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MARTIN, CARL ALBERT, éducateur, missionnaire morave, évêque et auteur, né le 17 octobre 1861 à Gnadenfrei (Piława, Pologne), fils de Franz Theodor Martin et de Bertha Baer ; le 3 juin 1888, il épousa à Kleinwelka, Allemagne, Anna Lydia Oelmann (1864–1939), et ils eurent huit fils et une fille ; décédé le 22 octobre 1934 à Herrnhut, Allemagne.
Carl Albert Martin (on l’appelait Albert Martin) naquit en Prusse, dans une famille morave. Son père mourut quand il était enfant, laissant sa famille dans une situation financière difficile. Grâce à une bourse, Carl Albert put néanmoins fréquenter l’école morave de Niesky (Allemagne), avant de poursuivre ses études au collège de théologie de Gnadenfeld (Gościęcin, Pologne) entre 1881 et 1884. Il devint instituteur à l’école morave pour garçons de Kleinwelka, mais quitta ce poste quand il fut appelé pour le service missionnaire au Labrador. Martin s’intéressait depuis longtemps aux missions d’outre-mer de l’Église et il avait été particulièrement enthousiasmé par l’histoire de ses débuts au Groenland, mais il semble que cette nomination le prit par surprise. Il fut ordonné diacre le jour de Pâques de 1888, puis, en juin, il épousa Anna Lydia Oelmann, institutrice diplômée et fille de missionnaires moraves qui travaillaient en Afrique du Sud. Le couple de jeunes mariés partit pour le Labrador peu de temps après.
À Nain, Martin devint assistant de Johann Heinrich Theodor Bourquin*, surintendant de la mission au Labrador ; il remplaça temporairement ce dernier en 1889, puis succéda à son aîné de façon permanente en août de l’année suivante. Tout comme Bourquin, Martin faisait partie d’une nouvelle classe de dirigeants moraves instruits. Connaissant déjà le groenlandais grâce aux cours particuliers, notamment de phonétique, que lui avait donnés en Allemagne un ancien missionnaire, il maîtrisa le dialecte inuktitut parlé au Labrador plus rapidement et de manière plus approfondie que d’autres nouveaux venus.
L’éducation de Martin le poussa à réorganiser le programme des écoles du Labrador où l’enseignement se donnait en inuktitut, afin de privilégier davantage des stratégies d’apprentissage qui reflétaient le milieu environnant. Plutôt que de présenter un simple problème d’addition, il proposait un exemple de la vie quotidienne : « Trois traîneaux arrivent dans la baie. Le premier est tiré par quatre chiens, le deuxième par cinq, et le troisième par six. Combien de chiens y a-t-il ? » Martin écrivit : « Selon mon expérience, nos enfants esquimaux s’appliquent plus assidûment à de tels problèmes et comptent ainsi plus vite que si on faisait des opérations ne comportant que des nombres. » Il créa également, à Nain, des cours de formation professionnelle pour instituteurs autochtones.
Pendant qu’il était en permission en Allemagne en 1899, Martin participa, à titre de délégué, au synode général de l’Église morave qui se tint à Herrnhut. Au cours de cette assemblée furent proposées plusieurs mesures dans le but de promouvoir l’indépendance et l’autosuffisance des églises de missions, notamment la consécration d’évêques dans les territoires plus vastes. Martin, qui avait été admis au presbytérat le 15 janvier de cette année-là, devint évêque le 22 octobre, en même temps que des missionnaires du Suriname et d’Afrique du Sud. À son retour au Labrador en août 1900, il reprit ses fonctions administratives. En 1913–1914, il irait de nouveau en congé en Europe.
Pendant ses années de surintendance, Martin vit l’introduction au Labrador d’une nouvelle forme de gouvernement ecclésiastique avec l’établissement de conseils ou de comités, connus sous le nom de Gemeinrat dans la tradition morave ou d’angajoKauKatigêt dans la région ; ils se composaient d’aides autochtones (kivgat) choisis par les missionnaires et de représentants de congrégation élus. Ces réunions, qui avaient lieu dans la mission du Labrador depuis 1865, furent à la base de la création des conseils d’aînés. Le synode général de 1899 suggéra, entre autres, la formation de ces conseils pour augmenter la participation des autochtones dans les affaires de l’Église et de la communauté ; il encouragea également les églises missionnaires à demander une cotisation à leurs membres afin d’accroître leur sentiment d’appartenance et leur sens des responsabilités envers elles.
