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McCREIGHT, JOHN FOSTER, avocat, homme politique et juge, né en 1827 à Caledon (Irlande du Nord), fils de James McCreight, ministre de l’Église d’Irlande, et d’Elizabeth Foster ; décédé le 18 novembre 1913 à Hastings, Angleterre.
Issu de l’élite protestante qui dominait la vie politique et sociale de l’Irlande au xviiie siècle et au début du xixe, John Foster McCreight avait de solides liens avec l’Église et l’État par la famille de son père et, surtout, de sa mère. Ses jeunes années – le peu que l’on en connaît – se déroulèrent de manière plutôt prévisible. Après avoir fréquenté le College of St Mary à Winchester, en Angleterre, il entra au Trinity College de Dublin. Il fit quatre ans de droit aux King’s Inns de Dublin et fut reçu au barreau d’Irlande le 9 novembre 1852.
Comme la mort précoce de son père avait passablement réduit ses perspectives d’avenir et comme le sort de l’élite, donc de sa famille élargie, était incertain, McCreight décida d’émigrer aux colonies. Il avait 25 ans ; pareille aventure présentait peut-être aussi un attrait en soi. Il n’était pas le premier de la famille à quitter l’Irlande. Tout de suite après son admission au barreau, il partit pour l’Australie, comme deux de ses cousins l’avaient fait. Puis, après avoir pratiqué le droit durant sept ans à Melbourne, il s’embarqua, avec sa bibliothèque, sur un bateau à destination de San Francisco, puis de Victoria. Était-ce par goût de l’aventure et parce que la ruée vers l’or du Fraser avait ouvert des perspectives économiques plus prometteuses que celles de l’Australie ? Était-ce plutôt parce que Melbourne était devenu inhospitalier en raison des méfaits dont on accusait ses cousins, devenus des hommes politiques connus ? On l’ignore. Quoi qu’il en soit, il arriva dans la capitale de l’île de Vancouver dans le courant de l’année 1860.
Alors âgé de 33 ans, McCreight était prêt à se fixer. Durant 20 ans, il vivrait rue Michigan et jouerait un rôle actif dans les organisations de Victoria. On n’a découvert aucun acte de mariage, mais selon des indices figurant dans la presse et dans de la correspondance privée, une dame McCreight assistait à diverses activités sociales. D’aucuns ont avancé que, par suite d’une liaison scandaleuse, McCreight avait quitté l’Australie et cherché un endroit où lui-même et sa femme pourraient recommencer à neuf. D’autres croient qu’il avait épousé une femme rencontrée à San Francisco. Chose certaine, il n’y avait pas de Mme McCreight dans le décor en 1871, lorsque McCreight devint premier ministre de la nouvelle province et que, pour cette raison, l’opinion s’intéressa à lui de plus près. Aucun de ses biographes n’a trouvé de preuve d’un mariage subséquent, mais le recensement de 1881 indique qu’il était marié et qu’une dénommée Elizabeth Ann McCreight, âgée de 42 ans et mariée elle aussi, vivait sous le même toit que lui.
Contrairement à ses collègues juristes Matthew Baillie Begbie* et Henry Pering Pellew Crease*, McCreight n’aimait pas fréquenter les dîners et les bals organisés par la bonne société de Victoria. D’un naturel effacé, difficile diraient certains, il préférait rester seul et se consacrer à ses deux passions : son cheval et ses ouvrages de droit. Apparemment, ce fut à la fois par conviction et par ambition qu’il entra dans la franc-maçonnerie (il y fut admis en 1866 et devint grand maître adjoint de la Grand Lodge of British Columbia en 1873) et œuvra au sein de l’Église d’Angleterre.
McCreight partageait un banc avec d’autres notables coloniaux tels Begbie et Crease à la cathédrale Christ Church. Il fut le marguillier élu par les fidèles de 1869 à 1873, puis de 1875 à 1876. En outre, de 1874 à 1883, il représenta la cathédrale aux synodes anglicans à titre de délégué laïque. Sa participation à l’administration de l’Église coïncida avec une profonde scission entre Edward Cridge, le doyen, et l’évêque George Hills*, essentiellement au sujet des rites de la Basse Église et de la Haute Église.
