McGREGOR, WILLIAM BRUCE, chef sauteux, né en 1844 près de Sydenham (Owen Sound), Haut-Canada, fils d’Alexander MacGregor et de Mary Wahbahdick ; vers 1865, il épousa à la réserve de Cape Croker, Haut-Canada, Philomène Nadjiwon (Onahjiwan), et ils adoptèrent plusieurs enfants ; décédé le 22 juin 1907 à Cape Croker.

William Bruce McGregor appartenait à la bande des Nawash, qui faisait partie des Sauteux de Saugeen. Au moment de sa naissance, la bande vivait dans une grande réserve située au nord de Sydenham, sur la péninsule de Saugeen (péninsule de Bruce, Ontario). Son père, Écossais, était un commerçant et un pêcheur respecté de Goderich, et sa mère était la fille d’un grand chef héréditaire des Sauteux de Saugeen. McGregor grandit parmi le peuple de sa mère, donc dans une culture autochtone, mais il reçut aussi des rudiments d’éducation anglaise de deux pasteurs méthodistes, David Sawyer [Kezhegowinninne*] et Conrad Vandusen*. Il avait 14 ans lorsque les membres de la bande furent forcés de quitter leurs maisons à pans de bois et les terres qu’ils avaient défrichées pour faire place à l’expansion d’Owen Sound. Relocalisés au cap Croker, où les terres étaient improductives, ils connurent une période de réinstallation extrêment difficile.

Grand et beau jeune homme, McGregor prit la succession du chef Peter Jones Kegedonce à la tête de la bande en 1867. Il allait exercer cette fonction durant près de 40 ans. Son ascendance, son éducation et son allure contribuèrent sans doute à son succès, de même que son mariage. Sa femme, Philomène Nadjiwon, appartenait à une bande de Potéouatamis qui avait fui les guerres déclenchées contre les populations autochtones au Michigan, et dont un grand nombre de membres avaient été adoptés par la bande des Nawashs. Sous la supervision de l’agent du département des Affaires indiennes, McGregor exerçait son autorité sur toute la réserve de Cape Croker avec tolérance et bon sens. Sa popularité connut une seule éclipse : en 1885, il signa l’acte par lequel les Sauteux de Saugeen cédaient les nombreuses îles qui bordent la côte ouest de la péninsule de Bruce. Il perdit son poste mais fut réélu deux ans plus tard. En qualité de chef, il passa une bonne partie de son temps à surveiller l’agent et le département des Affaires indiennes pour qu’ils administrent honnêtement les fonds de la bande et ne revendiquent pas les terres non cédées par celle-ci. Il s’employa aussi à promouvoir l’harmonie. Il organisa des activités sportives auxquelles participaient des habitants de la réserve et des colons blancs des villages environnants, et souvent, lorsqu’il y avait des fêtes, la fanfare de Cape Croker allait jouer pour les gens de Wiarton. Dans la réserve, il sut créer un équilibre entre les groupes catholique et méthodiste en distribuant des faveurs, soit sous forme de postes ou de gratifications diverses. Il défendait les droits de son peuple lorsque, par exemple, des Blancs volaient le bois de la bande, braconnaient dans ses eaux ou frustraient des Indiens de leurs gages, et il encourageait l’agriculture, la pêche, l’exploitation forestière, l’instruction et la sobriété.

McGregor intervenait souvent au Grand Conseil, organisme où les Sauteux prédominaient et qui se réunissait tous les deux ans pour étudier les problèmes qu’affrontaient les peuples autochtones de l’Ontario. En 1879 par exemple, il fut l’un des 85 délégués qui se rassemblèrent à la réserve de Wawanosh (Sarnia) pour discuter de la loi de 1876 sur les Indiens. Pour bon nombre de délégués, cette loi, qui affranchissait les personnes instruites, pouvait être un moyen de forcer les Indiens acculturés à quitter les réserves sous prétexte qu’ils n’appartenaient plus à leur bande. McGregor estimait qu’il fallait laisser à ces personnes le soin de décider si elles acceptaient ou non l’émancipation. Il prônait la fréquentation scolaire obligatoire dans les réserves, affirmant qu’elle permettrait aux Indiens avec statut de se tailler une place dans la société blanche. Kegedonce, délégué lui aussi, réclamait que les pensionnats, comme les écoles des réserves, donnent une meilleure formation. Cependant, certains traditionalistes du conseil en avaient contre les écoles parce qu’elles encourageaient l’abandon de la culture autochtone. Comme le gouvernement ne reconnaissait pas et ne soutenait pas le Grand Conseil, ce n’était guère plus qu’un forum où pouvaient s’exprimer les griefs et un moyen d’assurer la continuité du leadership des Sauteux, transmis depuis des temps immémoriaux.

En 1885, le gouvernement de sir John Alexander Macdonald* accorda le droit de voter au fédéral à tous les individus de sexe masculin qui habitaient les réserves de l’est du Canada, moyennant un cens électoral assez minime. McGregor convainquit la bande des Nawashs de soutenir le candidat conservateur de Bruce North aux élections de 1887, mais ce fut son seul geste politique d’importance, semble-t-il. En 1898, le gouvernement libéral annula le droit de vote.

Malade, William Bruce McGregor démissionna de son poste de chef le 20 juin 1907 et mourut deux jours plus tard. Il avait dirigé sa bande pendant une période troublée et, malgré l’atmosphère étouffante que créait le paternalisme gouvernemental, il en avait préservé l’intégrité. À sa mort, elle était la plus riche des bandes de Sauteux au Canada. Selon le Wiarton Echo, son décès causa un « deuil général ». Ses obsèques symbolisaient le mélange des cultures auquel il avait œuvré : les Sons of Scotland participèrent à la mise en terre de leur membre honoraire au cimetière des Sauteux.

Peter S. Schmalz

Une photographie de William Bruce McGregor au conseil, en habit canado-européen, et une de sa femme en vêtements indigènes, figurent dans R. M. Vanderburgh, I am Nokomis, too : the biography of Verna Patronella Johnston (Don Mills [Toronto], 1977), 118.

L’information sur McGregor et la réserve de Cape Croker (Ontario) est tirée de la tradition orale de la réserve, ainsi que des registres des procès-verbaux du conseil de 1880–1910, et d’autres registres de la bande conservés dans ses archives ; ces documents existent aussi sur microfilm aux AO, F 1418 (accès limité).  [p. s. s.]

AN, RG 10, 416, 541, 549.— Wiarton Echo (Wiarton, Ontario), oct. 1879, 7 mai 1884, 1885–1888, particulièrement 2 mars, 23 oct. 1885, 8 févr. 1889, 20, 27 juin 1907.— Grand General Indian Council of Ontario and Quebec, Minutes (Hagersville, Ontario), 1884.— P. S. Schmalz, The history of the Saugeen Indians ([Toronto], 1977) ; The Ojibwa of southern Ontario (Toronto, 1991).

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Peter S. Schmalz, « McGREGOR, WILLIAM BRUCE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mcgregor_william_bruce_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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