Martin contribua à la croissance de l’alphabétisation au Labrador en révisant plusieurs traductions en inuktitut, dont celles du livre d’Isaïe, du Pentateuque, des liturgies de la Passion et du recueil d’hymnes moraves qui continuerait d’être utilisé à cet endroit. Pour offrir des possibilités de communication dans le dialecte local, il commença en 1902 à publier un bulletin bimensuel, Aglait illũnainôrtut (Écrits pour tous), qui deviendrait un magazine illustré. Ce bulletin était imprimé sur une presse que Martin avait installée à Nain et qui faisait aussi l’impression de documents plus courts, comme des textes catéchistiques et des gospels. Il publia également des histoires pour enfants et un livre de lecture en inuktitut. Martin était un fin observateur des traditions autochtones du Labrador, quoique quelque peu paternaliste ; il écrivit deux petits livres qui mettaient en évidence une connaissance approfondie de la culture inuite : Das Leben des Labrador-Eskimo (la Vie des Esquimaux du Labrador) et Die Bibel und unsere Eskimo (la Bible et nos Esquimaux), tous deux parus à Herrnhut, respectivement en 1903 et 1928.
Un consulat prussien avait été établi à Nain en 1879 pour aider les missionnaires du Labrador originaires d’Allemagne et leur famille. Martin, comme son prédécesseur Bourquin, servit à titre de consul. Il exerça ses fonctions de 1892 jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Les moraves avaient méticuleusement noté le temps qu’il faisait dans la région depuis le xviiie siècle, d’abord pour la Royal Society de Londres, puis, au xixe siècle, pour le Deutsche Seewarte, l’observatoire marin allemand à Hambourg, qui recueillait des données à l’échelle mondiale. En 1913, le gouvernement prussien décerna à Martin l’ordre de l’Aigle rouge, de quatrième classe, pour son travail en météorologie.
Durant la guerre, Carl Albert Martin quitta son poste de surintendant pour le laisser à Walter Whatley Perrett, collègue missionnaire, puis, en compagnie de sa femme, il partit s’installer dans la colonie de Hebron, située plus au nord. Là, les Martin secoururent les nombreux membres de leur congrégation qui furent victimes de la pandémie dévastatrice de grippe espagnole de 1918–1919. Ils prirent leur retraite en 1922 et vécurent par la suite à Kleinwelka et à Herrnhut. Quand Martin mourut à Herrnhut en 1934, à l’âge de 73 ans, une publication de l’Église morave pleura la disparition d’« un vrai et grand missionnaire ».
Le livre de lecture de Carl Albert Martin a paru sous le titre Unipkautsit attornartut ajokertûtsemut kaujijaksaujune sunatuinarne : illiniarvingnullo kittorngarênullo illingajut [Livre de lecture en inuktitut pour l’école et la maison] (Herrnhut, Allemagne, 1899). Sa traduction révisée du livre d’Isaïe, qu’il a faite avec W. W. Perrett, s’intitule Nellautaijub Jesaiasib aglangit (Herrnhut, 1903). Martin a publié ses histoires pour enfants dans la revue Aus Nord und Süd : Missionsblatt der Brüdergemeine für die Jugend [Du Nord au Sud : revue de la mission morave pour les jeunes] (Hernnhut). Les communications de Martin en inuktitut, préparées pour ses cours de formation aux enseignants, sont conservées aux Them Days Arch., Happy Valley-Goose Bay, Terre-Neuve.
Moravian Arch. (Bethlehem, Pa), Records of the Moravian Mission in Labrador [1764–1944] (mfm à la Memorial Univ. of Nfld, Queen Elizabeth II Library, Centre for Nfld Studies, St John’s).— Unitätsarchiv, Moravian Arch. (Herrnhut), Moravian Mission records relating to Labrador, 1750–1908 (mfm au Centre for Nfld Studies).— « Carl Albert Martin », Moravian Missions (Londres), 33, no 2 (février 1935) : 12.— Missions-Ordnung der Labrador-Missionsprovinz/Rules and regulations of the Labrador Mission Province (Herrnhut, 1912).— Hans Rollmann, « The origin of fog : a Labrador Inuit folk tale », Newfoundland and Labrador Studies (St John’s), 23 (2008) : 79–84 : https://journals.lib.unb.ca/index.php/nflds/article/view/10179/10506.
Hans J. Rollmann, « MARTIN, CARL ALBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/martin_carl_albert_16F.html.
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Auteur de l'article: | Hans J. Rollmann |
Titre de l'article: | MARTIN, CARL ALBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |