoc. of Nova Scotia, Minutes (Halifax), 1877–1907 (exemplaires conservés dans l’Atlantic Baptist Hist. Coll., Acadia Univ., Wolfville, N.-É.).— Annuaire, Halifax, 1871–1907.— A. P. [Borden] Oliver, A brief history of the colored Baptists of Nova Scotia, 1782–1953 [...] ([Halifax, 1953]).— Judith Fingard, « Race and respectability in Victorian Halifax », Journal of Imperial and Commonwealth Hist. (Londres), 20 (1991–1992) : 169–195.— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (Montréal, 1971).

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Judith Fingard, « McKERROW (MacKerrow), PETER EVANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mckerrow_peter_evander_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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