Titre original :  François Le Moyne de Martigny . - 1935 - Archives de Montréal

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MARTIGNY, FRANÇOIS DE (baptisé François-Xavier de Martigny, nom avec lequel il signait parfois), médecin, chirurgien, journaliste, franc-maçon et officier, né le 16 octobre 1871 à Saint-Romuald-d’Etchemin (Lévis, Québec), fils d’Adelstan de Martigny (Le Moyne de Martigny), médecin, et de Louise de Martigny (Lemoyne de Martigny) ; le 6 septembre 1904, il épousa dans la paroisse Saint-Louis-de-France, Montréal, Maria Tarte (décédée le 7 mai 1939), fille de Joseph-Israël Tarte*, et ils eurent au moins cinq enfants ; décédé le 28 septembre 1940 à Montréal.

François de Martigny fait ses études classiques au collège de Lévis, puis au collège Sainte-Marie, à Montréal. Titulaire d’un doctorat en médecine – reçu avec distinction de l’université Laval à Montréal en 1894 –, il se spécialise en chirurgie à Paris, d’abord à l’hôpital Necker et, ensuite, à l’Hôpital international, où il est chirurgien adjoint.

Pendant qu’il séjourne à Paris (il fera des allers-retours entre Paris et Montréal durant environ huit années), Martigny fonde à Montréal, en juillet 1894, le périodique la Clinique, dont il sera le rédacteur en chef en 1895 et le directeur de 1910 à 1920. Dans ce mensuel, qu’il dirige parfois à distance, il prône la qualité de la formation médicale et n’hésite pas à critiquer la faculté de médecine de l’université Laval à Montréal. En 1896, par exemple, la Clinique dénonce la nomination sans concours du médecin J.-C.-S. Gauthier comme professeur adjoint à la chaire d’hygiène. La faculté juge alors que les directeurs, en utilisant ainsi leur tribune, sont révolutionnaires. En 1897, Martigny profitera de l’un de ses passages à Paris pour trouver des écrits originaux de médecins français à publier dans la Clinique.

En octobre 1896, à l’instar de son frère Adelstan*, Martigny adhère à L’Émancipation, loge franc-maçonne montréalaise, où il devient premier surveillant en 1899. Ses activités et ses idées maçonniques lui occasionnent souvent des ennuis, tant avec le clergé catholique qu’avec plusieurs confrères médecins. Bien que Martigny soit rayé de la liste des membres de L’Émancipation en 1904 pour défaut de paiement, son nom y figurera lorsqu’elle sera rendue publique en 1910. Pour conserver son poste de chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Montréal, qu’il occupe au moins à partir de 1909, il doit alors renouer avec la pratique religieuse.

En 1902, Martigny a été l’un des premiers à devenir membre de la Ligue de l’enseignement [V. Godfroy Langlois*]. Cet organisme réclame des réformes dans l’instruction, notamment dans l’apprentissage de l’hygiène à l’école, l’inspection sanitaire, l’élaboration d’un programme d’éducation publique et l’examen médical des élèves. Le clergé, qui y voit une remise en question de son autorité, réagit vivement et la ligue est finalement mise en veilleuse deux ans plus tard. En 1906, le gouvernement français reconnaît les efforts de Martigny en faveur des établissements d’enseignement publics et le nomme officier de l’Instruction publique.

L’année suivante, Martigny est élu au conseil d’administration du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec. À ce titre, il participe à l’élaboration et à la promotion de la Loi médicale de Québec, sanctionnée en 1909 [V. Albert Laurendeau*]. Cette loi, qui est une refonte générale des lois et statuts des médecins, a notamment pour effet de consacrer une part plus grande à la formation clinique dans les facultés. Martigny devient membre de plusieurs autres sociétés médicales, dont l’Association française de chirurgie, la Société d’urologie de Paris et l’Association internationale d’urologie, ce qui lui attire les critiques de ses confrères qui voient dans ces adhésions une dénonciation de la communauté médicale canadienne-française. En 1914, Martigny présente sa démission, qui lui est refusée, au conseil d’administration du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec ; il perd cependant son poste plus tard cette année-là, à la suite d’une élection.

En 1910, Abraham Flexner, de la Carnegie Foundation for the Advancement of Teaching, publie un rapport sur les écoles de médecine au Canada et aux États-Unis qui déplore l’absence d’enseignement pratique et de laboratoires à l’université Laval à Montréal. Martigny embrasse alors cette cause. Grâce à son ami, le chirurgien français Alexis Carrel (futur récipiendaire du prix Nobel de physiologie ou médecine en 1912, qu’il a connu pendant son bref séjour à Montréal en juin 1904), Martigny rencontre Flexner le 12 avril 1911 afin de plaider en faveur de la faculté de médecine.

