MAROIS, ARTHUR, briqueteur et dirigeant syndical, né le 1er novembre 1872 à Québec, fils de Ferdinand Marois, maçon, et de Marie-Anne Juneau ; le 1er février 1892, il épousa à Québec Adiana Langlois puis le 24 octobre 1921, au même endroit, Émélie Bouret, veuve de Gaudiose Langlois ; quatre fils et une fille lui survécurent ; décédé le 27 juin 1928 à Québec.
Briqueteur à Québec, Arthur Marois fut initié très jeune au syndicalisme par son père, qui y avait fondé un syndicat de briqueteurs en 1880. Dans les années 1890, il fit partie de l’Union nationale des briqueteurs, plâtriers et maçons de Québec, et en fut le secrétaire. Par la suite, il se joignit à l’Union secourable et protectrice des journaliers, dont les membres l’élurent délégué au Conseil central des métiers et du travail de Québec. À la fin du siècle, il entra à l’assemblée Feuille d’érable no 1160 des Chevaliers du travail, « beaucoup, écrirait-il, pour apprendre l’organisation où je sentais les chefs ». Il garda une bonne opinion des Chevaliers du travail, qui l’impressionnèrent par leur souci du progrès « moral et intellectuel » de la classe ouvrière. Il ne prenait pas alors ombrage de l’origine américaine de cette organisation, car ses dirigeants laissaient une grande autonomie aux assemblées. En revanche, la condamnation des Chevaliers du travail par l’archevêque de Québec Elzéar-Alexandre Taschereau* en 1885 lui avait laissé un goût amer. « Au lieu de faire comme le clergé Américain qui lui non seulement se renseigne mais sympathise avec les ouvriers, le nôtre [...] n’en apprenait que ce que les bonnes commères leur en rapportait », préciserait-il en mars 1917 dans une lettre à Alfred Charpentier*, futur président de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada. Beaucoup d’adhérents avaient alors quitté ce syndicat qui, selon Marois, ne se releva pas de ce coup à Québec. Il en garda l’opinion que le clergé ne comprenait rien à la question ouvrière et qu’il ne devait pas se mêler d’affaires syndicales.
En 1898, Marois fut élu président du Conseil central des métiers et du travail de Québec, fonction qu’il occupa jusqu’en 1901. L’organisme, formé en 1889 et auquel étaient affiliés bon nombre de syndicats de Québec, avait pour rôle principal de les représenter sur la scène municipale tout en constituant un forum de discussion sur des questions touchant les intérêts de la classe ouvrière. En septembre 1900, Marois fonda le Bulletin mensuel du travail, premier journal syndical de Québec qui se donnait pour mission « d’appuyer et de défendre les programmes du travail organisé ». Ce mensuel, devenu plus tard hebdomadaire et qui paraîtrait jusqu’en décembre 1903, visait à soutenir en particulier les syndicats de la chaussure qui luttaient pour se faire reconnaître par les manufacturiers. Les membres de ces syndicats furent d’ailleurs victimes d’un lock-out général en octobre 1900 et, comme le conflit s’éternisait, les parties acceptèrent d’avoir recours à l’arbitrage de l’archevêque de Québec, Mgr Louis-Nazaire Bégin [V. Gaudiose Hébert]. L’un des trois syndicats touchés, l’Union des cordonniers-machinistes, était toutefois particulièrement réticent à soumettre sa constitution à l’examen de l’archevêque, comme ce dernier l’exigeait, car ses dirigeants estimaient que l’archevêque outrepassait son autorité. Marois, alors président du Conseil central, soutint les cordonniers-machinistes. Comme eux, il comprenait mal pourquoi « l’autorité ecclésiastique serait devenu le tribunal compétent pour imposer ses jugements en matière purement laïque ». Il y voyait « la coalition manifeste, autant que malheureuse, du pouvoir clérical et de la puissance du capital, pour asservir de pauvres ouvriers ». Le 29 novembre 1901, il fit parvenir au ministère fédéral du Travail un volumineux dossier sur cette question, estimant que cette cause concernait tous les ouvriers canadiens et tous ceux qui étaient soucieux des libertés civiques. « La question, écrivait-il, est de savoir s’il va falloir désormais tout soumettre à la juridiction ecclésiastique : finance, commerce, industrie, agriculture, travail, contrats, nos diverses transactions journalières […] Est-ce que les lois du Canada donnent aux évêques le pouvoir de ramener les horreurs de l’Inquisition dans leurs diocèses respectifs, demandait-il, dès que pour l’exécution de leurs arrêts, ils pourront trouver des laïcs intéressés à s’en faire le bras séculier ? » Henry Albert Harper*, sous-ministre suppléant, répondit prudemment qu’à son avis le syndicat devait respecter la décision de l’archevêque et que le ministère du Travail ne pouvait intervenir dans le conflit. L’épisode renforça l’opinion de Marois selon laquelle le clergé catholique devait se tenir loin des affaires syndicales. En mars 1917, il écrirait à Alfred Charpentier : « Je fait entière profession de foi à l’Église Catholique, j’ai tout le respect qu’il convient aux Ministres de Dieu sur l’enseignement des dogmes, mais je nie absolument leur aptitude en matière ouvrière, ils n’en connaissent à de très rares exceptions, pas le premier mot, et s’il vous eut été comme à moi un jour permis d’avoir un entretien particulier avec Son Éminence le Cardinal Bégin et en diverses occasions avec quelques uns de nos curés sur la condition des ouvriers de notre pays vous pourriez comme moi jugé de leur mentalité et leur autocratie, quoiqu’en majeure partie fils d’ouvriers eux-mêmes. »