Les relations que McCreight se fit par l’intermédiaire des francs-maçons et de l’Église durent l’aider sur le plan politique. Après l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération, le 20 juillet 1871, il devint procureur général dans le cabinet intérimaire qui fut au pouvoir de la mi-août à la mi-novembre, et ce, même s’il n’avait exercé aucune fonction élective pendant la période coloniale. Le 16 octobre, à l’occasion des premières élections générales de la province, il remporta l’un des sièges de la circonscription de la ville de Victoria à l’Assemblée législative. Puis, choisi le 13 novembre par le lieutenant-gouverneur, Joseph William Trutch*, il devint le premier des premiers ministres de la Colombie-Britannique, tout en conservant le poste de procureur général.
Que Trutch ait porté son choix sur McCreight était surprenant et, en fin de compte, peu judicieux. Le lieutenant-gouverneur, semble-t-il, l’avait préféré en raison de ses qualités d’avocat et du fait qu’il n’était pas comme bon nombre des autres députés, « gens bizarres et d’humeur difficile – équipe récalcitrante » ou trop empreints de l’esprit factieux de la période coloniale. En outre, tout comme Trutch, il n’avait rien d’un réformiste : même s’il avait appartenu à la Confédération League, il était fermement opposé au gouvernement responsable, car il était convaincu que ses concitoyens britanno-colombiens n’avaient pas assez de maturité pour s’acquitter des obligations imposées par la démocratie. Pareilles opinions n’étaient pas de nature à accroître sa popularité. Même ceux qui partageaient sa méfiance envers le gouvernement responsable avaient du mal à travailler avec lui et encore plus de mal à l’aimer. Non seulement était-il « malcommode et étrange », selon Crease, mais il était aussi « tour à tour extrêmement crédule et extrêmement soupçonneux [...] obstiné à l’excès au mauvais moment [...] secret dans sa vie quotidienne [... et] tout à fait ignorant en matière de politique ».
Bien que, sous la direction de McCreight, la première session de l’Assemblée législative ait été productive (environ 54 mesures législatives furent présentées et 36 adoptées), elle ne fit que confirmer ses préjugés sur les dangers du gouvernement par le peuple. McCreight conclut que les hommes politiques de la province faisaient preuve d’esprit de clocher et n’étaient pas dignes de confiance. Il avait raison – c’est du moins ce que son propre avenir politique allait démontrer. Le 19 décembre 1872, quelques jours à peine après l’ouverture de la deuxième session, Thomas Basil Humphreys* présenta une motion de censure. Abandonné par certains de ses partisans, McCreight démissionna.
McCreight siégea à l’Assemblée trois autres années mais retourna à la pratique privée en 1875, cette fois en tant que conseiller de la reine. Toutefois, ce fut pour peu de temps, car il accéda à la Cour suprême de la province le 26 novembre 1880 et travailla dans les districts de Cariboo, de Victoria et, finalement, de New Westminster jusqu’en 1897. Peu de temps après avoir pris sa retraite, il quitta la Colombie-Britannique pour l’Angleterre et finit par s’établir à Hastings. Au moment de sa mort, il habitait à la résidence d’une dame Mary Jane Fisher ; peut-être avait-il trouvé la compagnie dont il avait été privé durant tant d’années.
La vie de McCreight est représentative de certains aspects du xixe siècle. Sous bien des rapports, il correspondait au type du migrant britannique : habité d’espérances trop grandes pour ses moyens, il comprit que la mobilité géographique était l’une des voies de la réussite. Versé en droit et très au fait des manières de la classe moyenne, il s’établit aisément et, semble-t-il, confortablement, d’abord à Melbourne, puis à Victoria. Ces mouvements entre colonies sont d’ailleurs une autre facette de l’immigration britannique au xixe siècle. En outre, une fois en Colombie-Britannique, il se déplaça beaucoup. Bien qu’il ait passé une bonne partie de son temps à Victoria, il vécut aussi dans la région de Cariboo et à New Westminster, et fit la navette entre ces trois endroits régulièrement, même si ce n’était pas toujours avec plaisir.