Le 19 mars 1915, Martigny s’enrôle au sein du 4e hôpital militaire stationnaire canadien (canadien-français), levé par Arthur Mignault pour le Corps expéditionnaire canadien. Il reçoit le grade de major et exerce les fonctions de chirurgien en chef de l’hôpital à partir du mois de mai. Le 6 mai, il s’embarque pour la Grande-Bretagne à bord du Metagama. En attendant que son unité soit déployée près d’un théâtre d’opérations, il est détaché auprès des hôpitaux britanniques de Woolwich (Londres) et de Princes Risborough. Offert à la France par le premier ministre sir Robert Laird Borden pour le service de ses blessés, le 4e hôpital militaire stationnaire canadien (canadien-français) s’installe en 1915 à l’hippodrome de Saint-Cloud, en banlieue de Paris, et y restera jusqu’à la fin de la guerre. En juillet 1916, lorsque l’hôpital stationnaire, dont la capacité passe à 1 400 lits, devient le 8e hôpital général canadien (canadien-français), Martigny est promu lieutenant-colonel. Il fonde en septembre l’Association des médecins militaires canadiens, qu’il présidera jusqu’à son retour au Canada en 1917. Martigny est envoyé à Compiègne à quelques reprises, dans l’hôpital militaire dirigé par Carrel, ce qui lui vaut, en décembre 1916, la médaille d’or de la Société du dévouement, en reconnaissance de son labeur constant et de ses opérations chirurgicales.

Toutefois, Martigny est renvoyé au Canada avant même la fin du conflit mondial. Il semble que la guerre sans merci que se livrent le major Joseph-Napoléon Roy et lui soit à l’origine de cette décision des autorités militaires. Roy, qui compte 24 années de service militaire, a trouvé injuste le fait que Martigny ait obtenu en juillet 1916 le grade de lieutenant-colonel, plus élevé que le sien, après seulement un peu plus d’une année d’expérience. Il insinue que Martigny aurait bénéficié de cette promotion grâce à l’influence politique de sa famille. Officiellement, Martigny demande lui-même son rapatriement pour des raisons personnelles. En avril 1917, il s’embarque pour le Canada ; il est libéré le 1er décembre suivant.

Redevenu civil, Martigny exerce de nouveau la chirurgie à l’Hôtel-Dieu de Montréal et participe, en septembre 1919, à la fondation de l’Hôpital français, établissement laïque chargé de soigner des indigents français de Montréal. Toutefois, en raison de difficultés financières et des pressions du clergé, l’hôpital est confié à des religieuses et devient, neuf ans plus tard, l’hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc. Jusqu’à sa retraite, en 1938, Martigny y travaille comme chirurgien en chef et est reconnu comme une figure importante de la profession médicale au pays.

Martigny conserve un vif intérêt pour la vie militaire. Après la guerre, il s’occupe activement des vétérans canadiens-français. En 1936, il est élu grand président provincial de la Légion canadienne de la ligue des services de l’Empire britannique. Il est également président provincial des Vétérans français de la Grande Guerre et, en qualité de lieutenant-colonel, membre de la réserve du Corps de santé royal canadien. En août 1939, il réclame l’honneur d’organiser et de prendre en charge un hôpital général militaire.

François de Martigny n’a cependant pas l’occasion de servir encore une fois son pays. En août 1940, au cours d’une partie de pêche à la rivière Nouvelle, en Gaspésie, son canot chavire. Il échappe de justesse à la noyade et est transporté d’urgence à l’hôpital de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Il est ensuite transféré à l’hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc de Montréal, où il meurt.

Michel Litalien

BAC, R611-298-7 ; R611-316-5, vol. 211, dossier 6-R-382 ; RG150, Acc. 1992-93/166, boîte 2427-1 ; Acc. 1992-93/167, boîte 30, dossier 372-5-56.— BAnQ-Q, CE301-S54, 18 oct. 1871.— FD, Saint-Louis-de-France (Montréal), 6 sept. 1904.— Le Devoir, 1940.— La Presse, 1917–1940.— BCF, 1920.— Rita Desjardins, « Ces médecins montréalais en marge de l’orthodoxie », Bull. canadien d’hist. de la médecine (Waterloo, Ontario), 18 (2001) : 325–347.— Roger Le Moine, Deux loges montréalaises du Grand Orient de France (Ottawa, 1991).— Michel Litalien, Dans la tourmente : deux hôpitaux militaires canadiens-français dans la France en guerre (1915–1919) (Outremont [Montréal], 2003).— « Obituaries », Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), 43 (1940) : 500–501.— Robert Soupault, Alexis Carrel, 1873–1944 (Paris, 1952).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Michel Litalien, « MARTIGNY, FRANÇOIS DE (baptisé François-Xavier de Martigny) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/martigny_francois_de_16F.html.

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Auteur de l'article:    Michel Litalien
Titre de l'article:    MARTIGNY, FRANÇOIS DE (baptisé François-Xavier de Martigny)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2018
Année de la révision:    2018
Date de consultation:    28 novembre 2024