Même s’il ne prisait guère l’autorité cléricale en matière syndicale, Marois n’était pas pour autant favorable à l’adhésion des travailleurs aux syndicats internationaux qui connaissaient une formidable expansion au Québec au début du xxe siècle. Il reprochait aux syndicats internationaux d’avoir un « point de vue […] américanisant, dominatif » et de drainer les cotisations des Canadiens vers un pays « où l’or ruissel[ait] ». Il cherchait à regrouper les travailleurs dans des syndicats purement nationaux, estimant que les Canadiens devaient eux-mêmes assumer l’orientation de leur mouvement syndical. Frondeur, il soumit cette proposition en 1913 à une réunion de syndiqués de la province de Québec, membres du Bricklayers, Masons, and Plasterers’ International Union of America. Il leur suggéra de désaffilier leurs syndicats de cette organisation et de fonder une fédération nationale qui, une fois bien établie au Québec, pourrait s’étendre à tout le pays. Profitant d’une vague de mécontentement de ses confrères envers « l’Internationale », il en amorça l’exécution à Québec, en juillet 1916, en fondant l’Union canadienne des briqueteurs, maçons et plâtriers. Deux ans plus tard, les briqueteurs de Montréal quittaient leur syndicat international et se joignaient à ceux de Québec pour former, le 24 novembre 1918, la Fédération canadienne des briqueteurs, maçons et plâtriers qui, espérait-on, se répandrait au Québec et dans le reste du Canada. Marois en devint le secrétaire-trésorier. La fédération gagna des adeptes dans d’autres villes de la province de Québec et compta pendant un certain temps trois syndicats en Ontario. Désireuse de « secouer le joug américain » et de rendre aux syndicats leur autonomie nationale, elle s’affilia à la Fédération canadienne du travail, centrale purement canadienne, en 1920. Toutefois, l’écho reçu du côté du Canada anglais fut plutôt faible et le mouvement demeura assez marginal au Canada.
À partir de la Première Guerre mondiale, le syndicalisme national subit aussi la forte concurrence au Québec des syndicats catholiques, qui se voulaient eux aussi nationaux. Marois fut invité à appuyer la confessionnalisation des syndicats nationaux, notamment par Charpentier, mais il s’y refusa, n’ayant pas oublié les douloureux épisodes du début des années 1900. Il ne voyait toujours pas la nécessité de mêler la religion au syndicalisme, dont la fonction était selon lui purement matérielle. À ses yeux, les relations du travail reposaient fondamentalement sur un rapport de force et il était utopique pour le syndicalisme catholique de vouloir en changer la nature. Dans ses lettres à Charpentier en 1917, Marois avait parfois laissé entendre qu’il serait disposé à accepter la confessionnalisation des syndicats mais seulement après l’adoption par ceux-ci de la forme nationale pendant au moins 25 ans. Délégué par l’Union canadienne des briqueteurs, maçons et plâtriers, qui refusait toujours de se confessionnaliser, il assista néanmoins au premier congrès préparatoire à la fondation de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada à Québec en 1918. Toutefois, il ne put participer au congrès de Chicoutimi en 1920, car seuls les syndicats véritablement catholiques étaient admis [V. Maxime Fortin*].
De 1920 à sa mort, Arthur Marois occupa le poste de secrétaire de la Fédération des travailleurs du bâtiment du Canada, rattachée à la Fédération canadienne du travail. Tenace et déterminé, il demeura jusqu’à la fin fidèle à ses principes : un syndicalisme purement canadien ouvert aux travailleurs de toute confession religieuse et qui séparait la religion de l’action syndicale.
AC, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Roch (Québec), 24 oct. 1921.— ANQ-Q, CE301-S96, 1er nov. 1872, 1er févr. 1892.— Arch. de l'univ. Laval, P212 (fonds Alfred Charpentier), 1/1 (corr. avec Arthur Marois).— Le Bulletin mensuel du travail (Québec), 1er sept. 1900.— Le Soleil, 27 juin 1928.— Alfred Charpentier, Ma conversion au syndicalisme catholique (Montréal, 1946) ; « Malheureuse Aventure d'une ex-"Union canadienne" », dans Programme-souvenir ; fête du Travail des syndicats catholiques nationaux (Montréal, 1930), 10–23.— Jacques Rouillard, les Syndicats nationaux au Québec, de 1900 à 1930 (Québec, 1979).
Jacques Rouillard, « MAROIS, ARTHUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marois_arthur_15F.html.
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Auteur de l'article: | Jacques Rouillard |
Titre de l'article: | MAROIS, ARTHUR |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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