D’une façon plus générale, McCreight avait une mentalité propre au monde anglo-américain de l’époque. Sa certitude quant au cours des choses était grande et s’enracinait dans la foi : foi en la loi et en la capacité humaine d’apprendre. Pourtant, sous cette assurance, il y avait des tensions entre le besoin de certitude et le désir d’en savoir davantage. Pour McCreight, connaître les règles et les appliquer, tant de manière réactive que normative, était la clé de l’ordre social. Il était ce que l’on pourrait appeler un fondamentaliste du droit. Il supportait mal les larges interprétations de Begbie, juge de la Cour suprême, avec qui il eut plusieurs affrontements. Le plus sérieux survint en 1862 dans l’affaire Cranford c. Wright ; McCreight démissionna du barreau de la Colombie-Britannique à cause de la conduite du juge. Louangé par certains et rabaissé par d’autres en raison de sa grande connaissance de la common law et du droit écrit ainsi que de son habitude de citer les manuels, McCreight disait de lui-même qu’il était « uniquement une machine à appliquer la loi ». Cette image est révélatrice. Non seulement suppose-t-elle que le droit est un ensemble abstrait de règles qu’il suffit d’appliquer à des circonstances particulières pour obtenir des résultats socialement désirables, mais elle témoigne d’une croyance en la technique – autre aspect de la mentalité du xixe siècle.
Si l’adhésion à la loi séculière et l’étude attentive de celle-ci favorisaient l’ordre des affaires temporelles, la connaissance et l’application de la parole de Dieu favorisaient la bonne marche des affaires spirituelles. Lorsque John Foster McCreight porta un regard aussi aiguisé sur sa foi que sur ses ouvrages juridiques, il se sentit d’abord dérouté. Il traversa une crise de foi dans le courant des années 1880 et se convertit au catholicisme en 1883. Apparemment, ce fut une lecture attentive des théologiens anglicans qui fut la cause immédiate de cette crise, mais la conversion de McCreight se préparait peut-être depuis longtemps. L’angoisse que lui avait causée la scission entre Cridge et l’évêque Hills en fut peut-être un facteur, tout comme son amitié pour le prêtre James Maria McGuckin*, dont il avait fait la connaissance lors de son séjour dans la région de Cariboo. Ébranlé, il embrassa la « seule vraie foi » avec autant de conviction qu’il défendit le droit jusqu’à sa mort en 1913.
BCARS, A/E/C86/C86/A171, 3 août, 5 déc. 1863.— Daily Colonist (Victoria), 11 août 1860, 27 oct. 1872, 30 nov. 1880, 18 nov. 1897.— North Pacific Times and British Columbia Advertiser (New Westminster), 12 nov. 1864.—Canada Gazette, 27 nov. 1880.— S. W. Jackman, Portraits of the premiers : an informal history of British Columbia (Sidney, C.-B., 1969).— P. M. Johnson, « John Foster McCreight », « McCreight and the law », « McCreight and the bench », et « McCreight and the church », dans British Columbia Hist. Quarterly (Victoria), 12 (1948) : 79–92, 127–149, 211–229, et 297–309.— Judges of British Columbia to 1957 : a sourcebook [...], J. N. Fraser, compil. (Victoria, 1984).— M. A. Ormsby, British Columbia : a history ([Toronto], 1958).— R. L. Reid, « R.W. Bro. John Foster McCreight », Freemasons, Grand Lodge of British Columbia, Proc. (Vancouver), 70 (1941) : 173.— W. N. Sage, « John Foster McCreight, the first premier of British Columbia », SRC, Mémoires, 3e sér., 34 (1940), sect. ii : 173–185.— Scholefield et Howay, British Columbia.
Tina Loo, « McCREIGHT, JOHN FOSTER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mccreight_john_foster_14F.html.
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Auteur de l'article: | Tina Loo |
Titre de l'article: | McCREIGHT, JOHN FOSTER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |